- Mondafrique https://mondafrique.com/politique/ Mondafrique, site indépendant d'informations pays du Maghreb et Afrique francophone Tue, 20 May 2025 15:53:23 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.1 https://mondafrique.com/wp-content/uploads/2017/11/logo_mondafrique-150x36.jpg - Mondafrique https://mondafrique.com/politique/ 32 32 Fadel Lamen, possible Premier ministre: « la Libye n’a pas besoin d’un sauveur »! https://mondafrique.com/politique/fadel-lamen-premier-ministre-libyen-la-libye-na-pas-besoin-dun-sauveur/ https://mondafrique.com/politique/fadel-lamen-premier-ministre-libyen-la-libye-na-pas-besoin-dun-sauveur/#respond Sun, 18 May 2025 02:20:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=133103 Face à une vague de manifestations et à de violents affrontements armés qui ont ensanglanté la capitale libyenne, plusieurs ministres du gouvernement d’union nationale présidé par Abdelhamid Debeibeh ont officialisé leur retrait de l’appareil exécutif. Cette défection collective illustre l’accentuation d’une crise politique majeure qui secoue les institutions libyennes. Le gouvernement de l’actuel Premier ministre […]

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Face à une vague de manifestations et à de violents affrontements armés qui ont ensanglanté la capitale libyenne, plusieurs ministres du gouvernement d’union nationale présidé par Abdelhamid Debeibeh ont officialisé leur retrait de l’appareil exécutif. Cette défection collective illustre l’accentuation d’une crise politique majeure qui secoue les institutions libyennes. Le gouvernement de l’actuel Premier ministre Debeibeh devrait s’effondrer sous la pression populaire, alors que la désignation d’un Premier ministre par le Parlement devrait intervenir dans les jours qui viennent.
 
Ce désaveu gouvernemental survient dans un contexte d’exacerbation des tensions populaires. Des cortèges de manifestants ont convergé vers la Place des Martyrs, épicentre symbolique de Tripoli, réclamant avec véhémence la destitution du gouvernement Debeibeh. Les protestataires, dont certains ont atteint le siège du Premier ministre sur la route Sikka, imputent au chef du gouvernement la responsabilité des violences qui ont embrasé la capitale.

Candidat aux élections présidentielles de décembre 2021, Fadel Lamen figure sur la liste officielle des onze candidats au poste de Premier ministre. Journaliste, et expert reconnu des affaires du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, a joué un rôle central dans la transition post-révolutionnaire de la Libye, en se concentrant sur les réformes politiques, le développement économique et la stabilité sociale.                                                    

 

Fadel Lamen figure en No 7 sur la liste des onze candidats à la fonction de Premier ministre validée par le parlement libyen voici une dizaine de jours.

Né en 1960 à Benghazi, Fadel Lamen y a vécu jusqu’à l’âge de 10 ans. Son père est originaire de la tribu Zouaïd (ville d’Al-Khoms, ouest de la Libye), tandis que sa mère descend d’une famille notable – petite-fille de Fadhil Bou Omar, l’un des plus importants combattants de la résistance libyenne, originaire d’Oujla (région du Fezzan, sud de la Libye). Il a passé son enfance à Tripoli où il a fait ses études, avant de s’installer aux États-Unis pour obtenir un master en médias et sciences politiques

Fadel Lamen a occupé le poste de directeur général du Conseil national libyen pour le développement économique et social (NCESD), un think tank gouvernemental fondé en 2008 pour accompagner les efforts de réforme du pays. À ce poste, il a dirigé plusieurs initiatives visant à reconstruire l’économie libyenne et à renforcer le tissu social, avec un accent particulier sur l’autonomisation des jeunes et des femmes.

Acteur clé du dialogue politique libyen, Lamen a été membre indépendant et coordinateur au sein du dialogue politique libyen mené par l’ONU. Il a contribué à la rédaction et à la signature de l’Accord politique libyen (APL) en 2015, un accord crucial ayant mis fin à la guerre civile de 2014, et entériné par une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies. Il a également présidé la Commission nationale pour le dialogue en Libye, œuvrant en faveur de la réconciliation et de l’unité entre les différentes factions libyennes.

En dehors de son engagement politique, Fadel Lamen possède une solide expérience dans le journalisme. Il a publié de nombreux articles en arabe et en anglais sur la politique régionale, la culture, et la politique étrangère américaine. Ses analyses ont été reprises par d’importants centres de recherche tels que le Carnegie Endowment for International Peace et le Rafik Hariri Center. Il intervient régulièrement dans les médias en tant que commentateur des affaires libyennes et des questions moyen-orientales plus larges.

Dans son entretien avec Mondafrique, Fadel Lamen demande  » un soutien international responsable »

Mondafrique. Vous avez participé à plusieurs dialogues nationaux après chaque guerre interne. Que cherchiez-vous à accomplir à travers ces dialogues ?

Je n’étais pas en quête de postes, mais de solutions. C’est pourquoi j’ai toujours insisté : le dialogue ne doit pas être une simple formalité diplomatique, il doit déboucher sur une véritable réconciliation incluant tous les Libyens, sans exception.

Mon objectif fondamental était de dépasser la logique des “quotas” pour aller vers un véritable “partenariat national”, et établir les fondations d’un État qui respecte ses institutions et croit que la Libye appartient à tous et se construit avec tous.

J’ai souvent répété que « un seul gouvernement pour un seul État avec des institutions capables » est la voie du salut. La reddition de comptes, la discipline et le contrôle doivent être des éléments fondamentaux de tout accord, sinon le dialogue ne fera que reproduire la crise au lieu de la résoudre.

Mondafrique. À votre avis, ces dialogues ont-ils échoué à cause d’un manque de volonté libyenne ou à cause des ingérences étrangères ?

L’échec de certains cycles de dialogue ne peut être attribué à une seule cause. Il existe clairement une responsabilité locale : de nombreuses parties ne sont pas venues avec une mentalité de résolution, mais plutôt dans l’optique de conserver leurs acquis.Parfois, l’objectif n’était que de sortir de la salle avec un gain tactique, sans viser un accord durable.

Cela dit, je ne nie pas que les ingérences étrangères ont eu un effet négatif. Certaines puissances ont alimenté les divisions au lieu d’encourager l’unité, imposant des conditions contraires à l’intérêt national.

C’est pourquoi j’ai toujours appelé à ce que j’ai nommé « un soutien international responsable », un rôle d’appui, pas de tutelle.

Et je l’ai dit clairement après certains épisodes de violence politique, comme la tentative d’assassinat du ministre d’État Adel Jumaa : « La violence ne peut être un moyen de résoudre les différends politiques. Le dialogue est la seule voie. Continuer l’impasse ne mènera qu’à de nouvelles réactions violentes. »

Mondafrique. Y a-t-il eu un dialogue où vous avez senti une réelle possibilité de stabilité ? Et qu’est-il arrivé à cette opportunité ?

Le moment où j’ai senti que la Libye était la plus proche d’une stabilité réelle fut lors de l’Accord de Skhirat en 2015, auquel j’ai participé en tant que membre indépendant au sein de la mission onusienne.

Il y avait un consensus international évident, une lassitude intérieure palpable face à la division, et un véritable espoir de construire un gouvernement d’union nationale pour sauver le pays de l’effondrement.

Malheureusement, les obstacles sont apparus rapidement : certaines parties ont rejeté l’accord parce qu’elles ne se sentaient pas suffisamment consultées ou bénéficiaires, d’autres ont profité de la fragilité des institutions pour recycler leur pouvoir sous un nouveau masque.

L’opportunité a été perdue non pas parce que l’accord était mauvais, mais parce que la volonté politique faisait défaut et que l’esprit de domination a pris le pas sur celui du partenariat. La peur et la méfiance ont aussi joué leur rôle.

Depuis, j’appelle à une réconciliation authentique, préalable à tout partage du pouvoir, fondée sur la justice, le désarmement et le renforcement du rôle de la justice. Ce ne sont pas des luxes, mais les conditions fondamentales de la stabilité.

Comme je l’ai dit : « Sans institutions judiciaires et de contrôle dotées de pouvoirs réels, le pillage passera des poches aux chairs… et il ne restera même plus les os. »

Mondafrique. Comment évaluez-vous la situation actuelle en Libye, plus de dix ans après la révolution ? Sommes-nous plus proches ou plus éloignés d’un projet d’État ?

Nous ne sommes pas loin de la reconstruction de l’État, mais nous faisons face à des dangers à la fois opérationnels et existentiels. Ces dernières années, et particulièrement les trois dernières, l’effondrement est devenu manifeste dans les institutions clés de l’État, comme la Compagnie nationale de pétrole, la Banque centrale, et le Fonds souverain libyen. Le pouvoir judiciaire, lui, a perdu toute protection, et l’exécutif est resté divisé pendant plus de dix ans.

La Libye se trouve donc aujourd’hui face à un danger existentiel qui menace son unité et risque de provoquer son éclatement ainsi qu’un effondrement économique et social. Une Libye transformée d’un État fragile à un État en ruines aura des conséquences sur ses voisins, sur l’Europe, et sur l’Afrique.

Le moment est historique. Le pays a besoin d’un leadership national fort capable de rassembler, de réconcilier et de réformer, sans exclusion ni marginalisation. La Libye est pour tous, et par tous. Un avenir commun, un seul destin.

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Mondafrique. Quelle est, selon vous, la priorité absolue à ce stade : l’unification du pays ? la construction des institutions ? ou l’amélioration de l’économie ?

Tout cela est lié. Aucun de ces dossiers ne peut être résolu isolément. Mais s’il faut commencer par un, l’unité est la clé.

On ne peut pas bâtir des institutions dans un climat de division sociale profonde, ni redresser une économie dans une atmosphère de haine et d’incompréhension.

La réconciliation que je défends ne se limite pas à des conférences médiatiques ou des communiqués. Elle doit passer par la reconnaissance de l’autre, la réparation des torts, l’intégration des anciens combattants dans les structures étatiques selon la loi, et l’arrêt du discours de trahison.

Mettre fin aux institutions parallèles et aux gouvernements concurrents permettra de construire des institutions unifiées, efficaces et transparentes.

Nous avons besoin d’une justice indépendante, d’organes de contrôle forts et d’une administration locale compétente.

Quant à l’économie, elle est la clef du retour de l’espoir. Mais le développement ne peut advenir sans stabilité. J’ai dit un jour : l’absence d’État a transformé le vol d’argent en un pillage des corps. Le salut ne viendra que d’une gouvernance juste, au sein d’un État unifié.

Mondafrique Le citoyen libyen croit-il encore au changement ? Et que diriez-vous à cette jeune génération qui n’a connu que le chaos ?

Oui, l’espoir subsiste – même s’il est ténu. Le citoyen libyen n’est pas naïf. Il a compris les mécanismes du jeu politique. Ce qu’il attend aujourd’hui, ce ne sont pas des discours, mais des actes : un gouvernement sincère, une justice équitable, et une loi appliquée à tous.

