- Mondafrique https://mondafrique.com/politique/ Mondafrique, site indépendant d'informations pays du Maghreb et Afrique francophone Sun, 23 Nov 2025 06:45:12 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.3 https://mondafrique.com/wp-content/uploads/2017/11/logo_mondafrique-150x36.jpg - Mondafrique https://mondafrique.com/politique/ 32 32 Une indépendance en trompe-l’œil, le vrai visage du Liban https://mondafrique.com/moyen-orient/une-independance-en-trompe-loeil-le-vrai-visage-du-liban/ https://mondafrique.com/moyen-orient/une-independance-en-trompe-loeil-le-vrai-visage-du-liban/#respond Sat, 22 Nov 2025 22:20:04 +0000 https://mondafrique.com/?p=143136 Mais l’Histoire au Liban ne se répète pas vraiment : elle bégaie, douloureusement.

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À l’heure où le Liban célèbre l’anniversaire de son indépendance, chaque citoyen libanais veut croire à un apaisement. Sauf que que la diplomatie s’enlise et qu’une conflagration massive reste possible, portée par l’impatience croissante de Washington et d’Israël face à l’impuissance des forces sécuritaires libanaises.

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La politique au Liban ressemble parfois  à une histoire inachevée, où les espoirs d’indépendance et de souveraineté se heurtent sans cesse à la réalité du terrain et à l’inquiétude des diplomates étrangers. Cette année, le 82ᵉ anniversaire de l’indépendance, célébré dans le Sud, s’est voulu porteur d’espoir. Le président Joseph Aoun y a présenté un plan en cinq points, présenté comme une base pour reconstruire l’autorité de l’État. Mais derrière les mots forts du discours, on sent bien que la situation reste grave, à un moment où tout semble pouvoir basculer à tout instant.

Le discours d’Aoun irréprochable

Le discours du président Aoun qui veut rétablir le contrôle de l’État sur toutes les armes et privilégier la souveraineté national sur tout lien extérieur est irréprochable. Son plan, détaillé, mise sur la reprise des zones occupées au Sud, le monopole de la force à la seule armée libanaise et la volonté de négocier une paix durable sous supervision internationale. Ce volontarisme politique si attendu sonne comme une promesse de paix et de retour à l’ordre républicain.

Mais au Proche-Orient, il faut souvent lire entre les lignes. L’influence du Hezbollah, ce parti devenu un État dans l’État ou pire l’arbitre ultime de la politique libanaise, parasite la fermeté du président. La négociation est affichée comme un objectif, mais le désarmement du Hezbollah reste un vœu pieux. La main tendue vers la paix n’a pas trouvé preneur, ni du côté du Hezbollah ni de l’Iran, dont les intérêts se nourrissent plus du chaos que de la stabilité.

Washington à bout de patience

Là s’ouvre un deuxième acte, celui de l’impatience américaine. Selon plusieurs sources au sein du département d’État, la tolérance des États-Unis diminue rapidement. Des responsables comme le sénateur Lindsey Graham et Joni Ernst appellent clairement à profiter de cette période pour affaiblir le Hezbollah. Ce n’est plus une menace voilée : après la visite du pape, plusieurs responsables américains préviennent que les frappes israéliennes pourraient fortement augmenter. Le Premier ministre Nawaf Salam continue d’affirmer vouloir dialoguer avec Israël, mais le pays semble désormais assiégé sur le plan diplomatique. Les États-Unis, la France, les pays du Golfe appellent à la désescalade, mais la réalité sur le terrain laisse entendre qu’un compte à rebours est lancé. Pendant ce temps, le Hezbollah renforce ses arsenaux, notamment en drones, sous le regard impuissant de l’État libanais.

La situation au Liban prend aujourd’hui des airs de tragédie : jamais la paix au Moyen-Orient n’a semblé aussi proche. Jared Kushner aurait réussi à réunir Américains, Qataris, Saoudiens, Émiratis, et même certains Palestiniens autour d’un nouveau cadre des Accords d’Abraham. Un accord sur deux États paraît enfin possible.

Le Liban, lui, se voit proposer pour la première fois depuis des décennies un soutien sans limite à son armée, des programmes de reconstruction, des solutions à la crise bancaire et des aides pour lutter contre la corruption. Il ne manque, pense-t-on, qu’une volonté de dialoguer franchement avec Israël.

Les obstacles à la Paix

Mais l’Histoire au Liban ne se répète pas vraiment : elle bégaie, douloureusement. Deux minorités, chacune à un extrême, bloquent toute avancée. L’Iran refuse tout accord qui pourrait lui faire perdre son influence. De l’autre côté, l’extrême droite israélienne paralyse Netanyahou et bloque toute concession. Le président libanais et son Premier ministre apparaissent impuissants, dépassés par une situation qui leur échappe.

Le président Aoun, dans son discours, insiste sur la nécessité de « construire un État, pas un mini-État ». Son avertissement contre toute exclusion communautaire – en visant clairement la communauté chiite et le Hezbollah – ne peut que s’interpréter que comme une volonté de calmer la frange chiite extrémiste. L’économie, officiellement en léger redressement, reste fragile et dépendante du FMI (Fonds Monétaire International)

Le Premier ministre Salam appelle à un dialogue direct avec Israël sous médiation américaine. Mais sa proposition ne reçoit aucun écho dans la population alors que les frappes israéliennes s’intensifient. On ne peut pas jouer à la fois de la carotte et du baton

Désescalade vs escalade

Dans ce contexte, l’ambassadeur d’Égypte et la diplomatie française appellent à la désescalade et au respect de la souveraineté libanaise. Mais, en coulisse, tout le monde s’attend à une escalade. Israël menace de frapper, les États-Unis s’impatientent, tandis que le Hezbollah continue de s’armer.

Le paradoxe est frappant : la région connaît une dynamique de paix, avec des rapprochements entre l’Arabie saoudite et Israël, ou l’ouverture diplomatique de la Syrie. Mais le Liban reste piégé dans une crise profonde. Même chez les chiites, certains voudraient la paix, mais ils sont pris en otage par les intérêts iraniens.

Au Liban, tout est contradiction : on parle de paix mais elle n’aboutit jamais ; la souveraineté est proclamée mais sans réalité concrète ; l’État veut se reconstruire mais sans les moyens d’y arriver. Le président semble lucide, mais impuissant, pris entre la rhétorique internationale et la dureté du terrain.

La visite prochaine du pape Léon XIV, qui aurait pu être un moment d’apaisement, risque d’être éclipsée par la montée des tensions. France, Europe, ONU plaident pour un Liban pacifié, mais tant que l’État n’aura pas le contrôle de ses frontières et de ses armes, l’indépendance reste une illusion.

Ce qui menace le Liban aujourd’hui, ce n’est pas seulement la puissance des armes, ni la lassitude de ses alliés, mais l’incapacité de ses dirigeants à transformer les crises en opportunités. L’histoire se répète, mais elle ne pardonne plus. On entend partout que la paix est un objectif sérieux, mais chacun se prépare à la guerre. C’est sans doute la leçon la plus amère de cette indépendance : un pays qui, à force de résister à l’Histoire, risque de disparaître.

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Notre portrait du général Saïd Chengriha, le vrai patron de l’Algérie https://mondafrique.com/politique/notre-portrait-du-general-said-chengriha-lhomme-fort-dalger/ https://mondafrique.com/politique/notre-portrait-du-general-said-chengriha-lhomme-fort-dalger/#respond Fri, 21 Nov 2025 07:44:59 +0000 https://mondafrique.com/?p=143029 Notre chroniqueur qui préfère conserver l’anonymat dresse le portrait du chef d’état major de l’armée algérienne, le général major Saïd Chengriha, l’homme fort par défaut du régime algérien. Ce haut gradé est souvent mal connu parce que éduqué dans la culture du secret, formé chez les militaires soviétiques peu communicatifs et grandi dans une Algérie […]

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Notre chroniqueur qui préfère conserver l’anonymat dresse le portrait du chef d’état major de l’armée algérienne, le général major Saïd Chengriha, l’homme fort par défaut du régime algérien. Ce haut gradé est souvent mal connu parce que éduqué dans la culture du secret, formé chez les militaires soviétiques peu communicatifs et grandi dans une Algérie marquée successivement par une quasi guerre civile (1992-1998) et menacée d’isolement international face à un Maroc agressif, un Mali hostile, une France distante et une Russie moins confiante  qu’elle n’était avec son allié traditionnel

Le patron de l’armée algérienne, Said Chengriha, confirme sa prééminence au sein de l’État

Origines et formation : un officier né dans la rigueur

Saïd Chengriha naît le 1er août 1945 à El Kantara, dans les Aurès, région montagneuse où la mémoire guerrière est un héritage presque intime. Le récit familial — peu documenté mais évoqué dans divers portraits — rappelle une lignée d’agriculteurs et de petits commerçants, marqués par les contraintes du milieu rural et par la proximité historique des mouvements insurrectionnels. Même si peu d’informations publiques existent sur ses parents et sa fratrie, un point ressort : une éducation dure, disciplinée, structurée par la rareté matérielle et les codes d’honneur locaux.

