- Mondafrique https://mondafrique.com/politique/ Mondafrique, site indépendant d'informations pays du Maghreb et Afrique francophone Wed, 09 Apr 2025 02:16:43 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.7.2 https://mondafrique.com/wp-content/uploads/2017/11/logo_mondafrique-150x36.jpg - Mondafrique https://mondafrique.com/politique/ 32 32 Une mobilisation des écoles marocaines en faveur de Gaza https://mondafrique.com/a-la-une/une-mobilisation-des-ecoles-marocaines-en-faveur-de-gaza/ https://mondafrique.com/a-la-une/une-mobilisation-des-ecoles-marocaines-en-faveur-de-gaza/#respond Wed, 09 Apr 2025 02:16:41 +0000 https://mondafrique.com/?p=131366 Des millions de personnes à travers le monde ont répondu aux appels à une grève mondiale le lundi 7 avril, pour protester contre l’agression israélienne en cours sur la bande de Gaza depuis octobre 2023, et pour exprimer leur solidarité avec le peuple palestinien face à la machine de guerre qui a fait des milliers de victimes […]

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Des millions de personnes à travers le monde ont répondu aux appels à une grève mondiale le lundi 7 avril, pour protester contre l’agression israélienne en cours sur la bande de Gaza depuis octobre 2023, et pour exprimer leur solidarité avec le peuple palestinien face à la machine de guerre qui a fait des milliers de victimes et des destructions généralisées dans la bande.

Le mouvement mondial appelé par les organisations et initiatives de la société civile et des droits de l’homme a trouvé un écho au Maroc, où les syndicats de l’éducation et les groupes d’étudiants ont annoncé leur participation à cette manifestation, exprimant leur position sur la « guerre d’extermination » menée contre les Palestiniens.

A cet égard, le Syndicat national des employés de l’éducation, affilié à l’Union nationale du travail marocain, a appelé à participer à la grève nationale « en loyauté au précieux sang des Palestiniens et en soutien à la résistance du peuple palestinien pour libérer sa terre », selon un communiqué.

Le syndicat a souligné que cette initiative intervient dans un contexte de « silence de la communauté internationale et islamique face à la guerre systématique de génocide », notant que la position « s’élève au-dessus de toutes considérations politiques et syndicales, reflète un parti pris en faveur des droits de l’homme et un rejet des crimes de l’occupation sioniste, qui violent tous les droits de l’homme et les conventions internationales ».

De son côté, la Coordination nationale des enseignants du supérieur du ministère de l’Éducation nationale a annoncé sa participation à la grève mondiale, affirmant que « le silence est une trahison et le sang palestinien n’est pas bon marché ». Dans un communiqué, elle a affirmé que « Gaza nous appelle et le devoir de solidarité humaine transcende toutes les considérations ».

 En réponse aux appels des syndicats de l’éducation en solidarité avec les Palestiniens, de nombreux établissements d’enseignement à travers le royaume ont connu une suspension totale ou partielle du travail en réponse aux appels à la grève. Pendant ce temps, certains enseignants ont préféré continuer à exercer leurs fonctions dans leurs salles de classe, ce qui reflète les réponses variées des travailleurs de l’éducation à ces appels.

A Tanger, plusieurs étudiants, parents et enseignants ont manifesté devant la direction régionale de l’éducation. Lors de la manifestation, ils ont scandé des slogans condamnant l’agression israélienne et appelant à la fin des massacres de civils palestiniens. Ils ont également exprimé leur soutien à la résistance et à la détermination des habitants de la bande de Gaza.

Ce mouvement populaire et syndical au Maroc s’inscrit dans le contexte d’une large solidarité mondiale avec le peuple palestinien et d’une condamnation continue des graves violations commises par l’occupation israélienne depuis des mois, dans un contexte de crise humanitaire sans précédent qui ravage Gaza. Des dizaines de milliers de Marocains ont participé hier, dimanche, à une marche massive de solidarité nationale avec Gaza, qui a débuté sur la place Bab al-Ahad à Rabat et s’est poursuivie jusqu’au bâtiment du Parlement.

 

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Sénégal : le mouvement de l’ex président Macky Sall est décimé https://mondafrique.com/a-la-une/senegal-le-mouvement-de-lex-president-macky-sall-est-decime/ https://mondafrique.com/a-la-une/senegal-le-mouvement-de-lex-president-macky-sall-est-decime/#respond Tue, 08 Apr 2025 16:28:22 +0000 https://mondafrique.com/?p=131334  Au Sénégal, l’après Macky Sall s’avère compliqué pour son parti l’Alliance pour la République (APR). Entre dissensions, départs de plusieurs cadres influents, absence du chef et arrestation d’hommes à forte base politique, le parti perd du terrain. Après avoir perdu la présidentielle de mars 2024 et les législatives de novembre dernier, les perspectives sont sombres. […]

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 Au Sénégal, l’après Macky Sall s’avère compliqué pour son parti l’Alliance pour la République (APR). Entre dissensions, départs de plusieurs cadres influents, absence du chef et arrestation d’hommes à forte base politique, le parti perd du terrain. Après avoir perdu la présidentielle de mars 2024 et les législatives de novembre dernier, les perspectives sont sombres. Le malaise de l’après pouvoir qui a décimé le parti démocratique sénégalais d’Abdoulaye Wade guette dangereusement le parti de Macky Sall.