Mon message aux jeunes est clair : ne soyez pas les victimes de cette phase, soyez les bâtisseurs de ce qui vient après. Vous avez hérité du désordre, mais aussi d’une opportunité : redéfinir le sens de la patrie. Ne laissez personne décider de votre avenir à votre place. Prenez votre place dans le débat public, dans les médias, dans les projets. La Libye n’a pas besoin d’un sauveur, mais d’une génération qui comprend que l’unité est le seul garant de la paix et de la stabilité.

Comme je l’ai dit le 17 février :

« Le jour est proche où nous célébrerons non seulement la fin du conflit, mais le début d’une ère nouvelle… où chaque Libyen récoltera le fruit de son travail, et où nous nous sentirons tous en sécurité et confiants pour l’avenir de nos enfants. »

Mondafrique. Pourquoi avez-vous décidé de vous porter candidat à la tête du gouvernement à ce moment précis ? Et qu’y a-t-il de différent dans votre proposition ?

Ma décision de me présenter à la tête du gouvernement n’est pas née d’un simple désir personnel, mais du fruit d’un long parcours politique, de participation à des dialogues, et d’une vision que j’ai mûrie au fil des années à partir d’une compréhension profonde de la crise libyenne.La Libye vit aujourd’hui un moment critique : elle ne peut plus se permettre d’attendre ni de supporter davantage de gouvernements provisoires sans contrôle ni légitimité.

Ce que je propose est différent : il ne s’agit pas d’un catalogue de promesses électorales, mais d’un plan concret basé sur plusieurs piliers clairs :

• Une seule autorité gouvernementale, dotée d’une légitimité réelle et non symbolique.

• Une restructuration de l’économie libyenne avec une diversification vers une croissance durable.

• Un système de gouvernance locale décentralisée, avec des responsabilités élargies.

• Le retour à une souveraineté nationale complète, avec une diplomatie fondée sur le respect mutuel, les intérêts communs, et les partenariats stratégiques.

• Un développement des services publics, notamment dans l’éducation et la santé, adaptés au XXIe siècle.

• La promotion de l’investissement, de la concurrence économique, et de l’entrepreneuriat jeune avec un soutien de l’État mais sans domination étatique.

• Et enfin, le renforcement des capacités nationales : forces de sécurité, justice, institutions de contrôle.

Mondafrique. Qui sont vos partenaires potentiels dans ce projet national ?

Mon projet est profondément national et ouvert à toutes les forces qui croient en l’État, en l’action, et en la souveraineté libyenne. Mes partenaires sont ceux qui acceptent l’arbitrage des institutions, rejettent la violence, et placent l’intérêt de la Libye au-dessus des intérêts personnels, régionaux ou idéologiques.

Mondafrique Comment voyez-vous la place de la Libye dans le contexte régional ? Quel rôle peut-elle jouer dans la stabilité de la région ?

Notre position géographique, nos ressources et notre population nous donnent la capacité d’être un pont de coopération, pas un champ de rivalités. La Libye est pour tous et par tous. Notre force, notre stabilité, notre sécurité, et notre souveraineté résident dans notre unité. 

Mondafrique. Enfin, que souhaitez-vous laisser dans la mémoire des Libyens ? Quel message adressez-vous à votre peuple alors que vous vous apprêtez à entrer dans une phase cruciale ?

Ne cédez pas. Ne laissez pas la culture du chaos devenir notre destin. L’avenir ne se donne pas, il se construit.

Comme je l’ai dit le 17 février 2025, « très bientôt, nous sortirons tous dans les rues en tant que Libyens, et nous célébrerons – sincèrement – en tant que nation unie, un État national fort et enraciné. Que Dieu protège notre pays et notre peuple. »

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Tchad: un chef de l’opposition, Succès Masra, arrêté https://mondafrique.com/politique/tchad-un-chef-de-lopposition-arrete/ https://mondafrique.com/politique/tchad-un-chef-de-lopposition-arrete/#respond Sat, 17 May 2025 06:22:21 +0000 https://mondafrique.com/?p=133728     La détention de Succès Masra est emblématique du rétrécissement de l’espace politique (New York, le 16 mai 2025) – Les autorités tchadiennes ont arrêté Succès Masra, l’ancien Premier ministre et chef du principal parti d’opposition du Tchad, tôt dans la matinée du 16 mai 2025 dans sa résidence à N’Djamena, a déclaré Human Rights Watch […]

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La détention de Succès Masra est emblématique du rétrécissement de l’espace politique

(New York, le 16 mai 2025) – Les autorités tchadiennes ont arrêté Succès Masra, l’ancien Premier ministre et chef du principal parti d’opposition du Tchad, tôt dans la matinée du 16 mai 2025 dans sa résidence à N’Djamena, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

L’arrestation de Succès Masra fait craindre une escalade du harcèlement et des menaces à l’encontre du parti d’opposition Les Transformateurs et d’autres opposants politiques au parti au pouvoir. Il devrait être rapidement libéré s’il n’est pas inculpé d’une infraction crédible.

« Succès Masra et son parti, Les Transformateurs, ont le droit d’exprimer librement leurs opinions sans craindre d’être arrêtés », a déclaré 
Lewis Mudge, directeur pour l’Afrique centrale à Human Rights Watch. « Mais à l’inverse, les autorités tchadiennes ont réprimé à plusieurs reprises la dissidence pacifique par des arrestations et d’autres formes de répression. »

Un témoin présent à la résidence de Succès Masra dans le quartier de Gassi à N’Djamena, la capitale, a déclaré que les forces de sécurité gouvernementales étaient arrivées juste avant 6 heures du matin pour l’arrêter. Des membres du parti ont déclaré à Human Rights Watch que Succès Masra, 41 ans, était détenu par la police judiciaire à N’Djamena, où il a accès à ses avocats.

Lors d’une 
conférence de presse, le procureur de la République, Oumar Mahamat Kedelaye, a déclaré que Succès Masra avait été arrêté à la suite d’un affrontement intercommunautaire dans la province du Logone-Occidental, dans le sud-ouest du Tchad, qui a fait 42 morts le 14 mai. Le procureur a indiqué que les autorités tchadiennes accusent Succès Masra d’ « incitation à la haine » et à la violence à travers ses publications sur les réseaux sociaux et l’impliquent dans les violences. Cependant, à la suite des violences dans le Logone-Occidental, Succès Masra avait exprimé ses condoléances aux victimes, déclarant que « la vie d’aucun Tchadien ne doit être banalisée ».

Si les affrontements entre éleveurs et agriculteurs sont fréquents dans le sud du Tchad, les violences intercommunautaires se sont 
aggravées ces dernières années, entraînant la mort de dizaines de personnes.

Succès Masra et ses partisans faisaient déjà l’objet de menaces avant les élections de mai 2024, au cours desquelles il s’était présenté contre le président de la transition de l’époque, le général Mahamat Idriss Déby. Après que les autorités ont annoncé la victoire de ce dernier, sa présidence a mis fin à la période de transition qui avait débuté en 2021, après la mort de son père, le président de l’époque, Idriss Déby Itno, qui a été tué lors de combats contre un groupe armé un jour après sa réélection à un sixième terme.

Sous le gouvernement actuel, les autorités se sont montres hostiles au débat ou à la dissidence, y compris aux discussions ouvertes sur le passé du Tchad.

La répression du gouvernement contre la liberté d’expression et d’association a parfois été violente : après la réélection de 2021 et la mort d’Idriss Déby Itno, les forces de sécurité ont 
fait un usage excessif de la force, notamment en tirant à balles réelles sans discernement pour disperser les manifestations de l’opposition dans tout le pays. Plusieurs manifestants ont été tués. Les autorités ont aussi arrêté des militants et des membres des partis d’opposition, et les forces de sécurité ont battu des journalistes qui couvraient les manifestations.

Le 
20 octobre 2022, les forces de sécurité ont tiré à balles réelles sur des manifestants, tuant et blessant un grand nombre d’entre eux, et ont battu et poursuivi des personnes jusque dans leurs maisons. Des centaines d’hommes et de garçons ont été arrêtés et beaucoup d’entre eux ont été emmenés à Koro Toro, une prison de haute sécurité située à 600 kilomètres de N’Djamena. Plusieurs détenus sont morts en route vers la prison, certains à cause du manque d’eau. À Koro Toro, les manifestants ont subi de nouveaux sévices, notamment des actes de torture et des mauvais traitements de la part d’autres détenus.

En octobre 2023, des dizaines de membres des Transformateurs ont été 
arrêtés à l’approche d’un référendum constitutionnel visant à permettre à Mahamat Idriss Déby de se porter candidat.

La période précédant l’élection présidentielle de mai 2024 a également été marquée par la violence. Le 28 février 2024, les forces de sécurité 
ont tué Yaya Dillo, le président du Parti socialiste sans frontières, lors d’une attaque contre le siège du parti à N’Djamena. Plus d’un an après, les autorités n’ont toujours pas éclairci les circonstances de son assassinat.

« Le gouvernement tchadien devrait chercher des moyens de créer un espace de dialogue avec l’opposition politique, et non recourir à son manuel d’intimidation et de violence », a conclu Lewis Mudge. « Il devrait immédiatement libérer Succès Masra s’il n’est pas inculpé d’un délit valable. »

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Burkina Faso : l’armée a dirigé des massacres ethniques https://mondafrique.com/confidentiels/burkina-faso-larmee-a-dirige-des-massacres-ethniques/ https://mondafrique.com/confidentiels/burkina-faso-larmee-a-dirige-des-massacres-ethniques/#respond Tue, 13 May 2025 01:21:37 +0000 https://mondafrique.com/?p=133401 Les forces armées et des milices ont tué plus de 130 civils ; des meurtres de représailles ont été commis par un groupe armé islamiste (Nairobi, le 12 mai 2025) – L’armée du Burkina Faso a dirigé et a participé au massacre de plus de 130 civils peuls – et potentiellement bien plus – commis par des milices pro-gouvernementales […]

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Les forces armées et des milices ont tué plus de 130 civils ; des meurtres de représailles ont été commis par un groupe armé islamiste

(Nairobi, le 12 mai 2025) – L’armée du Burkina Faso a dirigé et a participé au massacre de plus de 130 civils peuls – et potentiellement bien plus – commis par des milices pro-gouvernementales dans la région occidentale de la Boucle du Mouhoun en mars 2025, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Les tueries de civils par les forces de sécurité gouvernementales, les milices et les groupes armés islamistes constituent des crimes de guerre et d’autres atrocités criminelles possibles.

Le massacre à proximité de la ville de Solenzo, que Human Rights Watch 
a documenté dans un communiqué précédent, a eu lieu au cours de « l’Opération Tourbillon Vert 2 », une campagne de grande envergure menée sur plusieurs semaines par les forces spéciales burkinabè qui a provoqué la mort de nombreux civils et des déplacements massifs de personnes peules. Le Groupe pour le soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, ou Jama’at Nusrat al-Islam wa al-Muslimeen, JNIM), affilié à Al-Qaïda, a ensuite lancé une série d’attaques en représailles dans la province du Sourou, ciblant apparemment des villages qu’il considérait comme soutenant l’armée et tuant au moins 100 civils.