Cette génération née avant l’indépendance a grandi dans un environnement où la militarisation de la société — due à la guerre d’indépendance — était omniprésente. Après l’indépendance, la jeune Algérie a besoin d’officiers formés : Saïd Chengriha, fait le choix des armes et le service de son pays. Il fait partie de ceux qui sont envoyés dans des écoles d’artillerie et de blindés, d’abord en Algérie, puis dans des académies soviétiques.

La doctrine soviétique, très structurée, va marquer durablement sa vision de l’organisation de l’armée algérienne, par l’importance de la profondeur stratégique, que les Russes tentent d’imposer dans l’ex empire soviétique et les Algériens au Sahel, notamment au Mali et au Niger. L’incident du drone malien abattu dans la nuit du 31 mars au 1er avril 2025 illustre bien ces lignes rouges à ne pas franchir. Toute intrusion étrangère sera neutralisée.

Par ailleurs, les militaires à Moscou ont toujours été méfiants envers les forces extérieures, notamment celles de l’OTAN. Ce qu’Alger a reproduit parfaitement avec la France, fut-elle son alliée, mais dont le général Chengriha ne s’est jamais senti proche. D’où une relation paradoxale où le patron de l’armée algérienne entretient une coopération sécuritaire ponctuelle avec Paris, mais sur fond de méfiance historique.

La captivité à Amgala, mythe ou réalité

Parmi les récits qui circulent sur sa carrière, l’épisode d’Amgala  est celui qui revient le plus souvent, mais sans preuves irréfutables. Cet oasis est situéedans le Sahara (près de la frontière avec la Mauritanie). En 1976, dans le cadre de la guerre du Sahara occidental (impliquant le Maroc, l’Algérie et le Front Polisario), plusieurs batailles ont eu lieu à Amgala, la première fin janvier 1976, et une seconde du 14–15 février 1976. 

Saïd Chengriha était alos capitaine dans l’Armée nationale populaire algérienne (ANP) à la tète d’un bataillon algérien (avec des éléments du Polisario selon certaines sources) à Amgala. Lors de la bataille, le jeune officier ainsi qu’un un nombre important de soldats algériens ont été faits prisonniers par les Forces armées royales marocaines (FAR). Selon certaines versions, il aurait été brièvement capturé lors des affrontements entre forces marocaines, sahraouies et algériennes. L’anecdote structure en partie l’imaginaire autour de Saïd Chengriha même si elle n’est pas prouvée par des archives militaires ou diplomatiques.

Elle reste toutefois un élément symbolique clé dans la manière dont certains médias marocains et algériens construisent l’image de ce général. Dans les échanges géopolitiques, l’histoire sert parfois de mythe narratif, comme si une humiliation supposée avait façonné sa fermeté actuelle.

Un général façonné par le désert

L’essentiel de la carrière de Saïd Chengriha se déroule dans les zones les plus dures du pays :le Sud algérien et les régions militaires frontalières, notamment avec le Maroc à qui il voue une constante détestation. C’est ainsi qu’il prend la tête de la 3ᵉ région militaire, zone sensible pour le contrôle du Sahara occidental et du sud-ouest algérien. Il deviendra ensuite le chef des forces terrestres (CFT), l’un des postes les plus stratégiques de l’ANP, la voie royale pour accéder au poste suprême et convoité de CEMA (chef état-major des armées).

Ce bon général va être sauvé par le gong. Chengriha est nommé chef d’état-major en 2019, après la mort brutale d’Ahmed Gaïd Salah qui avait planifié, quelques semaines plus tôt, son départ à la retraite

Chengriha et Tebboune : un équilibre fragile, mais contrôlé

Contrairement à Ahmed Gaïd Salah, qui avait incarné une figure quasi politique, Chengriha maintient une posture plus institutionnelle après être devenu ministre de la Défense à part entière peu après la première élection de Tebboune à la Présidence. Ses relations avec le président Abdelmadjid Tebboune peuvent être décrites comme une cohabitation maitrisée.

Chacun connaît l’espace de l’autre. Tebboune gouverne, Chengriha arbitre. Le président a besoin d’un chef d’état-major loyal, le chef d’état-major s’appuie sur un président légitime sur le plan international et relativement neutre en termes d’équilibres internes au sein de l’institution militaire. Sur fond d’un alignement stratégique sur le Sahara occidental, le Sahel, la souveraineté énergétique et un équilibre diplomatique entre Moscou et Washington.

Ces relations sont tout sauf fusionnelles. Tout indique qu’ils se consultent régulièrement, sans s’exposer inutilement, loin de former un  binôme politique solide. Depuis 2022, plusieurs dossiers montrent que Chengriha conserve un rôle d’arbitre suprême au sein de l’État, comme on en a eu la preuve durant la longue attente qui a présidé à l’amnistie de Bouallem Sansal souhaitée par la Présidence algérienne depuis un an.  Pour autant, le patron de l’armée algérienne ne cherche pas la lumière, à l’exception du pilotage des exercices de modernisation de l’ANP, tout en faisant tout pour installer les militaires au coeur des rouages de l’État et de la communication du régime notamment à la télévision publique. 

Le Sahara, une fermeté structurelle

Depuis la rupture diplomatique de 2021, Chengriha supervise une politique de vigilance maximale face au Maroc.

  • Un renforcement massif de la surveillance de la frontière marocaine, son obsession
  • La protection de Tindouf et des zones sahraouies
  • Le contrôle rigoureux des mouvements aériens et terrestres, que seul l’ex Président Bouteflika a mis en cause en donnant à François Hollande lors de l’opération Serval au Mali en 2013 la possibilité de survoler l’espace aérien algérien.
  • La hantise de la confrontation ouverte.
Lors de ses rencontres internationales, le général Chengriha abandonne parfois l'uniforme militaire
Lors de ses rencontres internationales, le général Chengriha abandonne parfois l’uniforme militaire

Le véritable patron de l’Algérie qu’il reste malgré tout ne se vit pas comme un chef de guerre mais comme ce veilleur vigilant qui guette la moindre lueur menaçante  aux confins du Sahara qui pourrait provoquer l’embrasement de la région et mettre la Nation algérienne en péril. Le général Chengriha possède les clés de cette forteresse algérienne menacée par les tempêtes du désert mais qui aurait bien besoin de s’ouvrir au vent du large. 

 

Les sécuritaires français, Laurent Nunez en tête, ont pesé pour libérer Boualem Sansal

Bibliographie / Sources consultées

  • Africa Intelligence (dossiers sur l’ANP, 2020–2025)
  • International Crisis Group (rapports Sahel & Algérie)
  • Menas Associates, Gulf State Analytics (notes sur l’équilibre Maghreb-Sahel)
  • Middle East Eye, Al-Monitor (analyses régionales)
  • Jeune Afrique (portraits de dirigeants, analyses ANP)

Ouvrages / références académiques

  • Aït-Aoudia, Myriam. L’Algérie contemporaine
  • Addi, Lahouari. L’armée algérienne et le pouvoir
  • Rapport SIPRI (équipements militaires)
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Un poète, Mohamed Tadjadit, symbole d’un verrouillage politique https://mondafrique.com/limage-du-jour/un-poete-mohamed-tadjadit-symbole-dun-verrouillage-politique/ https://mondafrique.com/limage-du-jour/un-poete-mohamed-tadjadit-symbole-dun-verrouillage-politique/#respond Tue, 18 Nov 2025 17:32:21 +0000 https://mondafrique.com/?p=142925 Un des cas les plus emblématiques des limites apportées en Algérie à la liberté d’expression demeure celui de Mohamed Tadjadit, le poète du Hirak, condamné le 11 novembre 2025 à cinq ans de prison ferme par la cour criminelle d’Alger-Dar El Beïda. Mohamed Tadjadit s’est imposé dès 2019 comme l’une des voix du Hirak. Poète […]

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Un des cas les plus emblématiques des limites apportées en Algérie à la liberté d’expression demeure celui de Mohamed Tadjadit, le poète du Hirak, condamné le 11 novembre 2025 à cinq ans de prison ferme par la cour criminelle d’Alger-Dar El Beïda.

Mohamed Tadjadit s’est imposé dès 2019 comme l’une des voix du Hirak. Poète issu de Bab El Oued, son verbe direct, sa proximité avec la jeunesse et sa capacité à cristalliser les aspirations populaires en ont fait une figure essentielle du mouvement. Cette notoriété l’a placé au centre d’une série ininterrompue de poursuites : treize dossiers, de multiples arrestations et des peines en constante aggravation.