Demba Dieng (correspondance)

Amadou Ba, qui s’est présenté à la Présidentielle comme l’héritier de Macky Saall, a été battu avant de fonder son propre mouvement

Au Sénégal, la perte du pouvoir par l’ancien président de la République Macky Sall s’est avéré fatal. Près d’un an après la chute, cette formation politique créée en 2018 peine à se relever de l’ascension fulgurante du tandem Ousmane Sonko Bassirou Diomaye Faye. Déjà on sentait venir la crise même en pleine campagne pour la présidentielle. Car les militants et ténors étaient divisés concernant le choix du candidat.

«  Il est des moments où le destin nous appelle à faire un choix décisif, à poser un acte fondateur. Aujourd’hui nous sommes à un tel tournant. Après mûres réflexions j’ai décidé de répondre à cet appel ». Amadou Bâ 

 

La désignation d’Amadou Bâ, alors Premier ministre, était perçue comme une défaite avant l’heure. Des hommes qui lui étaient proches se doutaient ensuite du réel soutien de Macky Sall envers Amadou Bâ. Ces interrogations se sont accentuées au lendemain du revers. En septembre cet ancien premier ministre et pilier de l’Alliance pour la République choisit de tracer sa propre voie créant ainsi un nouveau parti appelé « Nouvelle responsabilité ». Un départ qui constitue un coup de massue pour l’APR car délesté de plusieurs de ses cadres. Car des figures de l’ancien régime -Cheikh Oumar Anne, Abdoulatif Coulibaly- et même le petit frère de Macky Sall, Aliou Sall, rallient la nouvelle entité politique. 

La double défaite

 

Entre 2012 et 2024, l’Alliance pour la République (APR) sous le leadership de Macky Sall n’avait pratiquement perdu aucune élection. Hélas, le mythe est tombé au soir du 24 mars 2024. Son candidat, Amadou Bâ est arrivé deuxième à la présidentielle avec 35% des voix. Quelques mois plus tard en novembre 2024, ce parti subit un nouveau revers lors des élections législatives malgré une alliance avec le parti Rewmi d’Idrissa Seck et le parti démocratique sénégalais (PDS) de l’ancien président de la République Abdoulaye Wade, entre 2000 et 2012. La grande coalition Takku Wallu n’a obtenu que 15 députés contre 145 lors législatives de 2021. Cette défaite est surtout causée par un leader absent du terrain politique qui se contentait des appels vidéo WhatsApp lors des réunions pour doper les troupes. Macky Sall avait finalement choisi de rester à Marrakech et de battre campagne à distance. En effet il a même été battu dans son propre bureau politique. La stratégie de campagne via WhatsApp n’avait pas marché de l’avis de l’analyste politique, Babacar Ndiaye. « Beaucoup l’ont moqué de battre campagne par procuration via WhatsApp », a-t-il souligné. Et pourtant à quelques semaines des élections, Macky Sall avait décidé de démissionner de son poste d’Envoyé spécial du Pacte de Paris pour les peuples et la planète, afin d’une meilleure participation aux joutes électorales. « Comme vous le savez probablement, les circonstances de la vie politique sénégalaise, suite à la dissolution de l’Assemblée nationale, m’ont amené à être investi tête de liste de la coalition Takku Wallu Senegal pour les élections législatives prévues le 17 novembre 2024 », avait il écrit dans une lettre adressée au président français Emmanuel Macron. Sa décision de s’impliquer physiquement dans la campagne électorale a sans doute été étouffée par les menaces d’arrestations proférées à l’époque contre ses anciens ministres et directeurs généraux. 

 

Des perspectives sombres 

 