« Les vidéos virales des atrocités commises par les milices pro-gouvernementales près de Solenzo ont créé des ondes de choc dans la région du Sahel en Afrique, mais elles ne montrent qu’une partie de l’histoire », a déclaré 
Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur le Sahel à Human Rights Watch. « D’autres recherches ont révélé que l’armée burkinabè était responsable de ces massacres de civils peuls, qui ont été suivis de représailles meurtrières par un groupe armé islamiste. Le gouvernement devrait enquêter de manière impartiale sur ces décès et poursuive tous les responsables. »

Entre le 14 mars et le 22 avril 2025, Human Rights Watch a mené des entretiens téléphoniques ou en personne avec 27 témoins des attaques, deux membres de milices, ainsi que quatre journalistes et membres de la société civile. Les témoins sont originaires de Solenzo, Larihasso, Pinpissi et Sanakuy dans la province des Banwa ou à sa frontière, et de Gonon, Lanfièra, Mara et Tiao dans la province du Sourou. Human Rights Watch a également examiné au moins 11 vidéos montrant des abus perpétrés par des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) contre des civils peuls près de Solenzo. En outre, des chercheurs ont analysé des informations publiées sur les réseaux sociaux et par les médias détaillant ces abus.

La campagne de « l’Opération Tourbillon Vert 2 » a débuté le 27 février dans la province des Banwa et s’est poursuivie vers le nord en direction de la province du Sourou jusqu’au 2 avril. Les médias 
burkinabè et internationaux ont indiqué que les Bataillons d’intervention rapide 7, 10, 18 et 23, sous le commandement du Groupe d’intervention rapide 2, ont pris part à l’opération, aux côtés de centaines de VDP locaux .

Des villageois de la province des Banwa ont décrit des opérations militaires dans plusieurs endroits pendant au moins six jours. Les VDP tiraient en l’air ou sur les civils et volaient le bétail, forçant les villageois à fuir. Dans la zone située entre les villages de Béna et Lékoro, l’armée et les VDP ont coupé la route aux personnes en fuite en les prenant apparemment en tenaille, puis ont massacré au moins 100 civils et peut-être plusieurs centaines pris au piège dans la brousse. Des témoins ont déclaré que la plupart des victimes dans la province des Banwa étaient des femmes, des enfants et des personnes âgées. Des hélicoptères et des drones militaires surveillaient la zone, indiquant un contrôle direct du commandement de l’opération.

« Des milliers de familles peules venant de plus de 20 villages ont cherché à se rendre au Mali [voisin] pour y trouver refuge », a déclaré un éleveur peul de 44 ans originaire de Solenzo, dont huit membres de sa famille ont été tués lors des attaques qui ont débuté le 8 mars. « Cependant, nous ne pouvions pas atteindre le Mali sans traverser des villages [qui étaient] occupés par les VDP et l’armée. Les VDP nous ont tiré dessus comme des animaux, pendant que des drones volaient au-dessus de nos têtes. Beaucoup de femmes et d’enfants sont morts parce qu’ils ne pouvaient pas courir. »

Des villageois ont expliqué que, dans les jours et les semaines qui ont précédé les attaques, des chefs de village, des amis et même des membres des milices les avaient alertés sur le fait que les préparatifs d’une opération militaire étaient en cours et qu’ils craignaient que les civils peuls ne soient pris pour cible. « Mon ami [appartenant à l’ethnie Bobo] qui est proche des VDP m’a informé que les VDP et l’armée s’organisaient et renforçaient leurs unités », a raconté un homme de Sanakuy. « Il m’a conduit à la frontière malienne seulement un jour avant les meurtres. »

Les recherches antérieures menées par Human Rights Watch sur le meurtre d’au moins 58 civils peuls près de Solenzo étaient basées sur des vidéos filmées par les miliciens. Alors que les VDP marchaient parmi des dizaines de cadavres, plusieurs appelaient à l’extermination du peuple peul.

Dans un 
communiqué du 15 mars, un porte-parole du gouvernement a déclaré que, le 10 mars, les milices et les forces de sécurité avaient repoussé une attaque « terroriste » et tué une centaine d’assaillants avant de poursuivre ceux qui s’étaient enfuis dans la brousse. Il a précisé que les forces de sécurité et les VDP « ont investi la forêt pour démanteler la base terroriste ». Ils ont trouvé des femmes, des enfants et des personnes âgées « que les terroristes ont tenté d’utiliser comme bouclier humain, ainsi qu’un important troupeau de bovins et de caprins volés », et ont mis ces personnes en sécurité. Les médias gouvernementaux ont indiqué que les autorités ont fourni un hébergement et une aide à 318 personnes déplacées de Solenzo dans un centre d’accueil de la capitale, Ouagadougou.

Des témoins ont toutefois affirmé qu’il n’y avait pas eu de combats près de Solenzo entre les forces gouvernementales et les combattants islamistes. Ils ont également expliqué que l’opération militaire semblait avoir été bien planifiée.

Les groupes armés islamistes ont concentré leurs efforts de recrutement sur la communauté peule, et le gouvernement et ses partisans font depuis longtemps l’amalgame entre la communauté peule et les groupes armés islamistes.

Des témoins peuls ont indiqué que selon eux, la campagne avait déplacé la plupart des Peuls hors de la province des Banwa. « Aujourd’hui, il n’y a plus de Peuls dans toute la province ; ils ont tous fui ou ont été tués ou pris en otage », a constaté un homme de 53 ans venant de Solenzo. « Mais les autres communautés [ethniques] sont toujours là. »

Après les opérations près de Solenzo, l’armée a progressé vers la province septentrionale du Sourou, qui était sous le contrôle du GSIM depuis plus de sept ans. Les médias internationaux et des témoins ont rapporté que l’armée est entrée dans plusieurs villages entre le 21 mars et le 2 avril. Cependant, les villageois ont déclaré que les militaires n’ont stationné dans les villages que deux jours environ, laissant les populations sans protection face aux attaques. Les combattants du GSIM sont ensuite revenus et ont commis, en représailles, des meurtres de civils, ciblant les hommes qu’ils considéraient comme des collaborateurs de l’armée.

« Tous les hommes ont été exécutés devant le centre médical », a décrit une femme de 60 ans qui a été témoin des abus commis par le GSIM dans le village de Tiao, le 5 avril. « J’ai compté jusqu’à 70 cadavres. »

Toutes les parties au conflit armé au Burkina Faso sont tenues de respecter le droit international humanitaire, qui interdit les attaques contre les civils, les exécutions sommaires, le pillage et d’autres exactions. Les individus qui commettent des violations graves du droit de la guerre avec une intention criminelle se rendent coupables de crimes de guerre. Les meurtres et les autres crimes perpétrés dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique menée contre une population civile constituent des crimes contre l’humanité. Les commandants qui avaient connaissance ou auraient dû avoir connaissance de violations graves commises par leurs forces et qui n’ont pas pris les mesures appropriées peuvent être poursuivis au titre de la responsabilité de commandement. Le Burkina Faso est aussi un État partie à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, ainsi qu’à d’autres traités internationaux majeurs relatifs aux droits humains.

« L’ampleur des atrocités perpétrées par les forces gouvernementales, les milices et les groupes armés islamistes dans l’ouest du Burkina Faso reste largement passée sous silence », a conclu Ilaria Allegrozzi. « Le Conseil de sécurité des Nations Unies et le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine devraient de toute urgence accorder une haute priorité à la situation au Burkina Faso, et agir pour protéger les civils qui demeurent exposés à de graves dangers. »

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Le fan club international de Marine Le Pen https://mondafrique.com/politique/le-fan-club-international-de-marine-le-pen/ https://mondafrique.com/politique/le-fan-club-international-de-marine-le-pen/#respond Sun, 11 May 2025 04:29:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=131114 Marine le Pen, qui a été jugée non éligible par les magistrats français, a été soutenue par beaucoup de chefs d’état et des personnalités internationales. Avec de la gauche vers la droite. -Victor Orban-Geert Wilders, le Le Pen Hollandais-Donald Trump– VladimirPoutine-Elon Musk-Bolsonaro Et pour finir Matteo Salvini, chef de la ligue du nord italienne.

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Marine le Pen, qui a été jugée non éligible par les magistrats français, a été soutenue par beaucoup de chefs d’état et des personnalités internationales. Avec de la gauche vers la droite.

-Victor Orban
-Geert Wilders, le Le Pen Hollandais
-Donald Trump
– VladimirPoutine
-Elon Musk
-Bolsonaro

Et pour finir Matteo Salvini, chef de la ligue du nord italienne.

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L’incroyable destin de l’homme d’affaires tunisien Chafik Jarraya https://mondafrique.com/politique/splendeur-declin-de-chafik-jarraya-roi-de-contrebande-tunisienne/ Sun, 11 May 2025 03:30:23 +0000 https://mondafrique.com/?p=17291 La Cour d’appel de Tunis a ramené, dans une décision du 9 mai, la peine de prison de l’homme d’affaires Chafik Jarraya de 101 ans à 4 ans, une information confirmée par son avocat Fayçal Jdellou. Il a bénéficié de la confusion des peines prononcées le 26 décembre 2024, dans une quinzaine d’affaires distinctes de […]

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La Cour d’appel de Tunis a ramené, dans une décision du 9 mai, la peine de prison de l’homme d’affaires Chafik Jarraya de 101 ans à 4 ans, une information confirmée par son avocat Fayçal Jdellou. Il a bénéficié de la confusion des peines prononcées le 26 décembre 2024, dans une quinzaine d’affaires distinctes de corruption et de falsification, dont le cumul atteignait 95 ans, et six ans dans six autres dossiers.

Détenu depuis 2017, il pourrait donc être libéré, mais il reste en détention provisoire dans l’attente d’un procès devant la chambre spécialisée dans les affaires de terrorisme pour « collaboration avec une armée étrangère en temps de paix », reporté au mois de juin.

Chafik Jarraya avait été arrêté le 23 mai 2017 pour « trafic d’armes et intelligence avec une puissance étrangère et complot contre l’État ». Il avait en effet établi des relations d’affaires avec le libyen Abdelhakim Belhaj, l’un des leaders du mouvement islamiste Fajr Libya qui avait pris le contrôle de Tripoli et de l’ouest du pays après la chute de Kadhafi, lui permettant de développer ses activités transfrontalières avec la Libye, alors que le commerce informel prospérait. Les soupçons de liens entre commerce informel et trafic d’armes avaient justifié son arrestation, ainsi que celle deux cadres sécuritaires accusés d’avoir permis la libération de jihadistes en échange de renseignements obtenus grâce aux relations de Chafik Jarraya. Accusation dont ils ont été innocentés en avril 2019. L’homme d’affaires avait été innocenté à son tour six mois plus tard, mais maintenu en détention pour des affaires de corruption.