La dernière condamnation, prononcée le 11 novembre 2025, le frappe de cinq ans de prison ferme sur la base d’accusations particulièrement lourdes : « apologie d’actes terroristes », « usage de moyens de communication à des fins terroristes », « diffusion de contenus menaçant l’intérêt national », « incitation à un rassemblement non armé » et « outrage à institution étatique ».

Son avocat, Me Noureddine Ahmine, annonce qu’il entamera une grève de la faim le 16 novembre 2025 afin de dénoncer l’acharnement qu’il subit depuis six ans.

Un contraste frappant avec Boualem Sansal

Au lendemain de ce verdict, le président algérien a accordé une grâce présidentielle à l’écrivain Boualem Sansal, condamné en mars 2025 à cinq ans de prison pour « atteinte à l’unité nationale ». Son transfert en Allemagne, rendu possible après une forte pression diplomatique européenne, illustre la plasticité de la justice algérienne lorsqu’un dossier suscite l’attention extérieure.

Ce contraste met en lumière un traitement sélectif où la clémence est réservée aux figures bénéficiant d’un relais international, tandis que les militants anonymes, pour la plupart jeunes et issus de milieux populaires, restent confrontés à une machine judiciaire inflexible.

Le poids de la communauté internationale

Face à cette disparité de traitement, un appel de plus en plus ferme est lancé par les familles de détenus d’opinion et les ONG : la communauté internationale ne peut plus rester silencieuse. Plusieurs pays considérés comme des partenaires stratégiques du régime — France, Italie, Espagne, Allemagne, États-Unis — continuent de coopérer étroitement avec Alger malgré les violations massives des libertés fondamentales.

Motivés par des intérêts énergétiques, migratoires ou sécuritaires, ces États adoptent une posture qui s’apparente désormais à une complicité active avec un pouvoir qui emprisonne des citoyens pacifiques. Les familles demandent explicitement que ces gouvernements conditionnent leur coopération au respect des droits humains et qu’ils réclament la libération immédiate de tous les prisonniers d’opinion.

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L’affaire insensée du « complot » contre l’État jugée en appel à Tunis ce lundi https://mondafrique.com/a-la-une/laffaire-insensee-du-complot-contre-letatjugee-en-appel-a-tunis-ce-lundi/ https://mondafrique.com/a-la-une/laffaire-insensee-du-complot-contre-letatjugee-en-appel-a-tunis-ce-lundi/#respond Sun, 16 Nov 2025 19:00:27 +0000 https://mondafrique.com/?p=142758 Ce lundi 17 novembre s’ouvre à Tunis le procès en appel dans l’affaire dite "du complot", après une audience reportée le 27 octobre dernier.

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Le procès en appel dans l’affaire dite du « complot » se tiendra, le lundi 17 novembre, en l’absence des accusés malgré la protestation des prévenus. Quatre d’entre eux ont entamé une grève de la faim, dont Jawhar Ben Mbarek, l’un des accusés qui a été animateur après juillet 2021, date du cout d’État de Kaïs Saïed, d’un Front de salut réunissant différents partis d’opposition

Par Selim Jaziri

Jaouhar Ben Mbarek en 2014.

Ce lundi 17 novembre s’ouvre à Tunis le procès en appel dans l’affaire dite « du complot », après une audience reportée le 27 octobre dernier. En première instance, le 18 avril, 37 condamnations à des peines de quatre à soixante-six ans de prison, avaient été prononcées pour « complot contre la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat », « appartenance à un groupe terroriste » ou « tentative de changer la nature du régime ». Ce procès réunit dans l’accusation d’une machination concertée visant à renverser le régime, un ensemble hétéroclite des personnalités du monde politique et de la société civile qui ont en commun d’avoir contesté la légitimité de Kaïs Saïed depuis son coup de force du 25 juillet 2021.

Le premier procès avait frappé par ses irrégularités de procédure et le caractère expéditif de son déroulement. L’examen sur le fond n’avait pas dépassé la lecture des premières lignes de l’acte d’accusation, et les accusés avaient été contraints de comparaître à distance, depuis leur prison, via un dispositif de vidéo-conférence. Ils avaient refusé de se prêter à ce « simulacre ».

Or, malgré les demandes des avocats qui réfutent les « risques » invoqués pour justifier ce procédé exceptionnel, le procès en appel se tiendra dans les mêmes conditions, interdisant en pratique aux prévenus de participer aux débats.

Grèves de la faim

Tunisie, Jaouhar Ben Mbarek entame une grève de la faim

Pour protester contre cette décision arbitraire, Jawhar Ben Mbarek, l’un des principaux dirigeants de l’opposition condamné à 18 ans de prison, a entamé une grève de la faim « sauvage » (c’est-à-dire, sans manger ni boire) depuis le 29 octobre. Son état de santé est préoccupant. Il a été admis à l’hôpital de Nabeul, hier matin pour l’heure sa famille est sans nouvelles. Déjà hospitalisé pour la nuit, le 13 novembre, les médecins avaient constaté la présence d’une substance toxique au niveau des reins, liée à la déshydratation sévère, et les conséquences de la dénutrition. Il pu recevoir un apport nutritif, mais de retour en prison, le lendemain, il a poursuivi sa grève de la faim.

Sa sœur, elle-même avocate de la défense, Dalila Msaddek, avait dénoncé dans une vidéo publiée le 12 novembre, l’agression dont son frère aurait été victime : emmené dans une zone sans caméra de surveillance, il a été passé à tabac par six détenus de droit commun et cinq gardiens. Les traces de cette agression ont été constatées le 12 novembre par son avocate Hanane Khemiri : « les traces de coups sont visibles sur son flanc avec des ecchymoses. Ils l’ont frappé jusqu’à ce qu’il perde connaissance ».

Trois de ses co-accusés, Issam Chebbi, secrétaire général du parti Al Joumhouri, Ridha Belhaj, membre fondateur du parti Nidaa Tounes en 2012, et Abdelhamid Jelassi, ancien cadre du parti Ennahdha, ont également entamé une grève de la faim, respectivement les 7, 8 et 10 novembre dernier.

Dans une lettre rendue publique le 14 novembre, Ridha Belhaj a estimé que « le but derrière ces pratiques ne consiste pas seulement à briser notre volonté en tant que prisonniers d’opinion, mais [à] soumettre toutes les forces sociales et civiles, et à diffuser la peur et la terreur parmi les militants ».

Douze des prévenus sont actuellement en détention (les autres ont été jugés par contumace ou laissés en liberté). Depuis le mois de juin, ils ont été dispersés dans différentes prisons du pays, éloignées du lieu de résidence de leurs familles. Une brimade sans justification. Comme pour le procès en première instance, ils refuseront de comparaître dans les conditions imposées par la Justice.

Appel à l’unité

Le 10 novembre, Rached Ghannouchi s’est joint au mouvement de protestation. « La Tunisie est en danger tant qu’un militant intègre comme Jawhar Ben Mbarek saigne et meurt sous nos yeux, après des procès dépourvus du minimum d’indépendance et de justice », a-t-il alerté dans une lettre de soutien, dans laquelle il a appelé à l’unité les opposants à Kaïs Saïed : « Il existe une cause plus grande que les divergences idéologiques : la liberté, qui nous concerne tous en Tunisie ».

S’il n’est pas concerné par cette affaire, l’ancien président d’Ennahdha et du Parlement, cumule les condamnations : 40 ans dans une autre affaire de « complot », 22 ans dans l’affaire dite Instalingo, et même 2 ans, la semaine dernière, pour infraction douanière après avoir reçu et reversé au Croissant rouge, , en novembre 2016, un prix de la Fondation indienne Jamnalal Bajaj, pour la promotion des valeurs gandhiennes.

Démenti et poursuites

Le Comité général des prisons, rattaché au gouvernement, a démenti les déclarations des accusés : « l’allégation de grève de la faim de la part de certains détenus est infondée, car des examens et des témoignages documentés ont prouvé le contraire, notamment compte tenu de leur refus de se soumettre à des examens médicaux pour la prise de leurs constantes vitales et du fait que certains d’entre eux ont consommé des aliments et des boissons ». La ministre de la Justice, Leila Jaffel, a réfuté elle aussi, devant l’Assemblée, le 15 novembre, les grèves de la faim et les accusations d’agressions.

Le parquet a d’ailleurs ouvert, le 12 novembre, une enquête à l’encontre de trois avocats, Dalila Msaddek, Hanane Khemiri et Ayachi Hamami, suite à une plainte de l’administration pénitentiaire pour diffusion « de rumeurs et fausses informations » concernant les grèves de la faim.