Avec l’absence de Macky Sall, qui a également gelé ses activités à la tête du parti, des leaders tels que Farba Ngom et Mansour Faye devaient émergents. Cependant ces derniers n’ont pas actuellement l’heure destin en main. Le maire d’Agnam Civol, Farba Ngom doté d’une véritable force de mobilisation dans le Fouta est actuel en prison dans le cadre de la traque des biens mals acquis. Il est poursuivi pour blanchiment d’argent portant sur 125 milliards FCFA. L’autre, Mansour Faye, très respecté au sein de l’Alliance pour la République semble être sur la sellette actuellement puisqu’il a été interdit de sortie du territoire national dimanche dernier. « Je voudrais informer l’opinion nationale et internationale, que j’ai été injustement interdit d’embarquer dans le vol d’Air France, ce jour lundi 10 mars 2025, à destination de Djeddah via Paris, pour aller faire le « petit pèlerinage » à la Mecque. A ma question sur le refus de ma sortie du territoire, l’agent de police me répondit: que c’est sur instruction de l’Autorité supérieure. J’informe encore, qu’à ma connaissance, je ne fais l’objet d’aucune procédure, ni d’aucune enquête, encore moins d’une quelconque accusation, en quoi et sur quoi, que ce soit!!. Alors si c’est pour des questions politiques, cette Autorité va continuer à souffrir », a pesté Mansour Faye. Grand frère de l’ex première Dame, Marème Faye Sall, il a été ministre durant tout le règne de Macky Sall. Il fut Ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement, Ministre du Développement communautaire, de l’Équité sociale et territoriale, puis Ministre des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement. En dehors de Mansour Faye, l’ancien ministre des Industries qui dispose d’une bonne cote politique, est également sous la menace. Cité dans le cadre du détournement de 700 millions FCFA par l’inspectrice du Trésor, Tabaski Ngom, l’Assemblée nationale travaille également sur la levée de son immunité parlementaire. 

 

Le combat de la survie

 

En dehors de l’arrestation de ces membres, l’Alliance pour la République est également miné par des dissensions depuis le départ de Macky Sall. Cette semaine, l’ancienne ministre de la Microfinance, Zahra Iyane Thiam a décrit une situation marquée par l’animosité. « J’ai plus d’ennemis d’en l’Apr actuel », a-t-elle dit dans une émission d’une radio privée. Face à la situation du parti et de ses leaders, une conférence de presse a été organisée le mardi 11 mars 2025 à Dakar. Pour l’APR, le régime actuel semble vouloir « gouverner par la peur », en réprimant les libertés démocratiques et les mobilisations sociales. « Ce régime semble vouloir gouverner par la peur, en réprimant les libertés démocratiques et les mobilisations sociales », ont-déclaré les cadres de la formation politique. Ainsi, ils ont appelé les organisations de la société civile, les partis politiques et l’opinion publique, tant au niveau national qu’international, à se mobiliser contre « cette dérive autoritaire ». « Nous n’allons laisser passer ces tentatives d’affaiblir l’opposition notamment l’Apr. Nous engageons le combat au nom de la démocratie », a dit le 2 avril dernier, à l’Assemblée nationale, le député et proche de Macky Sall, Abdou Mbow.

 

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Ibrahim Maïga, activiste burkinabè et âme damnée du Président https://mondafrique.com/politique/ibrahim-maiga-activiste-burkinabe-et-ame-damnee-du-president/ Tue, 08 Apr 2025 03:13:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=119318 Bien que peu populaire, ses posts sur le réseau social X ne dépasse que rarement les 600 « j’aime », l’activiste burkinabè, Ibrahim Maïga, tient une place toute particulière sous le règne d’Ibrahim Traoré. A la fois fou du roi et âme damnée du Président, notre agitateur a dernièrement poussé les bouchons trop loin et […]

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Bien que peu populaire, ses posts sur le réseau social X ne dépasse que rarement les 600 « j’aime », l’activiste burkinabè, Ibrahim Maïga, tient une place toute particulière sous le règne d’Ibrahim Traoré. A la fois fou du roi et âme damnée du Président, notre agitateur a dernièrement poussé les bouchons trop loin et risque fort d’avoir compromis son exil américain. 

Ce quadragénaire au visage joufflu est apparu dans le paysage médiatique sous le premier mandat de Roch Marc Christian Kaboré. Alors opposant, Ibrahim Maïga s’est permis tous les coups en diffusant des documents militaires sensibles et en proférant des injures contre le procureur du Faso.

D’opposant à griot

Recherché par la justice, il prend alors la fuite et s’exile au Texas. Il ne rentrera au pays qu’à la faveur du coup d’Etat de Paul-Henri Damiba en janvier 2022. Mais très vite les choses se gâtent entre le  nouvel homme fort du Faso et l’activiste qui se serait, selon certaines sources burkinabè, montré beaucoup trop gourmant. Il retourne donc aux Etats-Unis et y reste malgré l’arrivée de son ami Ibrahim Traoré au pouvoir en septembre 2022. C’est donc depuis sa résidence américaine, bien loin des affres de la guerre, qu’il adoube, tance, distribue malédictions ou bénédictions, c’est selon. « Mon président se nomme IB et celui qui pense que comploter contre lui sera une promenade de santé doit comprendre que le plus difficile ce n’est pas d’atteindre IB, mais c’est ce qui viendra ensuite si nous autres sommes vivants. » écrit-il par exemple sur X.

Car, il y a une constante chez les activistes de n’importe quel pays ou de n’importe quel bord, ils sont condescendants, sûr d’eux, sans nuance. Pour eux, la vérité des faits ne tenant qu’un rôle aléatoire, le monde est divisé en deux : les bons, les méchants, en dehors de ce partage, point de salut.  Bien que prêchant dans le royaume virtuel de X et de Tik Tok, ils n’en sont pas moins néfastes dans le monde réel. Ibrahim Maïga est de ceux là, sauf qu’à la différence des autres qui ne sont souvent que des petits télégraphistes aux ordres de ceux qui les paient, lui peut se prévaloir d’avoir un véritable ascendant sur le président du Burkina Faso.