Mais c’est surtout son soutien à la tentative de Hafedh Caïd Essebsi, fils du président Béji Caïd Essebsi, de prendre le contrôle du parti Nidaa Tounes, qui lui avait valu l’hostilité de son rival, l’ambitieux Youssef Chahed, alors Chef du gouvernement, qui l’avait fait arrêter sous couvert d’une opération « main propre ».

Chafik Jarraya était devenu, avant 2011, l’une des figures de la corruption du régime de Ben Ali. C’est lui qui avait initié Imed Trabelsi (le neveu de Leïla Trabelsi) aux affaires en lui permettant, au début des années 2000, de prendre le monopole de l’importation de bananes d’Amérique latine, point de départ de la montée en puissance du clan Trabelsi qui avait mis la main sur l’économie tunisienne. Et tremplin aussi pour Chafik Jarraya, qui y avait gagné au passage le surnom de « Chafik Banana ».

Après 2011, il avait réussi à se recycler en mettant ses relations au service des nouveaux maîtres du pays, Ennandha d’abord, puis Béji Caïd Essebsi. Et se pensait intouchable en raison du capital de vilains petits secrets qu’il détient sur les uns et les autres.

Alors qu’on le pensait définitivement hors circuit, il est cité avec insistance comme l’auteur d’un des témoignages anonymes sur lesquels reposent les accusations dans l’affaire du « complot ». Une allégation niée par son avocat.
Il est tentant de voir dans la réduction de sa peine, une mesure de clémence pour service rendu, lui permettant une nouvelle fois de rebondir. Mais dans l’attente de la conclusion de son prochain procès, rien ne permet d’en être sûr.

                                                                                Selim Jaziri

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                  Splendeur et déclin de Chafik Jarraya

Surnommé « Chafik Banana », ou encore « monsieur Banane »; en raison des premiers succès commerciaux de ce modeste enfant de Sfax dans la vente des fruits et légumes, Chafik Jarraya force le respect par le parcours incroyable qui fut le sien. Mêlé aux pires turpitudes financières lors de ses débuts en Libye en compagnie du clan Trabelsi, du nom de l’épouse de l’ex président Ben Ali, Leila Trabelsi, ce bandit souriant traversa sans encombres le printemps arabe de 2011.

L’ancien allié d’une dictature qui emprisonna et tortura des milliers d’islamistes noua une solide alliance avec les proscrits d’hier et passa ainsi à travers les gouttes des ennuis judiciaires qui auraient du l’attendre.

L’intermédiaire obligé

Au mieux avec les dirigeants islamistes d' »Ennahdha » qu’il arrosa généreusement une fois ceux ci parvenus au pouvoir en 2012 et 2013, le généreux homme d’affaires noua également une alliance solide avec Abdelhakim Belhadj, un des chefs libyens du mouvement « Fajr Libya », qui rêgna en maitre sur les milices et les puits de pétrole de la région de Tripoli avant de ses consacrer aujourd’hui aux ventes d’armes en compagnie de ses amis turcs.

En l’absence de toute relation diplomatique entre la Tunisie et la Libye dans les années post printemps arabe, « monsieur Banane » devint l’intermédiaire obligé entre Tunis et Tripoli et joua le « monsieur Bons Offices » entre les deux capitales. Ce qui ne l’empêcha pas de vendre  de nombreux biens immobiliers aux anciens cadres du régime de Khadafi réfugiés en Tunisie avec des sacs remplis de dollars. De l’art de joindre l’utile et l’agréable….

C’est l’époque où l’on découvre l’ami Jerraya dans les cafés de l’avenue Bourguiba proposant l’échappée belle, tous frais payés, chez ses « frères » libyens. Ainsi Isabelle Mandraud, responsable à l’époque du Maghreb au journal « Le Monde », répondit à l’invitation qui déboucha sur un livre qui fera date et qui était consacré au parcours d’Abdelhakim Belhadj. Le titre, largement mensonger, « du jjihad aux urnes » est à mettre au crédit des efforts de communication de Jerraya.

Pour peu que les islamistes tunisiens quittent le pouvoir fin 2013, et ce communicant hors pair se rapproche du fils du nouveau président tunisien, Hafedh Caïd Essebsi, à qui son père confie la direction du mouvement, Nidaa Tounes, fondé en 2012. Hafedh et Chafik font la paire, ne se quittent plus et concluent ensemble, à l’ombre de l’Etat, de juteux contrats.

Tout allait donc pour le mieux dans le royaume enchanté de Chafik Jerraya, jusqu’à ce jour fatal où il s’est bêtement embrouillé avec son nouvel associé, le fils du Président. Et de là vont naitre tous ses ennuis…..

Coup de tonnerre

Par une belle journée de mai 2017 dans ce quartier des Berges du lac, dont il possède une bonne partie de l’immobilier, notre flamboyant homme d’affaires est interpellé. Qui plus est, il est mis au secret par la justice militaire, qui n’a de comptes à rendre qu’au chef de l’Etat. Et elle l’inculpe d’intelligence avec l’ennemi et de trahison, dans un contexte de terrorisme qui fait de lui l’homme à abattre.

L’opération de communication organisée autour de cette arrestation est parfaitement orchestrée. Sans attendre, le jeune Premier ministre, Youssef Chahed, entame une vaste croisade contre l’argent sale. « C’est la corruption ou l’Etat, déclare-t-il, la corruption ou la Tunisie. J’ai choisi la Tunisie et l’Etat ». Autant de déclarations qui lui assurent une popularité soudaine dans une opinion publique touchée de plein fouet par la crise et lasse de voir la corruption s’installer au coeur de l’Etat.

Depuis une année au moins, la hache de guerre avait été déterrée entre Chafik Jerraya et l’entourage présidentiel. « Le Premier ministre n’est pas en mesure de mettre une chèvre en prison », avait-il déclaré, fanfaron et sur de son impunité puisqu’assis sur son tas de secrets. C’était sans compter sur l’action de Sihem Bensedrine, l’ancienne opposante à Ben Ali devenue la présidente de « l’Instance Vérité et Dignité » chargée d’enquèter sur les atteintes aux droits humains sous la dictature. Or dans les premiers mois de 2017, cette opposante déterminée de la corruption ambiante et adversaire du président Beji était décidée à élargir son champ de compétence et à s’intéresser, au delà des droits de l’homme, aux malversations économiques. Ce qu’elle fit dans les premiers jours du mois de mai 2017 en interrogeant dans sa prison Imed Trabelsi, le neveu de la femme de Ben Ali, qui se disait prèt à livrer quelques secrets de fabrication.

Panique au Palais de Carthage

Dans l’entourage du président Beji, on craint le pire. Dans la foulée, Sihem Bensedrine que rien n’arrête s’apprèterait à interroger Chefik Jerraya, Et ce dernier, imprévisible et rancunier, pourrait bien raconter les frasques commises avec Hafedh, le fils de Beji. Il fallait agir rapidement. La décision est prise au sommet de l’Etat d’en appeler à la justice militaire plus facile à manipuler  et de faire passer Jerraya pour un ennemi de la patrie.

Encore fallait-il trouver l’affaire pendable qui permettrait à la justice militaire de « doubler » ainsi l' »Instance Vérité et Dignité » et de prévenir tout bavardage inutile. C’est ainsi qu’un dossier va être monté de toutes pièces pour habiller la mise en cause de Chafik Jerraya. Plus grave, deux grands patrons de l’anti terrorisme au ministère de l’Intérieur vont payer de leur liberté la minable cabale montée contre Jerraya. Il s’agit d’Imed Achour et de Sabbeur Laajili qui avaient été nommés en décembre 2015 respectivement directeur général des services spéciaux et chef de la brigade anti terroriste nationale. Après l’année noire des attentats en 2015, ces deux patrons de la police antiterroriste ont permis de reconstruire l’appareil sécuritaire.

Ce sont eux deux notamment qui purent contrer l’offensive des commandos djihadistes venus de Libye qui avaient investi, le 7 mars 2016, la ville frontière de Ben Gardane. Or ces deux grands flics sont aujourd’hui en prison accusés eux aussi de trahison en raison de leur supposée complicité avec Chafik Jerraya. Cette situation inédite provoque un profond malaise au sein des forces sécuritaires tunisiennes qui sept ans après le départ du président Ben Ali et l’éviction de nombreux cadres de la police liés au régime passé, commençaient à se réorganiser enfin.

Une mascarade judiciaire

Venons en aux faits qui leur sont reprochés. Avec l’accord de leur ministre, à l’époque Najem Gharsali qui devrait être lui aussi mis en examen prochainement, Imed Achour et Sabbeur Laajili avaient reçu à sa demande Chafik Jerraya. Lequel leur avait proposé, avec la rouerie qui lui est propre et son sens aussi des réseaux, de les mettre en relation avec ses amis islamistes libyens de « Farj Libya »i. Ces derniers en effet détenaient à la maison d’arrêt de Sebrata, un des fiefs djihadistes en Libye, des jeunes tunisiens susceptibles d’être interrogés et de dévoiler leurs secrets.

Dans une pure logique de renseignement, les deux patrons de l’anti terrorisme acceptèrent le deal qui leur permit en effet d’obtenir de précieuses informations sur les cellules dormantes de l’Etat Islamique. En 2016, de nombreuses arrestations de djihadistes furent possibles qui doivent beaucoup à ces discrets échanges entre les milices de Farj Libya et le ministère tunisien de l’Intérieur. Et c’est cela qui leur est aujourd’hui reproché bien à tort dans ce qui s’apparente à une mascarade judiciaire.

La face cachée de l’affaire Jerraya, la voici: l’Etat tunisien n’a pas hésité à décapiter ses services anti terroristes pour faire taire un chef contrebandier. Ce n’est pas glorieux !

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Libye, le rapt d’Ibrahim al-Darssi ternit l’image du régime du maréchal Haftar https://mondafrique.com/politique/libye-le-rapt-dibrahim-al-darssi-ternit-limage-du-regime-du-marechal-haftar/ Mon, 05 May 2025 07:16:35 +0000 https://mondafrique.com/?p=132887 Le rapt d’Ibrahim al-Darssi un membre du Parlement de Benghazi, chargé des questions religieuses (qui sont au centre de la vie politique), chargé aussi de la condition des femmes et des enfants écorne l’image globalement positive que la Libte du maréchal Haftar veut donner de son action dans cete Libye qu’il contrôle. Cet ancien imam […]

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Le rapt d’Ibrahim al-Darssi un membre du Parlement de Benghazi, chargé des questions religieuses (qui sont au centre de la vie politique), chargé aussi de la condition des femmes et des enfants écorne l’image globalement positive que la Libte du maréchal Haftar veut donner de son action dans cete Libye qu’il contrôle. Cet ancien imam était un homme parfait tant qu’il a entretenu des rapports chaleureux avec le maréchal Haftar, homme de l’Occident dans une Libye en pièces détachées . Haftar qui, naguère, « indigné » par l’anarchie régnant à Benghazi, a décidé, avec le soutien de Washington, de « reprendre en main Benghazi ». Ce qui est fait.
 