Tunisie, Mondafrique décrypte le rapport d’instruction du procès pour complot qui débute le 4 mars

 

 

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Les violences contre les nomades menacent l’intégrité malienne https://mondafrique.com/politique/les-violences-contre-les-nomades-menacent-lintegrite-malienne/ https://mondafrique.com/politique/les-violences-contre-les-nomades-menacent-lintegrite-malienne/#respond Sun, 16 Nov 2025 15:09:05 +0000 https://mondafrique.com/?p=142756 Depuis trois ans, un clivage profond traverse le Mali : peut-on défendre le pays tout en refusant de voir les violences commises contre certaines de ses communautés ? Du côté des soutiens de la junte, le discours dominant affirme que critiquer l’armée ou ses alliés russes reviendrait à « trahir la nation ». Un récit […]

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Depuis trois ans, un clivage profond traverse le Mali : peut-on défendre le pays tout en refusant de voir les violences commises contre certaines de ses communautés ? Du côté des soutiens de la junte, le discours dominant affirme que critiquer l’armée ou ses alliés russes reviendrait à « trahir la nation ». Un récit manichéen qui occulte les réalités documentées de violences, de marginalisation et d’exclusions vécues par les communautés touarègues, arabes, songhaïs et peules dans les régions du Nord et du Centre.
 
Mohamed AG Ahmedou, journaliste et acteur de la société civile malienne.
 
 
Défendre le Mali, rappellent de nombreux intellectuels, ce n’est pas défendre un régime militaire : c’est défendre la possibilité d’une cohabitation pacifique entre toutes les composantes d’un pays complexe, traversé par des histoires multiples.

Un État bâti sur des exclusions:

 
Le Mali indépendant n’a jamais réussi à dépasser certains héritages coloniaux. Ses frontières, tracées par la France, ont agrégé des populations aux identités, aux modes de vie et aux imaginaires très différents. Mais le système politique mis en place après 1960 a souvent été structuré autour d’élites du Sud, marginalisant de fait les communautés du Nord.
 
Pour les habitants des régions de Tombouctou, Gao, Kidal, Ménaka ou Taoudeni, « la question du Nord » n’est pas un caprice identitaire : c’est une revendication ancienne de justice, de représentation politique, et d’un droit au respect. Depuis l’indépendance, leurs tentatives d’être inclus ont souvent été réprimées, nourrissant des frustrations qui ont ouvert des brèches à des formes de radicalisation.
 
 
Depuis l’arrivée au pouvoir d’Assimi Goïta, la stratégie sécuritaire a basculé dans une logique de violence punitive. L’usage de drones armés turcs, l’appui des mercenaires russes de Wagner puis d’Africa Corps et la disparition de tout contre-pouvoir judiciaire facilitent ce que plusieurs ONG décrivent comme des violences systémiques contre des populations civiles nomades.
 Dans les plaines du Nord, des campements entiers ont été visés par des frappes. Des disparitions forcées, exécutions sommaires et nettoyages ciblés ont été documentés. Les communautés touarègues, arabes, peules et songhaïes sont les premières touchées.
 
La junte refuse d’admettre cette réalité. Mais, préviennent les experts, un État qui nie la souffrance d’une partie de sa population marche vers sa propre fragmentation.

Hégémonie culturelle : un discours dangereux:

 
Certains supporters de la junte affirment que le Mali devrait s’aligner sur une vision mandingocentrée du pays. Une telle conception, expliquent plusieurs historiens, reproduit les mécanismes coloniaux de domination, appliqués cette fois par des Maliens sur d’autres Maliens.
 Un pays ne se gouverne pas par l’hégémonie d’une communauté sur les autres, mais par un contrat social fondé sur la justice et l’égalité.
 
 
 
Tiambel Guimbayara 
 
Dans ce paysage polarisé, la trajectoire de Tiambel Guimbayara est révélatrice des recompositions politiques actuelles.
Natif de Dilly, dans la région de Nara, il a fait ses débuts à la Radio Kayira, média emblématique fondé par Dr Oumar Mariko, figure de la lutte démocratique au Mali. À ses débuts, Guimbayara incarnait une jeunesse malienne attachée à la liberté de la presse et au pluralisme.
 Mais au fil des années, son positionnement a radicalement changé.
 
En France, où il est chargé de communication à la délégation malienne auprès de l’UNESCO depuis 2015, il est devenu l’un des porte-voix les plus ardents de la junte. Des activistes maliens en France affirment qu’il leur adresse régulièrement des messages d’intimidation lorsqu’ils prennent position contre les violences ou dérives commises par l’autoritarisme de la junte militaire d’Assimi GOITA ou par les mercenaires russes.
 
Selon des sources confidentielles l’ayant fréquenté, il entretiendrait depuis plusieurs années des liens rapprochés, non officiels, avec les services de renseignement maliens. Aucune preuve publique n’atteste ces liens et l’intéressé ne les a jamais revendiqués. Mais ces soupçons persistent, alimentés par son activisme et son alignement progressif sur le discours officiel.
 
Au début de la transition militaire, il critiquait pourtant ouvertement Assimi Goïta. Ce n’est qu’à partir de la fin 2023 qu’il s’est imposé comme défenseur acharné de la junte, adoptant une rhétorique où toute critique est assimilée à une trahison. Ses expressions répétées,  « Le Mali est notre destin commun », « Que chacun reste dans sa position »,  sont devenues sa signature. Les grandes chaînes françaises, qui l’invitaient encore souvent, ont cessé de le solliciter à mesure que son discours se radicalisait.

La France honnie 

 
La junte a également fait de la France un ennemi intérieur commode : expulsion de diplomates, départ forcé de Barkhane, campagnes de désinformation. Pourtant, c’est bien la France qui a empêché la chute de Bamako en 2013 et dont plus de cinquante soldats sont morts au Mali. Le paradoxe atteint son comble lorsque, à Paris, certains manifestants pro-junte vivant et travaillant en France insultent ouvertement l’État français, le qualifiant d’« État terroriste ».
 
Face aux intimidations visant des activistes protégés par la législation française, certains juristes et acteurs associatifs plaident pour une application stricte de la réciprocité diplomatique : qu’un individu soupçonné d’agir pour une junte étrangère ne puisse mener des activités hostiles sur le territoire français sans conséquence.
 
Le Mali est aujourd’hui confronté à un risque majeur : perdre son unité faute d’avoir reconnu la dignité de toutes ses composantes. La paix ne naîtra ni des drones, ni des mercenaires, ni des récits d’hégémonie, mais d’un contrat social renouvelé.
 
 
 
 
 
 

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Le Premier ministre marocain Aziz Akhannouch cible de nombreuses critiques https://mondafrique.com/a-la-une/le-premier-ministre-marocain-aziz-akhannouch-cible-de-nomreuses-critiques/ https://mondafrique.com/a-la-une/le-premier-ministre-marocain-aziz-akhannouch-cible-de-nomreuses-critiques/#respond Fri, 14 Nov 2025 08:04:24 +0000 https://mondafrique.com/?p=142642 Né le 16 août 1961 à Tafraout, dans les montagnes de l’Anti-Atlas, Aziz Akhannouch incarne aujourd’hui l’une des figures les plus puissantes — et les plus controversées — du Maroc contemporain. Fils d’un entrepreneur amazigh du Sud, il a gravi les échelons du monde des affaires avant de s’imposer au sommet de l’État. Kader A. […]

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Né le 16 août 1961 à Tafraout, dans les montagnes de l’Anti-Atlas, Aziz Akhannouch incarne aujourd’hui l’une des figures les plus puissantes — et les plus controversées — du Maroc contemporain. Fils d’un entrepreneur amazigh du Sud, il a gravi les échelons du monde des affaires avant de s’imposer au sommet de l’État.

Kader A. Abderrahim

 

À la tête du Rassemblement national des indépendants (RNI) et du gouvernement depuis 2021, il concentre autant d’attentes que de critiques. Derrière l’image policée du technocrate prospère, se dessine un dirigeant tiraillé entre sa fortune, sa légitimité politique et le rejet croissant d’une partie de la population.

Des origines enracinées dans le Sud

Issu d’une famille modeste devenue prospère grâce au commerce des hydrocarbures, Akhannouch grandit à Tafraout, région berbère reculée où la réussite passe souvent par l’exil économique. Son père, Ahmed Akhannouch, fonde dans les années 1950 la société Afriquia, spécialisée dans la distribution de carburants. Après des études en gestion à l’Université de Sherbrooke, au Canada, le jeune Aziz reprend les rênes du groupe familial, qu’il transforme en conglomérat diversifié : énergie, immobilier, télécommunications, médias et tourisme : « j’ai toujours eu l’esprit d’entreprise », déclarait-il à L’Économiste en 2016. « Mais je crois aussi en un Maroc où l’investissement doit servir l’intérêt collectif. », des propos que ses détracteurs jugent aujourd’hui bien éloignée de la réalité.