Maïga parle, Traoré s’exécute

Lorsqu’Ibrahim Maïga s’exprime dans ces vidéos, s’agissant de l’Etat burkinabè, il dit « nous », tant il sait que ses paroles seront suivies d’actes. C’est lui qui dès le 17 septembre indexe Wassim Nasr et demande des sanctions. Moins de dix jours plus tard une enquête sera ouverte contre le journaliste de FR24 dans tous les pays de l’Alliance des Etats du Sahel. C’est encore lui qui appelle la junte à s’en prendre aux  proches des opposants, dans une vidéo postée sur X, il  conseille avec un ton et un sourire affable : «  Il faut forcer leurs familles à les pousser à entrer dans le rang.  La chose que nous traversons est beaucoup plus importante que leurs misérables vies et que les misérables vies de toutes leurs familles réunies ».

Quelques heures plus tard, la femme de l’ex député de Dori était enlevée, puis suivaient les quatre enfants de Djibrill Bassolé. Sauf que cette fois, Ibrahim Maïga a poussé le bouchon trop loin et n’a pas mesuré les conséquences de sa fatwa.  La fille de l’ancien ministre des Affaires étrangères, toujours détenue par la junte dans un endroit tenu secret est maman de deux enfants qui ont la nationalité américaine. Or, et c’est bien connu, les Etats-Unis n’abandonnent pas leurs ressortissants. Selon une source diplomatique aux Nations Unies, cela a donc conduit le Département d’Etat à s’intéresser de près à cette affaire.

D’autant qu’il devient de plus en plus délicat d’héberger sur leur territoire, un activiste qui bien qu’il s’en défende à longueur de vidéo ne prône pas la concorde entre les communautés. Ses cibles préférées sont les personnalités peules, à l’instar du journaliste Newton Ahmed Barry qu’il menace ouvertement « Rien n’a encore commencé mais retiens que la récréation est terminée ». A suivre…

 

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Guinée, Beny Steinmetz définitivement condamné pour corruption en Suisse  https://mondafrique.com/politique/guinee-beny-steinmetz-definitivement-condamne-pour-corruption-en-suisse/ https://mondafrique.com/politique/guinee-beny-steinmetz-definitivement-condamne-pour-corruption-en-suisse/#respond Mon, 07 Apr 2025 15:32:46 +0000 https://mondafrique.com/?p=131254   Le Tribunal fédéral, la plus haute instance judiciaire du pays, a condamné le « roi du diamant » à 3 ans de prison dont 18 mois ferme. Dans un communiqué, Beny Steinmetz, 69 ans, s’en prend à la « politisation du système judiciaire suisse », et surtout à la « campagne mondiale de diffamation » organisée contre lui par le lobbyiste […]

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  Le Tribunal fédéral, la plus haute instance judiciaire du pays, a condamné le « roi du diamant » à 3 ans de prison dont 18 mois ferme. Dans un communiqué, Beny Steinmetz, 69 ans, s’en prend à la « politisation du système judiciaire suisse », et surtout à la « campagne mondiale de diffamation » organisée contre lui par le lobbyiste milliardaire américain Georges Soros. 

Par Ian Hamel, à Genève

L’homme d’affaires est accusé d’avoir corrompu des dirigeants guinéens afin de s’accaparer des droits miniers dans la région de Simandou, en Guinée.

La Guinée, son fer, la corruption, les ex présidents Alpha Condé et Nicolas Sarkozy et surtout les deux milliardaires Beny Steinmetz et Georges Soros en guerre ouverte…Un tribunal helvète (1) aura été à partir de l’été 2022 le théâtre d’un formidable feuilleton sur l’industrie minière en Afrique et en l’espèce en Guinée. 

La question qui était posée, la voici: la Suisse va-t-elle, pour la première fois de son histoire, réussir à faire condamner en appel un milliardaire considéré en première instance  comme le patron d’un réseau de corruption internationale ? Daniel Kinzer, l’avocat du milliardaire franco-israélien, a déclaré dans le quotidien suisse « Le Temp »: que le premier jugement « rattache les faits à la Suisse de façon artificielle et dresse un portrait caricatural et faux de Beny Steinmetz, comme nous le montrerons en deuxième instance »

À priori, l’affaire paraît simple. En 2008, la société Beny Steinmetz Group Resources (BSGR) obtient le droit d’exploiter les blocs 1 et 2 du gisement de fer de Simandou, en Guinée. Pour faciliter l’opération et d’après les accusations portées contre lui, Beny Steinmetz aurait distribué des pots-de-vin à Mamadie Touré, la quatrième épouse du président guinéen, le général Lansana Conté. L’argent aurait transité par des sociétés et des comptes en Suisse. Il s’agit, certes, d’une méthode classique pour faire du business en Afrique. Ce qui est moins courant, c’est qu’une guerre des bakchichs sans précédent empêche la mine de fer, encore aujourd’hui, d’être exploitée. Ce qui prive la population guinéenne de centaines d’emplois et de ressources fiscales considérables.