 
Jacques Marie Bourget 
 
 
 
La poignée de journalistes qui s’intéresse encore au sort de Benghazi, « berceau de la Révolution contre Kadhafi » sont épatés. La lecture de quelques reportages est convaincante : la ville d’un million d’habitants, si violemment divisée et livrée à l’anarchie des milices religieuses, est en train de se remettre sur pieds. L’économie qui structure la société est en plein boom et les hommes d’affaires débarquent. Tableau surprenant dans une Libye écrasée par les « forces occidentales », Sarkozy et la France en tête.
                 
C’est dans ce contexte de « résurrection », qu’un phénomène tragique se perpétue et vient ternir la jolie carte postale du Benghazi nouveau, il s’agit des disparitions qui se multiplient, celles d’individus plus ou moins engagés dans la société qui s’envolent comme fumée. L’enlèvement discret, et peut être derrière l’assassinat, est devenu une pratique de répression politique courante. Et tragique.
                   
                   
Que s’est-il passé entre le Maréchal et le député religieux ? On l’ignore. Mais Ibrahim al-Darssi a disparu après une prise de parole qui ne pouvait que mécontenter Haftar et sa clique L’imam a subitement mis en garde le peuple de Benghazi contre le rôle trop important et trop visible joué par les proches du Maréchal dans la reconstruction de Benghazi. Il s’agit donc d’une querelle d’argent. Se sentant visés -et à juste titre-, dans leurs intérêts particuliers, les militaires ont mal vécu la saillie d’Ibrahim al-Darssi.  Si mal vécu que, dans les jours qui ont suivi la courageuse déclaration du député, il a disparu subitement de sa maison de Benghazi.
                     
Aujourd’hui on ignore tout du sort du député. Est-il mort est il vivant ? Bien embarrassées les « autorités » se démènent pour faire croire que cet enlèvement n’est que le fait de malfaiteurs, de voleurs de maisons. Version que personne ne peut et ne veut avaler à Benghazi. Comment, par magie, le député est passé du stade de supporteur enthousiaste de Haftar a celui d’ennemi à abattre ? Il semble qu’il ne fait pas bon déplaire aux chefs de « l’armée » du Maréchal. Surtout pour qui les accuse de trop bien prospérer de concert avec l’essor de la ville… La version officielle s’accroche à cette histoire de bandits, mais les fidèles de al-Darssi envisagent, eux, de lancer une campagne internationale dans des pays Occidentaux et à l’ONU, afin de retrouver leur député.
Ce tapage fait autour d’un leader politico-religieux met à mal le nouveau slogan de Haftar, celui sur la sécurité retrouvée à Benghazi. Une réputation inquiétante, mauvaise pour la bonne poursuite des affaires et celle de la reconstruction de la ville. Qui va maintenant se risquer dans un territoire où l’enlèvement vous guette ?
 
D’autant que cette pratique violente et radicale est devenue courante. Après avoir débutée en 2014, c’est alors l’enlèvement, puis forcément le crime, contre le journaliste et militant des droits de l’homme Salwa Bouqaïs. Victime, lui-aussi, de son opposition à l’agenda militaire.  Puis ce sera le tour de Faraj Bouhashem, lui aussi député, et opposé au raid de 2019 lancé par Haftar contre Tripoli .
 
Encore en 2019 c’est Sihem Serqiwa , aussi un député, qui est à son tout « effacé » du monde des visibles. Lui critiquait l’action d’Haftar dans l’Ouest libyen, un raid ayant une forte odeur de pétrole. Pour les quelques courageux qui on encore l’audace de s’exprimer : « ces crimes commis contre les citoyens, contre la liberté d’expression, contre  la vie politique indique que, sous un dehors apaisé, le chaos règne toujours sous la tutelle d’Haftar ». on peut se poser la question : que vaut un régime où les députés qui s’opposent aux militaires disparaissent ? »
 
 
 
 
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Notre portrait d’Abdelilah Benkirane élu à la tète du PJD marocain https://mondafrique.com/politique/lislamiste-abdelilah-benkirane-elu-a-la-tete-du-pjd-marocain/ Fri, 02 May 2025 09:20:31 +0000 https://mondafrique.com/?p=132738 Le Parti de la justice et du développement d’orientation islamiste a annoncé ce dimanche l’élection d’Abdelilah Benkirane pour un nouveau mandat à la tête du Parti de la justice et du développement jusqu’en 2028. Premier ministre islamiste entre 2011 et 2016 sous la férule de Mohammed VI, Abdelillah Benkirane avait été marginalisé au sein de […]

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Le Parti de la justice et du développement d’orientation islamiste a annoncé ce dimanche l’élection d’Abdelilah Benkirane pour un nouveau mandat à la tête du Parti de la justice et du développement jusqu’en 2028.

Premier ministre islamiste entre 2011 et 2016 sous la férule de Mohammed VI, Abdelillah Benkirane avait été marginalisé au sein de son mouvement après les élections législatives qui avaient marqué la fin de son mandat.

Un portrait signé Haoues SENIGUER, Maître de conférences en science politique à Sciences Po Lyon 

Si le père d’Abdelillah Benkirane n’avait pas de sympathie politique particulière, sa mère en revanche était une activiste politique, militante très active au sein de l’Istiqlal, puisqu’elle participait aux réunions du parti nationaliste, aussi bien avant qu’après l’indépendance nationale. Abdelillah Benkirane vit ainsi dans une ambiance politique familiale, et ce dès l’âge de cinq ans, soit deux années à peine après la fin du Protectorat (1956).

Le jeune Abdelilah assistait à des joutes politiques et se souvient même des querelles qui opposaient de plus en plus, au début des années 1960, l’Istiqlal à l’Union Nationale des Forces Populaires (UNFP), à laquelle a appartenu Mehdi Ben Barka (1920-1965). Ainsi, il prit très tôt connaissance des sujets politiques et des événements de son temps, toujours en étroite liaison avec des préoccupations religieuses qu’il nourrissait dès le plus jeune âge au sein de la cellule familiale. Son implication et son application religieuses viennent donc à loin :
« L’étincelle pour la politique est liée à ma plus tendre enfance. Je suis issu d’une famille pieuse et très branchée sur le plan politique. Ce n’est pas une famille à proprement parler politicienne mais à tout le moins intéressée par la chose politique. Ma mère a été membre de l’Istiqlal. Mon père était très pieux et d’obédience soufie, mystique (tarîqa al-tijâniyya). Dès mon plus jeune âge, j’ai été séduit à la fois par la politique et la religion. Quand j’avais seulement dix ans, je ne connaissais déjà pas moins de quatre parties (ahzâb) du Coran. À neuf ans, j’ai été interpellé par la guerre des Sables en 1963 avec notre voisine l’Algérie[1]. »

A. Benkirane s’intéressait, alors qu’il avait à peine dix ans, au conflit du Sahara, qui opposa le Maroc à l’Algérie. Il décrivit, ailleurs, son enthousiasme à rejoindre très vite la maison familiale, à la fin des cours, à 13H, afin de pouvoir assister, admiratif, à la télévision, aux discours de Hassan II, qui dénonçait les ingérences de l’Égypte de Nasser, de l’Algérie de Boumediene, et exprimait son intention de préserver la souveraineté du royaume sur le Sahara occidental. Ses tout premiers pas dans le militantisme politique se firent au sein de la jeunesse de l’Istiqlal, pour deux raisons au moins, outre l’appartenance de sa mère au mouvement nationaliste : d’une part, du fait du glorieux passé nationaliste de l’Istiqlal dans le cadre du Mouvement national ; et d’autre part, du fait de l’attachement du parti en question à l’islam et à ses valeurs, notamment au travers de ses principales figures de proue, telles que Allal Al-Fassi (1910-1974), un ‘âlim (un docte religieux) nationaliste très fortement attaché aux préceptes de l’islam.

C’est à la fin des années 1960, notamment en 1968 qui est une année de forte agitation politique en Europe (France) et au Maroc, à l’initiative des formations de gauche et d’extrême gauche très présentes sur les campus et sur la scène politique, que Benkirane prit la décision de quitter l’Istiqlal pour rallier la jeunesse de l’UNFP. Il assista assidûment, au lycée et à l’université, aux mobilisations et aux luttes organisées par la gauche, qui réclamait, à ses débuts, un changement radical de régime. Pour A. Benkirane, il fallait, selon ce qu’il nous en dit au milieu des années 2000, distinguer les militants de l’UNFP, qui manifestaient dans ces espaces, sans violences faites aux biens et aux personnes, et ceux qu’il qualifie « d’extrémistes marxistes-léninistes », non sans parti-pris idéologique, du fait de son ralliement ultérieur à l’islamisme, virulent adversaire de l’idéologie « athée » de ces groupes. Pourtant, selon certaines sources en principe non hostiles aux islamistes[2], Benkirane aurait fréquenté et appartenu au mouvement du 23 mars d’obédience marxiste-léniniste, qui fut fondé dans la foulée des manifestations fleuves et violentes du 23 mars 1965 parties des lycées au cours desquelles des slogans hostiles au roi Hassan II auraient été proférés.

Au fond, ce sont moins ces violences, imputées à tort aux seuls éléments marxistes-léninistes en en excluant arbitrairement l’UNFP, qui sont mises à l’index dans ces années-là par A. Benkirane, que leur philosophie de type matérialiste-athée. Car, hormis l’antagonisme idéologique entre islamistes et marxistes-léninistes du point de vue religieux, l’agitation révolutionnaire était une disposition partagée par toute une génération à laquelle a précisément appartenu A. Benkirane, extrême gauche et islamisme confondus.

Le rôle clé de l’UNEM

Il est indispensable de souligner le rôle prééminent joué par le principal syndicat étudiant, proche de la gauche, l’Union Nationale des Etudiants du Maroc (UNEM), dans l’organisation des manifestations contre les autorités et des débats publics sur les campus. A. Benkirane ressentait, encore au début des années 1970, une attirance particulière pour ce discours frondeur porté par les jeunes socialistes, à telle enseigne qu’il s’en rapprocha. La radicalité de la gauche en général et celle de l’UNEM[3] en particulier exercèrent un véritable attrait aux yeux de Abdelillah Benkirane, puisque ce sont elles qui incarnaient le plus, à tort ou à raison, entre 1969 et 1972, les espoirs de révolution politique et de rupture radicale avec l’ordre institutionnel établi.

Le politologue marocain Mohamed Dharif synthétise les objectifs de ce syndicat (« un parti révolutionnaire » selon le politiste), dont les revendications entraient dans un premier temps en écho avec une certaine vision de l’Istiqlal (jusqu’en 1959), puis, dans un second temps, ledit syndicat rapprocha davantage, principalement à partir de 1959, des thèses politiques diffusées par les marxistes-léninistes et l’UNFP. Ce sont les orientations que A. Benkirane semblait lui-même partager, dans ces années-là du moins.