Le Premier ministre milliardaire

Avant d’entrer pleinement en politique, Akhannouch était déjà un poids lourd du monde économique. Selon Forbes, sa fortune personnelle dépasse les 2 milliards de dollars, faisant de lui l’un des hommes les plus riches d’Afrique du Nord. Son empire, Akwa Group, contrôle notamment Afriquia Gaz, Maghreb Oxygène et de nombreuses participations dans les secteurs clés de l’économie. Cette réussite, longtemps perçue comme le symbole d’un Maroc moderne et entreprenant, devient toutefois un fardeau politique lorsqu’il accède à la primature. Le magazine TelQuel notait dès 2022 : « Akhannouch souffre d’un conflit d’image : celui d’un homme d’affaires appelé à réguler le marché dont il est lui-même un acteur majeur. » Une perception qui nourrit la méfiance populaire, exacerbée par la flambée des prix du carburant et des produits alimentaires.

De ministre à chef du gouvernement

Aziz Akhannouch entre en politique en 2007, nommé ministre de l’Agriculture et de la Pêche par le roi Mohammed VI. Il s’y forge une réputation de gestionnaire efficace, notamment grâce au Plan Maroc Vert, programme de modernisation du secteur agricole. En 2021, son parti, le Rassemblement National des Indépendants (RNI), remporte haut la main les législatives, reléguant le Parti de la justice et du développement (PJD) islamiste à la marge. Le roi lui confie alors la responsabilité de former un gouvernement promis à la stabilité et à la croissance. L’alliance qu’il bâtit avec le PAM (Parti authenticité et modernité) et l’Istiqlal lui donne une majorité confortable. Mais la lune de miel sera de courte durée.

Gouverner dans la tempête sociale

Très vite, les attentes se heurtent à la dure réalité économique. Inflation galopante, chômage des jeunes, services publics fragiles : la rue gronde. Les mouvements citoyens, amplifiés par les réseaux sociaux, désignent Akhannouch comme symbole d’un système déconnecté. Sur X (ex-Twitter), le mot-clic #Dégage_Akhannouch revient régulièrement dans les tendances marocaines. En 2024, le mouvement « GenZ 212 », composé principalement de jeunes diplômés au chômage, dénonce « un gouvernement des riches qui oublie les pauvres ». L’éditorialiste Abdallah Tourabi écrit dans Maroc Hebdo : « Aziz Akhannouch n’a pas su transformer sa réussite économique en leadership politique. Son gouvernement donne le sentiment de gérer un pays comme on gère un holding. »

Le spectre du conflit d’intérêts

Les critiques les plus virulentes portent sur la confusion persistante entre ses affaires et ses fonctions publiques. Malgré sa promesse de « se mettre en retrait » du groupe Akwa, aucune cession claire de parts n’a été rendue publique. Plusieurs observateurs pointent un manque de transparence. L’épisode le plus emblématique concerne le marché du dessalement de l’eau à Agadir, attribué à un consortium dont Afriquia est actionnaire indirect. L’hebdomadaire Courrier International rapporte que l’affaire a relancé « le débat sur la frontière floue entre État et intérêts privés ». En 2018 déjà, lors du boycott populaire des produits Afriquia, l’homme d’affaires avait découvert l’ampleur du fossé entre son image et la perception publique. « Le boycott a été un message politique autant qu’économique », commentait alors le politologue Mohamed Tozy.

Une communication verrouillée

Face à ces tensions, Akhannouch adopte une communication prudente, parfois jugée distante. Peu présent dans les médias indépendants, il privilégie les canaux institutionnels et les déclarations officielles. « Il est d’une grande courtoisie en privé, mais terriblement méfiant envers la presse », confiait un ancien collaborateur au Monde Afrique. Le Premier ministre s’appuie sur une équipe resserrée, composée de proches issus de son parti et de son cercle économique. Sa stratégie : afficher des résultats concrets — hausse du SMIC, généralisation de la protection sociale, investissements dans la santé — tout en limitant l’exposition médiatique. Mais pour beaucoup de Marocains, ces réformes restent théoriques. Dans les marchés, la hausse du coût de la vie continue d’alimenter la colère.

Le visage du Maroc en Afrique

Au-delà de la scène intérieure, Akhannouch joue un rôle important dans la diplomatie économique africaine du royaume. Ancien président du Forum Afrique Développement du groupe Attijariwafa Bank, il a défendu une vision d’un « Maroc ancré dans son continent », misant sur les énergies renouvelables, l’agro-industrie et les partenariats Sud-Sud. Lors d’un sommet à Abidjan en 2023, il affirmait : « Le Maroc ne vient pas en Afrique pour donner des leçons, mais pour construire ensemble. » Cette orientation est saluée par les milieux d’affaires, mais elle contraste avec les priorités sociales intérieures. Les investissements extérieurs du royaume, notamment dans les pays d’Afrique de l’Ouest, sont perçus par certains citoyens comme un luxe dans un pays où le pouvoir d’achat s’effrite.

Un Premier ministre sous pression

Depuis son arrivée à la primature, Aziz Akhannouch reste un dirigeant sous observation. Sa popularité, selon un sondage du Arab Barometer de 2025, est tombée sous la barre des 30 %. Les jeunes urbains et les classes moyennes expriment une défiance grandissante, tandis que la presse étrangère s’interroge sur « le paradoxe Akhannouch » : un homme riche qui peine à incarner la réussite collective. Ses partisans, eux, rappellent que la crise mondiale — inflation, sécheresse, tensions géopolitiques — limite les marges de manœuvre. « On ne peut pas juger Akhannouch comme un simple politicien, il est dans un contexte global », défend la ministre de l’Économie, Nadia Fettah Alaoui, dans une interview à Medi1 TV. Mais les critiques, elles, persistent. Le quotidien Al-Akhbar résumait récemment : « Le Maroc attendait un bâtisseur, il découvre un gestionnaire. »

Un héritage encore incertain

À 64 ans, Aziz Akhannouch semble conscient que sa réputation repose moins sur sa fortune que sur sa capacité à apaiser le malaise social. Dans une rare déclaration à TelQuel, il confiait en 2024 : « Je comprends la colère, mais je crois au travail de fond. » Reste à savoir si ce travail suffira à redonner confiance à un peuple désabusé. Le Premier ministre n’est pas un idéologue : c’est un pragmatique, un entrepreneur qui parle chiffres et rendement. Mais la politique, elle, réclame plus que de la gestion — elle exige du lien, de l’écoute, une vision. Pour l’heure, l’homme de Tafraout avance à contre-courant, entre admiration et rejet, entre Maroc des affaires et Maroc des rues.

Entre la réussite privée et la responsabilité publique, Aziz Akhannouch incarne le dilemme du Maroc actuel : comment concilier prospérité économique et justice sociale ?

 

 

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Le sort judiciaire du milliardaire Mamy Ravatomanga au coeur de la transition malgache https://mondafrique.com/politique/le-sort-judiciaire-du-milliardaire-malgache-mamy-ravatomanga/ Sat, 08 Nov 2025 19:59:37 +0000 https://mondafrique.com/?p=142358 Le nouveau pouvoir, et en première ligne la ministre de la justice Fanirisoa Erinaivo auront du pain sur la planche

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À la suite de l’entrée forcée à l’ile Maurice du milliardaire malgache en fuite, Mamy Ravatomanga, l’âme damnée du régime de l’ancien Président Andry Rajoelina, la Commission des crimes financiers de cette île voisine de Madagascar a déclaré avoir « gelé ses fonds » après avoir « obtenu des renseignements crédibles » de transfert d’une « forte somme d’argent à Maurice, avec l’intention de déplacer ces mêmes fonds vers une autre juridiction et de quitter le territoire ». Les initiatives mauriciennes furent l’élément déclencheur pour que le Pôle Anti-Corruption (PAC) d’Antananarivo daigne enfin lancer un mandat d’arrêt international contre Mamy Ravatomanga, basé sur des accusations de blanchiment de capitaux, d’enrichissement illicite et d’infractions économiques. Craignant son extradition vers Madagascar et sa probable condamnation, l’homme d’affaires a demandé dêtre soigné à La Réunion. Mamy Ravatomanga qui entretenait de bonnes relations avec Emmanuel Macron bénéficiera-t-il du soutien de la France? Le feuilleton ne fait que débuter. Nicolas Beau

Un article de Daniel Sainte-Roche 

La mobilisation populaire soutenue au final par une majorité des militaires de l'armée malgache a eu raison de l'ancien régime corrmpu du Président
La mobilisation populaire soutenue au final par une majorité des militaires de l’armée malgache a eu raison de l’ancien régime corrmpu du Président Raojelina

Le milliardaire Mamy Ravatomanga, qui reste le symbole le plus éclatant des turpitudes de l’ancien régime qui vient d’être renversé à Madagascar, est aujourd’hui suspecté par les autorités mauriciennes de blanchiment d’argent, et de trafic de bois de rose, fait qui remonte à 2011. L’homme d’affaires qui faisait, hier, la pluie et le beau temps  est aussi impliqué dans la vente de 5 Boeing 777 à l’Iran en violation de l’embargo international dont ce pays est frappé. D’où le mandat d’arrèt international qui vient d’être émis par les autorités de Madagascar, un nouvelle qui a réjoui l’opinion publique dans la Grande Ile. De nombreux dossiers impliquant cet homme d’affaires n’ont jamais connu de suite à Madagascar en raison de son influence sur la justice malgache.