Trois ans de prison

Condamné en première instance à 5 ans de prison ferme et à 50 millions de francs (53 millions d’euros) d’amendes par la justice genevoise pour corruption d’agents publics étrangers, Beny Steinmetz, n’avait pas hésité à se déplacer en personne en 2023 à la cour d’appel sur les bords du lac Léman et à affronter les juges. Ces derniers s’étaient montrés plus cléments, en ne lui infligeant que 3 ans, dont 18 mois ferme. Le Tribunal fédéral, qui siège à Lausanne, vient de confirmer la sanction.  

Beny Steinmetz a toujours nié les faits. Pour continuer à défendre sa cause, il ne lui reste plus qu’à saisir la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). De son côté, la justice suisse envisage-t-elle de lancer un mandat d’arrêt international contre le magnat des mines qui vit en Israël, après avoir été résident pendant de nombreuses années dans le canton de Genève ? Le milliardaire franco-israélien publie un communiqué en français et en anglais particulièrement virulent contre la justice helvétique parlant de « partialité procédurale » et de « motivation idéologique ». Il souligne que le Tribunal fédéral « a fermé les yeux et entériné des accusations erronées et motivées par l’idéologie ».

Le milliardaire Georges Soros en cause

L’homme d’affaires s’en prend tout particulièrement au lobbyiste Georges Soros, l’accusant d’avoir lancé contre lui « une campagne mondiale de diffamation, amplifiée par des ONG et des entités étatiques portées par un agenda politique ». La plupart de ces ONG seraient « financées et contrôlées par Georges Soros ». Ce dernier et son réseau international « ont tout entrepris, sans succès dans la plupart des cas, pour que Beny Steinmetz soit poursuivi pénalement et condamné pour des délits qu’il n’a pas commis », a-t-il affirmé dans un communiqué. Il assure que des « paiements corrupteurs [auraient été] versés à un témoin clé par l’intermédiaire d’un conseiller du réseau Soros ».

Pourquoi tant de haine ? En 2010 en Guinée, le nouveau président Alpha Condé, élu démocratiquement, est présenté en Occident comme un démocrate. Il est l’ami de Bernard Kouchner, de Tony Blair et de George Soros. Alpha Condé annonce un nouveau code minier et retire à Beny Steinmetz ses concessions sur les mines de fer de Simandou. En 2013, la Guinée adresse une commission rogatoire internationale à la Suisse visant Beny Steinmetz, alors résident à Genève avec sa famille. L’homme d’affaires franco-israélien soupçonne Georges Soros d’être à l’origine de ses malheurs. Quant à Alpha Condé, renversé par l’armée en 2021, il n’a pas laissé dans son pays le souvenir d’un parfait démocrate.

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Côte d’Ivoire, il faut sauver le soldat Tidjane Thiam https://mondafrique.com/politique/cote-divoire-il-faut-sauver-le-soldat-tidjane-thiam/ https://mondafrique.com/politique/cote-divoire-il-faut-sauver-le-soldat-tidjane-thiam/#respond Sat, 05 Apr 2025 00:43:39 +0000 https://mondafrique.com/?p=131150 Que ce soit dans l’Hexagone où il a ses entrées, particulièrement chez le président français Emmanuel Macron, ou dans son pays où ses partisans dénoncent la tenue d’un procès visant à l’évincer de son poste de président, l’objectif affiché est de sauver le soldat Tidjane Thiam. Correspondance à Abidjan, Bati Abouè Selon la dernière publication […]

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Que ce soit dans l’Hexagone où il a ses entrées, particulièrement chez le président français Emmanuel Macron, ou dans son pays où ses partisans dénoncent la tenue d’un procès visant à l’évincer de son poste de président, l’objectif affiché est de sauver le soldat Tidjane Thiam.

Correspondance à Abidjan, Bati Abouè

Selon la dernière publication d’Africa Intelligence, Emmanuel Macron serait plutôt favorable à ce que l’opposant Tidjane Thiam soit éligible à la prochaine élection présidentielle prévue le 25 octobre prochain. En fait, si le président français joue les activistes sur ce sujet, c’est bien parce que l’ancien directeur général du Crédit Suisse n’est plus ivoirien à titre exclusif au sens de l’article 55 de la constitution ivoirienne.

En 1987, Tidjane Thiam avait en effet pris la nationalité française pour avoir une carrière internationale rêvée après son passage à la prestigieuse école française de Polytechnique. Il prend alors successivement la tête de l’ex-Crédit Suisse, puis de Prudential avant de prendre, en 2020, les rênes du Conseil d’administration du Rwanda Limited, une agence gouvernementale chargée du développement et de la promotion du Kigali International Financial Centre (KIFC).