C’est pourquoi il est permis de mettre en évidence l’idée suivant laquelle, chez A. Benkirane, l’entrée à l’UNFP, au sein de ses structures de jeunesse, doit beaucoup plus à sa rhétorique politique révolutionnaire, qu’à des déterminants religieux, sinon déniés, du moins très secondaires au sein d’une gauche et les organisations associées à tendance nettement séculariste ou sécularisée. Par conséquent, la polarisation sur les moyens de mettre à bas le régime monarchique, prédominait largement les représentations de A. Benkirane, de la fin des années 1960 jusqu’au milieu des années 1970, en dépit, une fois de plus, de son arrière-plan religieux.

Autant la socialisation et la politisation de A. Benkirane durent, au premier chef, à son environnement familial originel, au contexte politique national et international de son temps, autant elles furent également tributaires de ses engagements militants successifs, et de sa présence dans les lycées et les campus, où se jouaient effectivement les plus importantes des luttes politiques et culturelles[4].

C’est alors le contexte de répression, qui s’abattit presque à l’exclusive sur toutes les formations de gauche contestatrices de l’ordre établi, dont l’UNFP, qui amena, nolens volens, A. Benkirane et ses compagnons à se rapprocher d’Allal Al-Fassi ; du fait de l’aura dont il jouissait auprès des acteurs politiques en général et du Palais en particulier. Ce dernier accepta de les recevoir à deux reprises, à l’année 1973, alors que l’UNFP était « presque interdite d’activité ». C’est ce qui est relaté, sur la foi du témoignage livré par Benkirane lors de son passage à l’émission de la chaîne al-hiwâr que nous avons déjà mentionnée. Témoignage qui est tout de même corroboré par des faits objectifs, que Mohamed Dharif rapporte dans Le Mouvement étudiant marocain[5]. Le politologue explique, en effet, que l’État a réprimé la gauche en général et l’UNEM en particulier, en raison, selon les motifs invoqués par les autorités de l’époque, de leur radicalisation présumée. Ce qui se solda, le 24 janvier 1973, par « l’annonce de l’interdiction légale de l’UNEM », au moment même où ce mouvement était très bien implanté à Rabat, Casablanca et Fès ; les lieux où la Jeunesse islamique trouvera un terreau fertile, pour constituer des poches de mobilisation et mener à bien l’ensemble de ses activités.

[1] Entretien avec l’auteur, mai 2006, Rabat.

[2] http://www.aljazeera.net/encyclopedia/icons/2014/12/23/عبد-الإله-بنكيران Consulté le 24 février 2018

[3] Cf. Mohamed Dharif, Le mouvement étudiant marocain. Lecture de la crise de l’Union Nationale des Étudiants Marocains (UNEM) 1956-1996 (en arabe), Casablanca, Publications de la revue marocaine de la science sociale politique, 1996, p. 43-84. Pour ce politiste, le mouvement étudiant aurait connu deux grandes périodes : de sa naissance, en 1956, à 1973 et de 1973 à 1981. Celui-ci aurait été instrumentalisé politiquement, se muant, du même coup, en « parti révolutionnaire ».

[4] GEISSER Vincent, KARAM Karam, VAIREL Vincent, « Espaces du politique. Mobilisations et protestations », in PICARD Élizabeth (dir.), La politique dans le monde arabe, Paris, Armand Colin, 2006, p. 193-213 et p. 204-205.

[5] Mohamed Dharif, Le mouvement étudiant marocain. Lecture de la crise de l’Union Nationale des Étudiants Marocains (UNEM) 1956-1996 (en arabe), Casablanca, Publications de la revue marocaine de la science sociale politique, 1996, p. 65.

Le parti de la Lampe a déclaré que Benkirane a obtenu 974 voix sur 1.390 votes valides, tandis que son principal concurrent, Idriss Azmi Al-Idrissi, a reçu 374 voix, tandis qu’Abdullah Bouanou est arrivé troisième avec 42 voix.

Il convient de noter que Benkirane a dirigé le parti de 2008 à 2017, au cours de la première phase de laquelle il a été élu secrétaire général en juillet 2008, succédant à Saad Eddine El Othmani.

Il a dirigé le parti lors des élections de 2011 qui ont suivi le mouvement du 20 février, où le parti a remporté les élections et dirigé le gouvernement.

Il est resté secrétaire général jusqu’au huitième congrès du parti en décembre 2017, date à laquelle il a été remplacé par Saad Eddine El Othmani.

Suite à la cuisante défaite du parti aux élections du 8 septembre 2021, Saadeddine El Othmani a démissionné du Secrétariat général et Abdelilah Benkirane a été réélu Secrétaire général du parti fin octobre 2021. Il a continué à exercer ses fonctions jusqu’à ce que le neuvième Congrès , tenu hier et aujourd’hui à Bouznika, l’élise pour un 

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Mondafrique revient sur les attaques djihadistes du 17 avril au Bénin https://mondafrique.com/a-la-une/benin-deux-attaques-djihadistes-de-grande-ampleur/ Sun, 27 Apr 2025 06:27:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=132429 C’est un très lourd bilan, humain et matériel, que viennent d’encaisser les hommes de l’opération Mirador à l’intérieur du parc régional du W, à cheval sur les frontières du Bénin, du Burkina Faso et du Niger.  Jeudi 17 avril, les soldats des forces armées béninoises ont subi une double attaque contre leurs positions aux chutes […]

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C’est un très lourd bilan, humain et matériel, que viennent d’encaisser les hommes de l’opération Mirador à l’intérieur du parc régional du W, à cheval sur les frontières du Bénin, du Burkina Faso et du Niger.  Jeudi 17 avril, les soldats des forces armées béninoises ont subi une double attaque contre leurs positions aux chutes de Koudou et au Point Triple, deux sites du parc tenus par les djihadistes du Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM) et abandonnés, depuis des années, par les touristes.

Le butinn en armes et munitions des groupes terroristes

Soixante-dix soldats auraient été tués, et leurs corps ramenés à la base septentrionale de Kandi, la ville la plus proche de la frontière du Niger. Dans une vidéo de revendication, un porte-parole du GSIM commente en français les images du butin prélevé sur les militaires morts et bien rangé, comme toujours : «22 PKM et 69 porte munitions, 9 12-7 et 12 porte-munitions, 11 lance-roquettes et 20 roquettes, 78 kalashnikov et 304 chargeurs, 49 caisses de munitions, 5 mortiers et 51 roquettes, 64 grenades, 113 téléphones tactiles, 13 téléphones à boutons, 13 powerbanks, 6 motos, 3 drones et un ordinateur portable.» Le djihadiste désigne deux gros tas de munitions en vrac «qu’on ne peut pas compter» et poursuit avec 6 motos et 8 véhicules brûlés, avant de promettre que son mouvement combattra jusqu’à la mort pour le retour « à la religion que Dieu nous a dit de pratiquer sur cette terre» et l’affirmation qu’il vengera «les civils [que les autorités] prennent, attrapent et partent enfermer» quelle que soit leur ethnie ou leur couleur de peau.

Le Parc National du W se trouve au sud du Niger, à la frontière avec le Bénin. Son nom vient de la forme en « W » du fleuve Niger dans cette zone. Le Parc du W couvre une superficie de 335,000 ha et dispose de 400 km de pistes de vision. Le parc accueille environ 1200 visiteurs par an.

L’opération Mirador a été lancée en 2021 pour tenter de sécuriser les frontières nord du pays, menacée par les groupes djihadistes sahéliens affiliés aux deux grandes franchises rivales d’Al Qaida et de l’Etat islamique.

La France, partenaire stratégique du Bénin

La revue française Conflits, sous la plume de Pierre d’Herbès, a publié en janvier 2025 un article sur l’effort militaire «ambitieux» du Bénin et de ses partenaires, notamment français. Selon elle, les effectifs sont passés de 7500 hommes en 2022 à 12 300 en 2024 et le budget défense du pays de 60 à 90 milliards dans la même période. La France a fourni en 2023 «des drones (…) 26 véhicules de l’avant blindés et des protections balistiques et d’autres équipements essentiels» et des instructeurs. «La consolidation de l’appui de la France est appréciée, à tel point que Paris est désormais considéré comme un partenaire stratégique», s’enorgueillit la revue dans un article publié, las !, après une première attaque meurtrière au même Point Triple, qui avait déjà fait 35 morts le 8 janvier.

Pour d’Herbès, manifestement très proche des milieux militaires et paramilitaires français, cette embuscade était «la conséquence directe de la dégradation sécuritaire totale dans les pays de l’AES (Mali, Niger, Burkina-Faso) (… où) les groupes armés, terroristes ou non, circulent désormais librement ou presque, au nez et à la barbe des forces de défenses locales et des mercenaires russes», sous l’égide de «juntes confinées dans les capitales (…) qui font subir l’indigence de leur politique à leurs voisins.» Cette rhétorique reflète celle de Paris, pour qui tout est de la faute des Russes et des officiers sahéliens ingrats qui ont demandé à la France de retirer ses forces de la région.

De Barkhane aux coups d’Etat

Attaque terroriste repoussée contre la base du parc W au Niger

Au Niger voisin où s’étend aussi le parc naturel du W et où une attaque djihadiste avait eu lmieu en 2020 sur les réseaux sociaux, une analyse contraire est donnée sur de nombreux réseaux sociaus. Pour les autorités, qui gardent la frontière avec le Bénin fermée depuis le coup d’Etat du 26 juillet 2023, la présence des instructeurs et des moyens militaires français dans ce pays est une menace. Niamey accuse régulièrement Paris, sans en fournir de preuves, de comploter avec les groupes terroristes pour déstabiliser les juntes au pouvoir dans les trois pays du Sahel central.

Nul ne peut contester, en revanche, que l’opération Barkhane et ses 5000 hommes n’a, ni au Niger ni au Mali, empêché la progression spatiale et numérique spectaculaire des groupes djihadistes depuis 2013. Cet échec est de mauvais augure pour les pays du Golfe de Guinée, longtemps indifférents aux difficultés de leurs grands voisins du nord et rattrapés par la guerre.

L’organisation ACLED a publié le 25 mars un article sur «les nouvelles lignes de front» de la nouvelle phase d’expansion vers la côte des groupes djihadistes sahéliens (https://acleddata.com/2025/03/27/new-frontlines-jihadist-expansion-is-reshaping-the-benin-niger-and-nigeria-borderlands/). ACLED explique que les régions situées à un nouveau carrefour frontalier, du Niger, du Bénin et du Nigeria, sont désormais ciblées, comme en témoignent les chiffres des incidents en hausse et celui des victimes, qui a doublé. Pour l’auteur de cette étude, «l’investissement du GSIM et de l’Etat islamique au Sahel dans les activités transfrontalières laisse penser que cette région est d’une importance croissante pour l’expansion djihadiste.»