Une réaction bien tardive

Rolly Mercia, ministre de la communication sous le Président Hery Rajaonarimampianina,  a témoigné devant la justice française
Rolly Mercia, ministre de la communication sous le Président Hery Rajaonarimampianina,  a témoigné devant la justice française

La réaction de la justice malgache est considérée comme tardive, étant donné que très tôt, des voix se sont élevées pour dénoncer les multiples exactions dont cette éminence grise de Andry Rajoelina était coutumière. Parmi ces voix, Rolly Mercia, ministre de la communication sous le Président Hery Rajaonarimampianina,  a témoigné devant la justice française dans les affaires impliquant le magnat malgache, dont notamment l’Affaire Balkany, ancien maire de Levallois Perret, et l’affaire Bricom Ltd.

Dans un article qu’il a écrit dans le journal « Le Citoyen » publié en juillet 2018, Rolly Mercia a accusé Mamy Ravatomanga d’avoir reçu de la société Bricom Ltd enregistrée à l’ile Maurice un règlement opaque d’honoraires et de diverses indemnités pour un montant de 250 000 dollars, paiement qui lui aurait été versé sur l’un de ses comptes bancaires personnels à Monaco.

Rolly Mercia a payé au prix fort cette témérité : 6 ans et 5 mois de détention à la prison d’Antanimora dont 44 mois pour atteinte à la sûreté de l’État, et 30 mois pour faux témoignage.La machine judiciaire fut pour lui implacable, ne lui laissant aucune chance de s’en sortir équitablement. Plusieurs pièces à décharge ont disparu du dossier, entre autres les rétractations écrites de l’auteur de la fausse accusation, ou bien les certificats médicaux indiquant la fragilité de l’état de santé de l’ex-ministre.

Les révélations de Transparency International

Ces informations fournies par Rolly Mercia apparaissent aussi dans une grande enquête parue en juillet 2022 sur les manœuvres plus ou moins obscures autour de Madarail, un cas qui constitue une parfaite illustration de la captation de l’Etat par des intérêts privés. Menée par Dr Frédéric Lesné, à l’époque directeur exécutif de Transparency international Initiative Madagascar, cette enquête met en exergue le rôle central de Mamy Ravatomanga dans la restructuration de l’actionnariat de l’entreprise ferroviaire, que l’Etat malgache a négocié avec la Banque mondiale.

Ainsi apprend-on qu’une société enregistrée à l’Ile Maurice, Madarail Holdings Ltd, possède 75 % des actions de Madarail, et l’État malgache 25%. Or, lors d’une interview diffusée à une station de   télévision tananarivienne le 1er avril 2022, Mamy Ravatomanga avait mentionné détenir 75 % de la société Madarail depuis 2011. Ce qui laisse supposer logiquement qu’il soit le propriétaire de Madarail Holdings Ltd.

Mais  les cartes sont brouillées par l’enchevêtrement de sociétés opaques dont le centre névralgique se trouve à l’Ile Maurice. Ainsi, l’enquête de Dr Frédéric Lesné établit que la totalité des 1 000 actions de Madarail Holdings Ltd appartenait, en août 2018, à une autre société mauricienne du nom de Madagascar Utilities Ltd. Bien que Mamy Ravatomanga dément que Madagascar Utilities Ltd est une filiale de Sodiat dont il est propriétaire, le site internet du groupe présente bien Madarail comme une « entreprise appartenant au groupe Sodiat ».

Malgré les dénégations de l’homme d’affaires, les enquêtes    à partir du registre du commerce mauricienont pu établir l’existence d’un lien actionnarial direct entre Madarail Holdings Ltd et Madagascar Utilities Ltd. Il est en outre apparu que les deux sociétés partagent la même adresse postale à l’île Maurice et que   les deux administrateurs actuels de Madagascar Utilities Ltd KhodadeenMohammad Yassin et Edoo Shabinaz sont aussi les administrateurs de Madarail Holdings Ltd, et figurent parmi les dirigeants  de plusieurs autres sociétés mauriciennes appartenant à Ravatomanga. La boucle est ainsi bouclée !

Une longue impunité

On se rappelle que Madagascar utilities Ltd a été accusée en 2017 d’être impliquée dans une affaire de détournement de fonds publics liée à une location de groupes électrogènes à la Jirama, à une époque où Mamy Ravatomanga était membre du conseil d’administration de cette entreprise d’Etat. Dès le retour de Andry Rajoelina au pouvoir en 2018, le Directeur de l’agence anti-corruption Bianco Analamanga a été limogé et l’affaire fut enterrée.

Dans la filière du litchi malgache, Mamy Ravatomanga imposait un véritable diktat en allouant la plus grosse part des exportations a son entreprise Sodiat. Une grande partie des recettes de cette juteuse exportation disparait dans la nature notamment à l’étranger, ce qui a amené des lanceurs d’alerte à tirer la sonnette d’alarme. Ainsi, en novembre 2022, Transparency International Initiative Madagascar (TI-Mg) a déposé devant le Pôle anti-corruption d’Antananarivo des dénonciations de faits de corruption, de fraude et de blanchiment d’argent potentiels dans le secteur du commerce du litchi.

Le Groupement des exportateurs de litchis (GEL), sous l’instigation de l’homme d’affaire sulfureux, a déposé une plainte contre TI-Mg. Les responsables de cet organisme ont dû leur salut a une forte mobilisation de la société civile nationale et internationale, qui ont exhorté les autorités malgaches à ne pas utiliser la justice de manière abusive dans le but de harceler et d’intimider les défenseurs des droits humains.

Jusqu’ici, Ravatomanga n’a pu être inquiété car sous le régime de Andry Rajoelina, il pouvait s’appuyer sur une justice corrompue, et une administration (civile et militaire) complice. 

Des multiples turpitudes

Aux dernières nouvelles, deux procureurs du PAC (pole anti-corruption)d’Antananarivo   viennent d’être limogés, ce qui constitue un signal fort indiquant la fin de l’impunité. Et aujourd’hui, des hommes de loi intègres collectent des informations sur divers faits douteux à travers Madagascar auxquels pourraient être mêlé le milliardaire malgache.

On cite entre autres la tentative de spoliation des terres dont est victime la population de l’ile Sakatia. Figurent aussi dans la liste plusieurs affaires anciennes et nouvelles : l’affaire des 70 pickups achetés chez SODIAT et utilisés lors du COVID, mais qui ont disparu ; l’acquisition douteuses de plusieurs immeubles, comme l’immeuble PRADON impliquant la Sonapar, l’hotel de France à Majunga, les garages Teo a Behoririka et a Talatamaty ; le détournement de l’immeuble de l’OSTIE au profit de la société Polyclinique ; l’utilisation a des fins douteuses de la compagnie d’aviation TOA, dont les jets et avions augmentent en nombre alors que les clients ne semblent pas se bousculer…

Le nouveau pouvoir, et en première ligne la ministre de la justice Fanirisoa Erinaivo auront du pain sur la planche. L’administration doit se départir de la mauvaise gouvernance chroniquequi rend la corruption endémique à Madagascar. Le réseau de complicité et le haut degré de compromission qu’occasionnent les privilèges statutaires de certains corps de métier soulèvent la difficulté d’apporter des preuves juridiquement valables en matière de corruption.

Il en est de même du privilège de juridiction consacrée par la Constitution, dont jouissent les hauts responsables étatiques, même lorsqu’ils ne sont plus en poste. Ainsi, le parlement n’a jamais autorisé de levée de l’immunité parlementaire tandis que les chefs d’institutions et les membres de gouvernement ne peuvent être jugés que par la Haute cour de justice. Mais selon les organisations des sociétés civiles, une quinzaine de dossiers, qui devraient être transférés au niveau de la Haute Cour de Justice sont aujourd’hui bloqués au niveau de l’Assemblée nationale.

A l’échelon inferieur, il faut une autorisation du procureur sur avis du gouvernement pour poursuivre un maire, un gouverneur, ou un fonctionnaire. Pour poursuivre un magistrat, un inspecteur des impôts, un policier ou un gendarme, une autorisation de son ministère de tutelleest nécessaire. La délivrance d’une telle autorisation est cependant très rare.