Ce n’est qu’en 2023 qu’il revient en Côte d’Ivoire. C’est aussi cette année-là que Tidjane Thiam prend la tête du Parti démocratique de Côte d’Ivoire, le principal parti d’opposition, à la mort de son chef Konan Bédié le 2 août. Mais après un an d’exercice, l’opposant a été finalement rattrapé par sa nationalité française. Alors en février 2025, il annonçait une procédure de renoncement pour redevenir exclusivement ivoirien.

En mars, il perd en effet la nationalité française mais doit, pour être à nouveau ivoirien à titre exclusif, faire une demande en réintégration de la nationalité ivoirienne dont l’issue dépend d’Alassane Ouattara qui a d’ores et déjà écarté Laurent Gbagbo en tirant profit de ses démêlées judiciaires et en refusant de lui faire bénéficier une loi d’amnistie.

Un aveu de non validité

Mais pour Tidjane Thiam, la procédure de renoncement à la nationalité française engagée dès le 7 février 2025 sonne comme un aveu que son élection à la présidence du PDCI n’a pas respecté les statuts et règlements qui commandent que le candidat à la présidence du parti soit tout aussi ivoirien à titre exclusif. Ce qui n’était pas le cas de Thiam en 2023.

Ainsi, pour revenir dans le jeu, le président du PDCI choisit de compter sur les pressions extérieures et notamment celles d’Emmanuel Macron avec qui Tidjane Thiam aurait un profond lien d’amitié. Selon Africa Intelligence, le président français aurait néanmoins pris soin de ne pas évoquer le sujet Thiam lors de ses échanges avec le président ivoirien Alassane Ouattara qui est revenu, il y a seulement quelques jours, de son dernier séjour parisien.

En revanche, il préfère s’appuyer sur la médiation de l’ancien président sénégalais Macky Sall pour que Tidjane Thiam puisse candidater lors de la prochaine élection présidentielle prévue pour le 25 octobre. Le sénégalais ne manque pas d’arguments. Outre la vive tension qui règne en Côte d’Ivoire autour du processus électoral, la damnation de l’ex-directeur général du Crédit Suisse ne ferait que ressortir l’hydre de l’ivoirité qui avait autrefois justifié, au début des années 2000, une guerre civile entre les partisans d’Alassane Ouattara et ceux de Laurent Gbagbo, puis une crise postélectorale meurtrière qui a officiellement causé la mort de 3000 personnes.

La gêne du président Ouattara

Alors le 28 mars, l’ancien président sénégalais se serait discrètement rendu dans la résidence d’Alassane Ouattara à Mougins (Alpes-Maritimes) pour évoquer ce sujet avec lui. Mais selon Africa Intelligence, les demandes de Macron auraient causé une certaine gêne chez Alassane Ouattara qui ne voudrait pas d’immixtions extérieures concernant le cas de Tidjane Thiam. En atteste son agacement lorsque Nicolas Sarkozy son ami de plus de trente ans avait évoqué la situation électorale de l’ancien patron du Crédit suisse.

Mais Tidjane Thiam s’active également dans son pays et, particulièrement à l’intérieur de son parti, pour tenter de contrecarrer la procédure visant l’invalidation de son élection à la présidence du PDCI. En effet, Valérie Yapo, une militante qui occupe le poste de déléguée communale d’Adzopé, à 104 km d’Abidjan, a porté plainte contre Tidjane Thiam pour sa double nationalité au moment de prendre la tête du parti. La loi n’étant pas rétroactive, elle a demandé au tribunal de le suspendre et de mettre le parti sous administration provisoire.

Le PDCI crie à la manipulation

Face à cette requête, le PDCI crie à la manipulation. Tous les organes du parti ont à cet effet multiplié des déclarations de soutien à Tidjane Thiam qui assure bénéficier de plus de 90% de soutien en interne. Mais ce procès représente une réelle menace pour le président du PDCI à quelques jours de la tenue du bureau politique chargé de choisir la date de la convention qui, elle, doit désigner le candidat du parti à l’élection présidentielle.

D’autant que son rival, Jean-Louis Billon, député du PDCI et homme d’affaires réputé est également candidat à ladite convention. Et selon toute vraisemblance, une chute « judiciaire » de Tidjane Thiam lui profiterait. Pour éviter une telle issue, la direction tente de politiser le procès. Une telle stratégie permet de mettre la pression sur les juges. D’ailleurs le jour du procès, un groupe de députés PDCI, écharpe de députés en évidence, ont tenté de rallier à la marche le palais de justice d’Abidjan où se tenait à huis-clos l’audience. Bloqués par la police, ils ont dénoncé une atteinte grave à la démocratie avant de remercier la centaine de militants venus soutenir les avocats du parti.

La décision du tribunal est attendue pour le vendredi 11 avril prochain. En attendant, le PDCI est dans l’expectative. Officiellement, la réunion du bureau politique est maintenue au 5 avril. Mais il y a quelques jours, la direction avait choisi d’avancer au 3 avril. Signe d’une certaine panique.