Une expansion continue qui remonte à 2016

L’article raconte l’histoire de l’essor géographique djihadiste sahélien, qu’il fait remonter à 2016, date à laquelle les groupes maliens ont commencé à allonger leur rayon d’opération aux Niger et Burkina Faso voisins.  Après avoir atteint, fin 2017 et début 2018, le sud-ouest du Niger et l’est du Burkina Faso, les deux franchises djihadistes d’Al Qaida et de l’Etat islamique ont entrepris de descendre vers les pays côtiers. Cependant, la rivalité militaire entre les deux organisations a stoppé cette avancée à partir de la mi-2019. Le GSIM a finalement affirmé sa supériorité en 2020 dans le centre du Mali et l’essentiel du Burkina Faso, repoussant l’EIS vers la zone dite des trois frontières, le Liptako Gourma. Il a alors fait de l’est du Burkina Faso, en particulier les provinces voisines du parc, sa base arrière pour progresser vers le Bénin et le Togo à partir de 2021 et 2022. Enfin, de 2023 à 2024, les deux organisations ont augmenté la pression sur les régions frontalières entre le Bénin, le Niger et le Nigeria, transformant ces zones en ligne de front volatile.

Cette nouvelle expansion vers le sud, estime l’auteur, «est motivée par la recherche continue de nouvelles opportunités de recrutement pour soutenir la croissance des armées insurgées, aussi bien que par le besoin d’accéder à des ressources à travers de nouvelles routes de contrebande et de trafic illicite essentielles pour leurs opérations. L’expansion dans ces zones reculées et moins sécurisées permet aussi aux deux groupes de créer de nouvelles bases d’opération et d’étendre leurs réseaux logistiques.»

Comme dans d’autres pays, les parcs naturels sont devenus des sanctuaires des groupes armés, leur offrant un couvert végétal et une capacité de mouvement propice au franchissement des frontières, dans des espaces quasiment vides de toute population. C’est à partir du parc transfrontalier du W-Arly-Pendjari que le GSIM, solidement campé à côté de l’ex site touristique des chutes de Koudou, a débuté son expansion vers le Bénin en 2021 et le Togo en 2022, puis qu’il a consolidé sa présence de part et d’autre de la frontière et avancé vers le Nigeria, poursuit l’auteur de l’étude.

Quant à l’Etat islamique, à partir de son bastion stratégique de Menaka au Mali et Tillabéri et Tahoua au Niger, il a intensifié ses activités dans le nord et le centre de la région de Dosso et innové tactiquement par des sabotages du pipeline Bénin-Niger. Après une phase d’approche sans violence, à travers la collecte de la zakat et la gestion de ses besoins logistiques, il a finalement ouvert, à travers la région de Dosso, un couloir d’approvisionnement développé ensuite en zone d’appui. Début 2024, il est passé à l’action militaire contre les forces de sécurité, les civils et les infrastructures. On s’est interrogé sur le rôle joué par un groupe, Lakurawa, installé dans le nord-ouest du Nigeria, dans les actions à la frontière entre le Niger et le Nigeria. Mais pour ACLED, il s’agit d’une émanation de l’Etat islamique au Sahel à partir de ses bases de Dosso, au Niger, et de Sokoto et Kebbi, au Nigeria. L’EIS s’étend désormais aussi vers la frontière Bénin, Niger, Nigeria. A l’issue de trajectoires différentes, les deux organisations convergent donc désormais dans la région de Dosso, au sud-ouest du Niger, au confluent des trois frontières.

 

 

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Burkina, cette nouvelle tentative de putsch qui fait diversion https://mondafrique.com/politique/burkina-cette-nouvelle-tentative-de-putsch-qui-fait-diversion/ Wed, 23 Apr 2025 18:56:45 +0000 https://mondafrique.com/?p=132275 Une nouvelle fois, le gouvernement burkinabè a annoncé le démantèlement d’un réseau qui complotait contre l’État depuis la Côte d’Ivoire. Assertion réelle ou diversion pour masquer les échecs sécuritaires ? Dans les deux cas, cela prouve la fragilité du pouvoir d’Ibrahim Traoré. Le lundi 21 avril, le ministre de la Sécurité burkinabè, Mahamadou Sana, a […]

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Une nouvelle fois, le gouvernement burkinabè a annoncé le démantèlement d’un réseau qui complotait contre l’État depuis la Côte d’Ivoire. Assertion réelle ou diversion pour masquer les échecs sécuritaires ? Dans les deux cas, cela prouve la fragilité du pouvoir d’Ibrahim Traoré.

Le lundi 21 avril, le ministre de la Sécurité burkinabè, Mahamadou Sana, a déclaré à la télévision nationale que les services de renseignement avaient réussi à stopper net un vaste complot qui s’apprêtait à prendre d’assaut le palais présidentiel. Cette attaque aurait dû avoir lieu le 16 avril, mais grâce à la sagacité des autorités, les militaires conspirateurs ont été démasqués avant de pouvoir passer à l’acte. Mieux, ces officiers et sous-officiers auraient ourdi leur projet avec la complicité de groupes armés djihadistes…

Les épouses aux arrêts

Difficile de comptabiliser toutes les tentatives de coups d’État manqués depuis l’arrivée d’Ibrahim Traoré au pouvoir, tant elles ont été nombreuses. Mais désormais, le mode opératoire de la junte au pouvoir est connu : après chaque annonce de déstabilisation, des officiers, des sous-officiers et des soldats du rang sont mis aux arrêts ou poursuivis s’ils sont en fuite. Mais ce 21 avril, le pouvoir burkinabè a innové en emprisonnant les épouses des militaires incriminés : dix-sept femmes dorment donc en prison. Une manière peu élégante de mettre la pression sur leurs maris…

Colère dans l’armée et panique du Président

Loin de calmer la grogne qui atteint des sommets au sein de l’armée, ces arrestations de femmes ravivent les tensions. En effet, les soldats sont déjà éprouvés par les nombreuses pertes de leurs frères d’armes sur le champ de bataille, et ils doivent en prime faire face à la désorganisation des troupes avec les emprisonnements de leurs officiers. Si ce nouveau complot s’avère réel et s’il a bien été fomenté par des militaires, cela signifie que, malgré tous les efforts d’Ibrahim Traoré pour cajoler ses troupes — paiement de fortes primes, donations de matériel —, ceux-ci sont vains. Le Président paraît avoir conscience de sa fragilité, puisque la capitale Ouagadougou et tous les sites sensibles sont devenus des forteresses.

Manœuvre dilatoire ?

Le jour même de la déclaration du ministre de la Sécurité, le JNIM, groupe djihadiste dirigé par Iyad Ag Ghali, a revendiqué la prise de contrôle d’une base militaire à Lanfiéra, près de la ville de Dédougou. Ces accusations de complot sont-elles destinées à masquer ce nouvel échec sécuritaire ? Depuis l’arrivée d’Ibrahim Traoré au pouvoir, ces accusations de complot contre l’État sont courantes. Elles surgissent toujours après de graves échecs militaires, sauf que désormais, les attaques des groupes armés djihadistes sont presque quotidiennes, marquant ainsi une situation sécuritaire extrêmement dangereuse, qui fragilise le pouvoir burkinabè.

Dans ce climat de suspicion permanente, entre menaces internes et revers militaires, le régime d’Ibrahim Traoré semble pris dans une spirale où chaque annonce de complot nourrit davantage la défiance que la stabilité. Reste à savoir combien de temps encore la diversion pourra masquer la réalité d’un pouvoir de plus en plus assiégé, autant par ses ennemis que par ses propres faiblesses.

 

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Tunisie, le dossier du «complot contre l’État» signe le naufrage de Kaïs Saïed https://mondafrique.com/a-la-une/tunisie-le-dossier-du-complot-signe-le-naufrage-de-kais-saied/ Tue, 22 Apr 2025 08:28:20 +0000 https://mondafrique.com/?p=132195 Le verdict d’une sévérité implacable rendu samedi dans « l’affaire du complot » au terme d’un procès expéditif et sur la base d’une non enquète , condense tous les travers de la présidence de Kaïs Saïed. Selim Jaziri Tunisie, Bernard Henri Lévy condamné à 33 ans de prison dans un procès stalinien Des exécutions judiciaires […]

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Le verdict d’une sévérité implacable rendu samedi dans « l’affaire du complot » au terme d’un procès expéditif et sur la base d’une non enquète , condense tous les travers de la présidence de Kaïs Saïed.

Selim Jaziri

Tunisie, Bernard Henri Lévy condamné à 33 ans de prison dans un procès stalinien

Des exécutions judiciaires au terme d’un procès expéditif. C’est ainsi que l’on pourrait résumer le verdict rendu samedi avant l’aube, dans l’affaire dite « du complot ». Les peines prononcées s’abattent en effet comme un couperet sur les quarante accusés de ce qui a été décrit au terme de l’instruction, comme une « un complot contre l’État tunisien et le régime actuel en le faisant chuter par la force avec l’aide d’États étrangers ».

Une machine à broyer

Cette conjuration, selon l’accusation, aurait associé deux composantes : l’une, « terroriste », cherchant à mobiliser des armes et des mercenaires en vue d’une action violente, dirigée par l’homme d’affaires Kamel El Taïef, l’autre « complotiste », consistant à coaliser les opposants à Kaïs Saïed et à obtenir des appuis étrangers, dirigée par Khayam Turki. La cohorte des accusés est un assemblage hétéroclite, mêlant des opposants avérés à des personnalités sans relation avec les autres, comme Nadia Akacha, ancienne directrice de cabinet de Kaïs Saïed jusqu’à sa disgrâce en janvier 2022, ou Bernard Henry Levy, ajouté à la liste pour accentuer le caractère complotiste de l’affaire.

Kamel El Taïef écope de 66 ans de prison et Khayam Turki, de 48 ans. Noureddine Bhiri, ancien cadre du parti Ennahdha, accusé d’avoir été chargé d’activer les « cellules dormantes » islamistes au profit du « complot », en prend, lui, pour 43 ans. Les personnalités mises en cause dans l’aspect politique de l’affaire, sont condamnées à des peines allant de 8 à 18 ans de prison. Les accusés réfugiés à l’étranger, dont la militante féministe  Bochra Belhaj Hmida, ou le militant des droits de l’homme Kamel Jendoubi, se sont vus appliquer une peine automatique de 33 ans.

Enfin, Slama Hattab, vendeur de voitures d’occasion dont l’un des véhicules s’est trouvé stationné à proximité du domicile de Khayam Turki au mauvais moment, a été condamné à quatre ans, alors même qu’aucun lien n’a été établi avec les autres accusés. Après deux ans de détention préventive, il pourra peut être obtenir une remise de peine, mais son cas illustre ce qui aura caractérisé ce procès : des accusations sans fondement, des détentions abusives, un refus de se dédire, à l’image de la rigidité de Kaïs Saïed, incapable de reconnaître ses erreurs, ni de tolérer la critique, et au final une machine à broyer des destins.