D’une manière générale, le manque d’effectif constitue un frein dans le fonctionnement de la Justice, laquelle ne compte que 710 magistrats dans toute l’île. Dans son discours lors de la rentrée judiciaire 2025, la Procureure générale par intérim (PGCS p.i) auprès de la Cour suprêmea ainsi déclaré que le Tribunal de Première Instance (TPI) compte 296 magistrats pour traiter 64.187 dossiers en 2024, tandis que la Cour d’Appel ne dispose que de 114 magistrats pour 13.078 dossiers, contre 52 magistrats pour 1.541 dossiers auprès de la Cour de Cassation.

La refondation d’une société démocratique est un vaste chantier dont le succès dépendra du choix judicieux des actions prioritaires.

Cette jeunesse qui, à Madagascar et au Maroc, brandit le manga japonais Monkey Luffy

Madagascar, « Mamy » Ravatomanga, milliardaire, vice Roi et cible des manifestants

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Côte d’Ivoire : le lent suicide de Laurent Gbagbo https://mondafrique.com/a-la-une/cote-divoire-le-lent-suicide-de-laurent-gbagbo/ Fri, 07 Nov 2025 08:23:46 +0000 https://mondafrique.com/?p=142261 le parti de l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo a tranché : il n’ira pas aux élections législatives du 27 décembre prochain.

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Au terme d’une longue réunion qui s’est achevée tard dans la soirée du 6 novembre, le Comité central du Parti des peuples africains -Côte d’Ivoire (PPA-CI), le parti de l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo a tranché : il n’ira pas aux élections législatives du 27 décembre prochain.

Venance Konan

Les raisons principales évoquée sont les conditions d’élections crédibles qui ne seraient pas réunies et l’environnement socio politiques jugé délétère et ne s’y prêtant pas. Dans une intervention publiée peu de temps après le communiqué, Laurent Gbagbo a expliqué qu’il ne pouvait pas aller à ces élections dans la mesure où son parti n’a pas eu « le temps de pleurer ses morts ». « Le gouvernement, au lieu d’éloigner la date des élection législatives pour qu’on ait le temps de pleurer, de faire tout ça, il rapproche la date des élections, empêchant ainsi les gens de pleurer leurs morts, de savoir même dans quels lieus sont gardés leurs parents prisonniers. Il faut aux parents du temps pour inhumer leurs morts, il faut aux parents du temps pour s’habituer aux lieux où sont incarcérés leurs parents » a dit l’ancien président et pensionnaire de la prison de Scheveningen aux Pays-Bas.

Jusqu’à la publication de ce communiqué d’hier, le débat faisait rage entre ceux que Laurent Gbagbo a appelé les « Dreyfusards » et les « anti-Dreyfusards », à savoir entre ceux qui au sein de son parti voulaient aller aux élections et ceux qui s’y opposaient. Il y a quelques jours, Michel Gbagbo, fils de Laurent Gbagbo et député élu dans la commune de Yopougon, avait publiquement pris position pour la participation de son parti aux élections, en laissant entendre que ce serait la position de son père et président du parti. « Or, a dit ce dernier, tout le monde veut aller aux élections. Mais déposer les dossiers le 12 novembre, ce n’est pas sérieux par rapport à ce qui s’est passé. C’est pour ça qu’en ce qui me concerne, je suis contre l’élection à court terme. S’apprêter le 12 novembre pour aller aux élections en décembre, c’est couvrir la forfaiture qui a eu lieu. C’est couvrir les blessures et les morts qui ont eu leu d’un linceul dédaigneux. »

En prenant cette décision, Laurent Gbagbo et son parti fracturent le Front commun qu’ils avaient formé avec le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) dirigé par Tidjane Thiam qui lui, a décidé d’aller aux législatives. Les deux partis, dont les leaders avaient été écartés de l’élection présidentielle du 25 octobre dernier, avaient appelé leurs militants à s’abstenir de participer au vote et avaient même appelé à des manifestations partout sur le territoire. Si ce mot d’ordre fut très peu suivi, il y eut cependant des incidents avant et pendant le scrutin et l’on compta des morts dont le nombre varie selon le bord où l’on se trouve. Là où le pouvoir parle d’une dizaine de morts, Laurent Gbagbo lui, cite trente morts. Il y a eu quelques 700 personnes interpellées depuis le mois de juin, et une centaine d’entre elles ont été jugées et condamnées. Damana Adia Pickass, ancien secrétaire général du PPA-CI et actuel deuxième vice-président du conseil stratégique et politique de ce parti, coordinateur du Front commun, l’alliance formée entre son parti et le PDCI, qui avait appelé à l’insurrection générale, a été arrêté le 4 novembre et placé sous mandat de dépôt pour, entre autres, actes terroristes, assassinat, atteinte aux opérations électorales, participation à un mouvement insurrectionnel, attroupement armé ou non armé.

Que recherche Laurent Gbagbo en décidant de boycotter les législatives, contre, semble-t-il, le souhait d’une bonne partie de ses militants ? Mettre la pression sur le pouvoir ? Il est peu probable que le parti de l’ancien président, affaibli par le lâchage de son partenaire le PDCI et son émiettement, avec la séparation d’avec certaines de ses figures emblématiques telles que Simone Gbagbo, Affi N’guessan, Blé Goudé, Ahoua Don Mello, ait encore la force de faire de faire plier le président Ouattara qui vient de se faire réélire avec près de 90% de voix et qui a toutes les chances d’avoir une majorité très confortable dans la future Assemblée nationale. Compte tenu des nombreux avantages dont jouissent les députés ivoiriens, il est à parier que bon nombre de cadres du parti de Laurent Gbagbo iront tenter leurs chances de se faire élire en se présentant en candidats indépendants. De plus, les fonds alloués aux partis politiques étant fonction du nombre de leurs députés, le PPA-CI ne touchera désormais plus rien. Et les rangs de ses troupes pourraient sérieusement se dégarnir. L’ancien leader charismatique de la gauche ivoirienne se serait-il suicidé politiquement ? Cela en a tout l’air. Il avait annoncé qu’il se retirerait de la présidence du PPA-CI après les législatives. A-t-il décidé de saborder son parti avant de prendre congé de lui ?

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Les trahisons historiques du pouvoir malien face à l’Azawad https://mondafrique.com/a-la-une/les-trahisons-historiques-du-pouvoir-malien-face-a-lazawad/ Mon, 03 Nov 2025 08:34:02 +0000 https://mondafrique.com/?p=142077 L’annonce de la dissolution du Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA) par la junte malienne, le 30 octobre 2025, constitue l’ultime étape d’un processus de marginalisation et de trahison des élites militaires et politiques du Nord. Loin d’être une simple querelle autour du contrôle de la mine d’Intahka, cette décision révèle un recalibrage brutal […]

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L’annonce de la dissolution du Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA) par la junte malienne, le 30 octobre 2025, constitue l’ultime étape d’un processus de marginalisation et de trahison des élites militaires et politiques du Nord. Loin d’être une simple querelle autour du contrôle de la mine d’Intahka, cette décision révèle un recalibrage brutal du pouvoir central, mettant à nu la fragilité des alliances nouées depuis plus d’une décennie.
 
Mohamed AG Ahmedou journaliste et acteur de la société civile 
 
Le mouvement touareg aura été créé par Bamako, puis détruit par Bamako Fondé le 3 août 2014 par le général Jocker, figure touarègue proche de Bamako, en collaboration avec Fahad AG Almahmoud — président et secrétaire général jusqu’à sa mort — le GATIA n’a jamais été un mouvement indépendant. Conçu comme un relais stratégique de l’armée dans les zones sensibles de l’Azawad, il devait protéger les intérêts du Nord tout en restant loyal au pouvoir central.
 
Entre assassinat ciblé, marginalisation des élites et réécriture de l’histoire, Bamako réaffirme sa domination sur le Nord, au prix de fractures profondes.
 
Dès 2018, cependant, le GATIA commence à s’effriter : une scission interne oppose l’aile de Fahad AG Almahmoud à celle de Haballa AG Hamzatta. Cette division fragilise l’organisation et ouvre la voie à un réalignement politique. En 2023, les deux factions rejoignent la Coordination des mouvements indépendantistes (CSP-DPA), qui deviendra, le 30 novembre 2024, le Front de Libération de l’Azawad.
 
Pour maintenir une façade de continuité, le général Elhaj Gamou, avec l’appui de Bamako, nomme un nouveau secrétaire général, Youssef AG Mohamed. Mais le mouvement a déjà perdu l’essentiel de ses cadres, absorbés par le Nord indépendantiste, illustrant l’échec du pouvoir central à conserver ses alliés historiques.
 