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Alain Claude Bilie By Nzé, le tribun qui défie Oligui Nguema https://mondafrique.com/politique/alain-claude-bilie-by-nze-le-tribun-qui-defie-oligui-nguema/ https://mondafrique.com/politique/alain-claude-bilie-by-nze-le-tribun-qui-defie-oligui-nguema/#respond Wed, 02 Apr 2025 17:30:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=130964 Dernier Premier ministre d’Ali Bongo, Alain Claude Bilie By Nzé, 57 ans, est candidat à la présidence de la République gabonaise dans un scrutin prévu le 12 avril 2025 et qui s’annonce déjà comme un duel entre lui et le général Brice Oligui Nguema. Jocksy Andrew Ondo-Louemba C’est la dernière marche, et Alain Claude Bilie […]

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Dernier Premier ministre d’Ali Bongo, Alain Claude Bilie By Nzé, 57 ans, est candidat à la présidence de la République gabonaise dans un scrutin prévu le 12 avril 2025 et qui s’annonce déjà comme un duel entre lui et le général Brice Oligui Nguema.

Jocksy Andrew Ondo-Louemba

C’est la dernière marche, et Alain Claude Bilie By Nzé se voit bien la franchir. Candidat à l’élection présidentielle du 12 avril prochain, il ambitionne de renverser Brice Oligui Nguema dans un scrutin qui s’apparente à un face-à-face entre le dernier Premier ministre et le dernier commandant de la Garde républicaine d’Ali Bongo.

Pourtant, peu après le coup d’État qui a renversé Ali Bongo et qui a été mené par Brice Oligui Nguema, « les nouvelles autorités » avaient proposé à Alain Claude Bilie By Nzé de reprendre du service comme premier ministre, ce qu’il avait refusé. Après avoir été « convié » le 4 septembre 2023 à la prestation de serment du nouveau maître du Gabon, où il avait dû accéder à pied au palais présidentiel sous les huées et les quolibets de la foule, Alain Claude Bilie By Nzé a progressivement occupé la place d’une opposition laissée vacante par toute une classe politique trop occupée à participer au nouveau régime.

Opposant principal à Brice Oligui Nguema
Pourfendeur de Brice Oligui Nguema et de sa junte militaire, le CTRI, Alain Claude Bilie By Nzé a été le seul à ne pas vouer aux gémonies Ali Bongo, dont même les plus proches collaborateurs de l’époque ne prononcent plus le nom aujourd’hui. Admettant les erreurs de l’ancien régime, il n’a jamais hésité à rappeler les liens que le nouveau maître du pays entretenait avec ce dernier.

Orateur redoutable, Alain Claude Bilie By Nzé assume pleinement son rôle et ses déclarations passées, notamment la célèbre phrase prononcée à l’Assemblée nationale du Gabon en 2022 : « Le PDG au pouvoir n’a pas l’intention de vous passer le relais », qu’il justifie encore aujourd’hui : « Dans une course de relais, le témoin ne se transmet qu’entre membres d’une même équipe, jamais à une équipe adverse. Or, ce qui s’est passé, c’est que le relais a été arraché par celui qui était chargé d’assurer la sécurité de la course. »

Dans un livre publié en septembre 2024, Alain Claude Bilie By Nzé dénonçait «une occupation contre laquelle il faut résister» et « la pensée unique » imposée par le nouveau régime, tout en appelant Brice Oligui Nguema à respecter sa promesse de rendre le pouvoir aux civils : « Tenez parole », lui avait-il lancé.

Animal politique
Né le 16 septembre 1967 à Makokou, dans le nord-est du Gabon, Alain Claude Bilie By Nzé est un animal politique au parcours complexe. Enfant de troupe, passé par l’École supérieure des cadets de police (ESCAP), il fonde, lorsqu’il est étudiant à l’université de Libreville, un syndicat estudiantin qui lui vaut son exclusion des universités lors de la crise post-électorale qui s’étend jusqu’en 1994. Après son exclusion, il enchaîne divers emplois, de pompiste à animateur radio, en passant par clerc de notaire.

Toujours engagé en politique, il se rapproche de Paul Mba Abessole, farouche opposant à Omar Bongo au début des années 1990. Il intègre ensuite l’équipe de communication de l’opposant historique à la mairie de Libreville, avant de devenir ministre délégué sur décision d’Omar Bongo.

Après un séjour en prison, Alain Claude Bilie By Nzé rebondit au Parlement, puis devient ministre presque sans discontinuer sous Ali Bongo, qui arrive à la tête du Gabon en septembre 2009.

Si, au vu du processus électoral et des acteurs en présence, Brice Oligui Nguema est assuré d’être déclaré vainqueur de l’élection présidentielle à venir, nul ne peut garantir que le scrutin se déroulera sans accroc.