Un festival d’irrégularités

Les régimes d’Habib Bourguiba (1956-1987) et de Zine el Abiddine Ben Ali (1987-2011) n’ont pas été avares de procès politiques, mais au moins avaient-ils le souci du formalisme juridique. Le juridisme étant une ressource de légitimité centrale des régimes destouriens. Mais dans cette affaire, signe que le Droit n’a plus qu’une valeur instrumentale, la Justice ne s’est pas encombrée de ces scrupules. La liste des irrégularités et des incohérences de procédures serait trop longue à dresser ici, mais on peut en résumer les principales étapes.

Au point de départ, l’accusation a précédé l’enquête, puisque l’existence d’un prétendu complot a été signalée, en dehors de toute procédure légale, par un courrier du directeur de la police judiciaire (destitué depuis pour son implication dans une affaire de trafic d’influence) à la ministre de la Justice, le 10 février 2023, suivie, dès le 13 février, du début d’une vague d’arrestations. Le 14 février, Kaïs Saïed avait déjà scellé le sort des accusés, qualifiés de « terroristes » : « L’histoire a prouvé qu’ils étaient des criminels bien avant que les tribunaux ne le fassent », et d’ajouter quelques jours plus tard « quiconque oserait les disculper se ferait leur complice ». A quoi bon, dès lors, s’embarrasser d’une enquête et d’un procès ?

Le 4 mars 2023, l’Association des Magistrats tunisiens a d’ailleurs dénoncé les menaces et les intimidations exercées sur les juges, par le président de la république Kaïs Saïed et par ses partisans sur les réseaux sociaux.

Les témoignages « spontanés » venant étayer l’accusation ont été recueillis après coup, auprès de témoins officiellement anonymes, mais identifiés depuis, et dont la bonne foi et les motivations sont pour le moins douteuses. L’instruction s’est contentée de les intégrer sans chercher à les vérifier. Pour l’essentiel, l’enquête s’est limitée à explorer le contenu des ordinateurs et les téléphones des suspects pour tisser une trame en reliant une série de points dans une interprétation discutable. Durant leur détention préventive, prolongée au-delà du délai légal de quatorze moi, les accusés n’ont jamais eu la possibilité de s’expliquer devant le juge d’instruction.

Une fois sa tâche accomplie, celui-ci a préféré chercher une meilleure opportunité professionnelle au Qatar. Ce qui lui vaut d’être à son tour accusé de « complot la sûreté de l’État ».

Les trois audiences du procès, le 4 mars, les 11 et 18 avril, se sont tenues en l’absence des accusés. Ils ont refusé de comparaître en visio-conférence et de cautionner ainsi une décision qui détourne une procédure adoptée pendant la crise du Covid, permettant sous condition de juger en son absence en son absence. Six accusés avaient mené une grève de la faim avant l’audience du 11 avril, pour exiger d’être présents à l’audience. En vain. Dans ces conditions, leurs avocats ont décidé de ne pas plaider sur le fond mais de soulever les défauts de procédures.

La composition de la chambre criminelle en charge du dossier a été attaquée puisqu’elle a été constituée par simple note administrative émise par la ministre de la Justice, alors que les juges doivent être désignés selon des mécanismes indépendants garantissant l’impartialité de la justice.  Ce recours a été ignoré. Ridha Belhaj, ancien conseiller politique de Béji Caïd Essebsi, a même accusé lors de l’audience du 18 avril, par l’intermédiaire de son avocat, le président de la cour d’avoir touché un pot-de-vin de 1,2 million de dinars en 2017 pour faire libérer un terroriste.

Le pourvoi en Cassation de Kamel Jendoubi, Noureddine Ben Ticha et Ridha Chaïbi qui contestaient l’ensemble de l’acte d’accusation, qui devrait avoir un effe suspensif, n’a pas été pris en compte. La demande de Kamel Jendoubi et de Ridha Driss, actuellement en France, d’être entendus en visio-conférence, n’a pas été acceptée.

Enfin, le public autorisé à assister au procès qui se tenait dans une salle bien trop étriquée pour une affaire de cette ampleur, a été de plus en plus restreint, pour exclure finalement tous les observateurs extérieurs.

Au terme de trois audiences consacrées aux questions de procédures écartées par les juges, la cour s’est retirée après la lecture de l’ordonnance de renvoi interrompue après 30 secondes pour délibérer, sans audition des inculpés, sans réquisitoire, ni plaidoiries. Elle a fait connaître par la voie d’une dépêche d’agence à 5 heures du matin, un verdict probablement dicté par le Chef de l’État, pressé d’en finir avec ce procès qui porte sa marque de bout en bout.

 

Un acte de pouvoir

Kaïs Saïed n’a même pas cherché à donner au procès de ce « complot », pourtant central dans son récit d’une Tunisie sapée de l’intérieur par des corrompus et des agents des ingérences étrangères, la théâtralité d’un procès stalinien, censé conforter le pouvoir en montrant sa capacité à amener l’accusé aux aveux ou au contraire à mettre en scène sa déchéance afin d’impressionner les masses dans un geste purificateur.

Le style Kaïs Saïed, au contraire, est tout d’obscurité. C’est au cœur de la nuit qu’il annonce régulièrement les décisions qui façonnent le régime qu’il veut instituer : la proclamation des pouvoirs exceptionnels le 25 juillet 2021, le décret du 22 septembre suivant, par lesquels il s’accordait les pleins pouvoirs, la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature (le 6 février 2022), l’annonce du texte de la nouvelle Constitution (le 30 juin 2022) ou de la loi organisant l’élection des nouvelles institutions locales (le 8 mars 2023), le limogeage des ministres ou le changement de Premier ministre… Même lorsqu’il s’est rendu le 18 avril à Mezzouna, éprouvé par la mort de trois lycéens dans l’éboulement d’un mur quatre jours plus tôt, et dont la population réclamait sa présence, c’est à 4 heures 30 du matin qu’il est allé à la rencontre des habitants qu’il a fallu tirer de leur sommeil (il devait le même jour célébrer les cérémonies d’anniversaire des forces de sécurité nationale).

Loin d’être anecdotique, on peut voir dans cette prédilection pour la nuit la marque d’un pouvoir solitaire effrayé par la confrontation avec le réel, qui brutalise les institutions depuis l’opacité d’un palais présidentiel devenu illisible aux yeux de l’extérieur.

Ce procès clos à la hâte et en catimini, par un verdict nocturne est à l’image du saïedisme : un acte de pouvoir plutôt que de justice, animé par des passions négatives.

 

Un agencement délétère

C’est la tragédie de ce nouveau moment de la trajectoire politique tunisienne : alors que la prise de pouvoir par Kaïs Saïed, lors de son élection en 2019 et plus encore en juillet 2021, a été accueillie dans l’espoir d’un second souffle (mais aussi par certains, il est vrai, avec la joie mauvaise de voir Ennahdha évincé du pouvoir), cette nouvelle phase ne met en mouvement aucune énergie constructive. Les attentes de renouveau étaient pourtant majoritaires après dix ans d’une transition qui n’avait pas tenu ses promesses. Même si elle apparaît a posteriori comme un âge d’or pour les libertés, elle s’est enlisée et coupée des préoccupations populaires.

Les « combinazione » parlementaires, la réforme des institutions clé du régime (justice et police) paralysée par le corporatisme, la transformation impensée des structures de l’injustice et de l’exclusion sociale, la persistance des mécanismes de l’économie de rente, la démultiplication des réseaux de corruption, l’inefficacité croissante de l’État, l’intervention voyante des pays étrangers dans la vie politique et les débats de société, pendant que la situation sociale de la majorité de la population se dégradait, ont fini par réduire la base sociale et politique de la jeune démocratie, tombée d’un souffle le 25 juillet 2021.

Mais au lieu de « rapprocher le peuple du pouvoir », comme il l’avait promis, de réactiver la puissance d’agir populaire qu’avait libérée la révolution, d’être le catalyseur de toutes les idées créatrices délaissées par les partis politiques, et en particulier de mobiliser une compréhension des racines historiques des fractures territoriales et politiques de la Tunisie, Kaïs Saïed n’a servi qu’un seul et même récit depuis son élection : tout le malheur des Tunisiens, toute l’impuissance de l’État, toutes les difficultés qu’il rencontre viendraient de comploteurs, de traîtres, de spéculateurs, de politiciens corrompus, de fonctionnaires non patriotes, d’agents de l’étranger… Seule variation dans ce motif répétitif, les migrants subsahariens, agents ou instruments d’un complot contre l’identité tunisienne.

Il n’a institué qu’une seule incarnation du pouvoir, de l’État et du Peuple : lui même. Les seules passions qu’il sollicite de la part des Tunisiens, avec un certain succès, sont le ressentiment contre les « profiteurs de la transition » — la classe politique, la société civile… – et un patriotisme identitariste et revanchard. Le procès du complot, son contenu et son déroulement, est un condensé de cet agencement délétère.

 

Un nouveau cycle répressif

On aurait pu penser qu’une fois la scène politique expurgée des « complotistes » avec le verdict (encore susceptible de recours) et ainsi close la séquence judiciaire, l’attention pourrait se tourner vers des réalisations positives. Mais à peine le procès terminé, une nouvelle affaire s’est amorcée mardi.

Ahmed Souab, ancien juge administratif, très impliqué dans la dénonciation de la corruption, devenu avocat et figure importante du comité de défense des accusés, a été arrêté mardi chez lui par une dizaine de policiers. A l’origine de cette arrestation, sa déclaration, le jour du procès, selon laquelle « les couteaux ne sont pas sous la gorge des accusés mais sous celle du président de la cour », en joignant le geste à la parole. Cette allusion pourtant claire aux pressions exercée sur les magistrats a été décrite par les soutiens de Kaïs Saïed, contre toute logique, comme une menace adressée au juge. Après trois jours de campagne de dénigrement sur les réseaux sociaux, la police a donné crédit à cette interprétation et arrêté l’avocat, perquisitionné son domicile pour confisquer les téléphones portables et interrogé son fils durant trois heures. Il a été déféré devant le pôle anti-terroriste pour « menace de crime terroriste » et « entente terroriste », une accusation lourde de conséquence qui pourrait enclencher un nouveau cycle d’arrestations et un nouvel épisode judiciaire.

La présidence de Habib Bourguiba avait dégradé les promesses de l’indépendance en une autocratie despotique et policière, et s’était achevée dans les intrigues de palais. Celle de Ben Ali avait trahi les discours de renouveau et de démocratie, et ajouté à la systématisation de la répression, la prédation de l’économie tunisienne par le clan Trabelsi. L’élan de la révolution a tourné court. La signification de ce procès et de son verdict, c’est que le saïedisme, sous couvert de rétablissement de la souveraineté de l’État et du peuple et de justice sociale, est à son tour en train de sombrer dans la dérive liberticide d’un pouvoir autocratique et paranoïaque, discréditant encore un peu plus la politique aux yeux d’une société tunisienne fatiguée.

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