 
Fahad AG Almahmoud : un assassinat ciblé, un signal politique
 
Le 1er décembre 2024, Fahad AG Almahmoud est tué par un tir de drone à Tinzawatene, dans une opération attribuée à la junte malienne. Ce meurtre ciblé envoie un message sans équivoque : aucune élite touarègue fidèle à Bamako n’est à l’abri.
 
L’assassinat illustre le double langage du pouvoir central : utiliser les élites du Nord pour sécuriser les zones stratégiques, puis les éliminer ou les marginaliser une fois leur utilité politique et militaire consommée. La disparition de Fahad AG Almahmoud cristallise ainsi le sentiment d’une trahison systématique.
 

Une trahison qui traverse l’histoire

 
La marginalisation des élites du Nord n’est pas un phénomène récent. En 1958-59, les chefs touaregs des confédérations de la boucle du Niger, de l’Adagh, du Liptako Gourma et de Menaka soutiennent le projet d’indépendance du Mali, aux côtés de Modibo Keita, en intégrant le Soudan français, le Macina et les territoires touaregs et arabes pour former un État pluraliste appelé « Mali ».
 
Parmi eux, Mohamed Elmehdi AG Attaher, ancien député au parlement français, participe à l’échec du projet de création de l’Organisation des communautés riveraines du Sahara (OCRS), initiative française visant à fédérer les confédérations touarègues du Nord du Mali, de l’Algérie et du Niger. Mais Modibo Keita trahit rapidement ses alliés : en 1967, toutes les chefferies arabo-touarègues du Nord sont dissoutes. Mohamed Elmehdi AG Attaher est exilé administrativement à San, dans le Sud, pour y exercer les fonctions de sous-préfet.
 
Cette logique de trahison s’étend sur plusieurs décennies. La junte malienne a systématiquement supprimé les archives des anciens cadres militaires touaregs et arabes ayant servi le Mali de 1960 à 2020. Entre 2022 et 2023, les recherches pour constituer une exposition sur ces figures historiques ont échoué : aucune trace documentaire n’a été retrouvée, contribuant à une forme de génocide de la mémoire et à la désinformation sur l’existence et le rôle des communautés touarègues et arabes dans l’histoire nationale.
 

Bamako trahit ses alliés et fragilise le Nord

 
Au-delà du GATIA, les élites du Nord ayant servi l’État restent invisibles dans le récit officiel : Fahad AG Almahmoud, Soumaylou Boubeye Maïga, Choguel Kokala Maïga et d’autres figures ne reçoivent ni reconnaissance ni protection. Cette attitude renforce la perception que le Mali appartient exclusivement aux descendants des élites du Sud, accentuant les tensions ethniques et politiques et semant le doute sur la fiabilité des soutiens locaux : qui sera le prochain trahi ?
 
La dissolution du GATIA, qui intervient après que l’État a repris le contrôle de la mine d’Intahka, criminalise toute milice non étatique, renforçant le contrôle sur les ressources et fragilisant les Touaregs restés loyaux. Paradoxalement, cette stratégie pourrait également unifier les factions indépendantistes au sein du Front de Libération de l’Azawad.
 
 
Un message pour le Mali central
 
La chute du GATIA et l’assassinat de Fahad AG Almahmoud révèlent une stratégie claire : utiliser les élites locales pour consolider ses intérêts, puis les abandonner. Cette pratique illustre l’illégitimité croissante de la junte et nourrit un sentiment d’exclusion au Nord.
 
Pour l’Azawad, la dissolution du GATIA pourrait accélérer la convergence des mouvements indépendantistes, réaffirmant que la loyauté envers Bamako n’est jamais garantie, et que les alliances du passé, même forgées dans le sang et la fidélité, sont désormais rompues.
 
 

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Mali, une rançon de 50 millions d’euros versée par les Emirats à Iyad Ag Ghali https://mondafrique.com/a-la-une/mali-une-rancon-de-50-millions-deuros-versee-par-les-emirats-a-iyad-ag-ghali/ Sun, 02 Nov 2025 08:05:40 +0000 https://mondafrique.com/?p=142040 Cheikh Ahmed Bin Maktoum bin Joumoua Al Maktoum, général en retraite, membre de la famille royale au pouvoir à Dubaï, avait été enlevé le 23 septembre dernier avec un visiteur émirati de passage

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Les réseaux sociaux maliens ont suivi pratiquement jour par jour la chronique du versement de la rançon record versée par les Émirats, à peine plus d’un moins après leur enlèvement, pour deux Emiratis et un Iranien libérés jeudi à Gao. Des otages de grande valeur royalement monnayés par Iyad Ag Ghali, le chef d’Al Qaida au Sahel, qui a plus que jamais besoin d’argent pour financer une armée qui s’agrandit et s’étend.

Cheikh Ahmed Bin Maktoum bin Joumoua Al Maktoum, général en retraite, membre de la famille royale au pouvoir à Dubaï, avait été enlevé le 23 septembre dernier avec un visiteur émirati de passage et un employé iranien à Sanankoroba, dans la région de Koulikoro, à une quarantaine de km de la capitale, où il vivait dans une grande propriété agricole. Le cheikh avait également installé un aérodrome sur place. Des images du commando djihadiste dans l’aérodrome avaient été diffusées à l’époque par les ravisseurs.

Les Émirats n’ont pas hésité à charger la barque financière pour obtenir la libératuin de leurs compatriotes. On parle de 50 millions d’euros (ou de dollars, selon les sources) versés par les Emirats arabes unis, de 11 à 20 millions supplémentaires pour l’achat de munitions, de la sortie de prison de 25 djihadistes ainsi que de facilités de déplacement à l’étranger.

C’est d’un accord global qu’il s’agit au delà de la libération du général émirati.  Plusieurs otages maliens aux mains du Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM), des notables et des militaires, seraient en cours de libération pour satisfaire les autorités maliennes, sans lesquelles l’échange n’aurait pu se faire. C’est ainsi que l’ancien député de Koutiala, Abdou Maïga, enlevé le 23 avril 2023, a finalement regagné son domicile le 31 octobre 2025.

Une affaire vite ficelée

Les sources concordent sur l’identité des intermédiaires impliqués dans la négociation. Il s’agirait d’Ahmada Ab Bibi, l’habituel négociateur et homme de confiance d’Iyad Ag Ghali, ancien député et ancien membre du groupe armé  touareg Ansar Dine, coutumier de toutes ces affaires. On cite aussi, chose plus surprenante, deux trafiquants arabes de Tilemsi très connus, proches aussi bien de la junte que des groupes armés djihadistes et de certains leaders armés du nord du Mali.

Sid Ahmed El Zamili alias Zouleylou aurait été mobilisé pour l’achat et le transport des munitions (on parle de 40 tonnes) auprès de trafiquants toubous installés en Libye et au Tchad. Son cousin Mohamed El Mehri, beaucoup plus connu sous le surnom de Rougi, aurait, lui, assuré le transport des otages jusqu’à Gao. Un éminent leader du Front de Libération de l’Azawad, proche lui aussi d’Iyad Ag Ghali, aurait servi d’intermédiaire pour approcher les vendeurs d’armement toubous.

L’imbrication de ces réseaux criminels démontre, une nouvelle fois, la porosité et les connexions des gros bras armés maliens  sur le terrain militaire quand il s’agit de faire fonctionner le ruissellement propre à ces affaires d’otages.

Un butin colossal

Avec ce butin de guerre colossal, Iyad Ag Ghali va pouvoir verser des primes à tous les soldats de l’organisation, récompenser les preneurs d’otages et les équipes de geoliers et distribuer l’argent de la guerre aux katibas déployées au nord, au centre, à l’est et, de plus en plus, à l’ouest du Mali, au Burkina Faso et à l’ouest du Niger ainsi que, ces tout derniers temps, au Nigeria, à la frontière béninoise, où le GSIM n’entend pas laisser le terrain libre à son rival de l’Etat islamique au Sahel.

Plus le groupe s’étend sur un large espace, plus il consomme d’hommes, de carburant, d’armes, de munitions et de logistique. Pour recruter, y compris aux dépens des autres groupes armés moins bien lotis, il faut de l’argent.

Mais le prix des otages n’est, évidemment pas le même montant pour tous. Avec le vieux général dubaiote amateur de gazelles, le GSIM a touché le jackpot. Il n’en ira pas de même avec les autres otages étrangers en possession du groupe armé islamiste:  des citoyens égyptiens, chinois, indiens, bosniaques (ou croates); des dizaines de soldats maliens et burkinabé; plusieurs notables maliens.

On ignore si des Russes de Wagner ou d’Africa Corps sont détenus par les djihadistes mais deux combattants de Wagner, des officiers, sont détenus par les Touareg du FLA. La Suissesse, l’Autrichienne et l’Américain enlevés au Niger depuis le début de l’année sont aux mains de l’Etat islamique, nouveau dans le business des otages.

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