Homme aguerri et tribun redoutable, Alain Claude Bilie By Nzé pourrait bien créer la surprise…

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Mezri Haddad: « J’accuse Kaïs Saïed de Haute Trahison » https://mondafrique.com/politique/mezri-haddad-jaccuse-kais-saied-de-haute-trahison/ https://mondafrique.com/politique/mezri-haddad-jaccuse-kais-saied-de-haute-trahison/#respond Wed, 02 Apr 2025 15:17:28 +0000 https://mondafrique.com/?p=130991 Figure inclassable de l’élite politique et intellectuelle tunisienne, philosophe de formation, souverainiste et plus exactement bourguibiste de conviction, Mezri Haddad est l’un des rares survivants politique de l’ère Ben Ali. Violemment stigmatisé à la chute du régime pour avoir traité les manifestants de « hordes fanatisées » et la révolution tunisienne « d’imposture islamo-atlantiste qui […]

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Figure inclassable de l’élite politique et intellectuelle tunisienne, philosophe de formation, souverainiste et plus exactement bourguibiste de conviction, Mezri Haddad est l’un des rares survivants politique de l’ère Ben Ali. Violemment stigmatisé à la chute du régime pour avoir traité les manifestants de « hordes fanatisées » et la révolution tunisienne « d’imposture islamo-atlantiste qui mènera le pays à la ruine » (c’était le 12 janvier 2011 sur BFM-TV avec Jean-Jacques Bourdin), il suscite depuis quelques années auprès de ses compatriotes sinon l’admiration, du moins le respect. Ses atouts majeurs, la franchise et surtout la hauteur de vues.

Il y a deux ans, à l’occasion de la sortie de son livre sur le conflit russo-ukrainien, Imed Bahri de Kapitalis l’a surnommé « le Cassandre tunisien », en précisant : « quoi qu’on puisse penser de lui, de ses positions politiques, de son parcours sinueux et complexe d’opposant au régime à allié de Ben Ali, il faut reconnaitre que l’Histoire lui a souvent donné raison ».

C’est en cela que sa parole est minutieusement suivie aussi bien par ses fervents supporters que par ses ennemis politiques. En exclusivité pour Mondafrique dans un entretien avec Nicolas Beau, il sort de son silence pour faire au scalp l’anatomie du régime actuel.

« je déclare la guerre politique et médiatique à cette canaille présidentielle qu’un caprice de l’histoire a placé à la tête du pays ». Mezri Haddad

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Mondafrique. Vous avez récemment écrit sur votre page Facebook au sujet du président Kaïs Saïed : « je déclare la guerre politique et médiatique à cette canaille présidentielle qu’un caprice de l’histoire a placé à la tête du pays ». Cette déclaration n’est pas passée inaperçue. Que s’est-il donc produit pour tenir de tels propos et avec une telle violence d’autant plus que vous l’aviez plutôt défendu au départ ?

Mezri Haddad. La coupe est bien pleine et il y a des limites au-delà desquelles le silence n’est plus possible, sauf à faire preuve d’indifférence à l’égard d’un pays en décomposition accélérée et d’un peuple exténué dont la moitié vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté, statistiques à l’appui. Vous avez raison, en 2019, j’ai défendu et soutenu la candidature de Kaïs Saïed contre celui que j’ai appelé le Zelensky tunisien, un certain Nabil Karoui, affairiste véreux qui espérait succéder au président assassiné, Béji Caïd Essebsi. Sans trop m’étaler sur la face cachée de son élection, fortement soutenu qu’il était par les islamistes, par le régime iranien et par certains lobbys américains de la mouvance démocrate -ce que j’ignorai à l’époque- ,j’ai considéré que mieux valait au pays un juriste universitaire qu’un saltimbanque de télévision.

Je l’ai également soutenu le 25 juillet 2021, lorsqu’il a décidé de mettre fin à dix longues années de destruction massive et programmatique du pays indistinctement menée par Ennahdha, le CPR, Nidaa Tounès, …et une multitude de staliniens, de droit-de-l’hommistes, de syndicalistes, de révolutionnaires de pacotille.

Connaissant ses états de service au sein du RCD à l’époque de Ben Ali et ses fatwa constitutionnelles et télévisuelles après sa chute, j’ai naturellement pensé qu’il allait débrasser la Tunisie de toutes ces scories politiciennes, qu’il allait stopper le délire révolutionnaire, s’entourer de compétences pour redresser une économie déjà en berne, et surtout pour rétablir la Souveraineté pleine et entière de la Tunisie.  

Mais je me suis assez rapidement rendu compte qu’il n’était pas du tout à la hauteur de la situation, ni des attentes réelles d’un peuple revenu de ses illusions révolutionnaires. Plutôt que de réparer un pays complètement bousillé par 8 années d’infantilisme pseudo-révolutionnaire, de persiflage politicien, d’amateurisme économique, de corruption et pillage systémique…Kaïs Saïed et ses mini-ministres interchangeables n’ont fait qu’aggraver la situation.  

Mondafrique  Serait-ce par hasard les mises en garde de la nouvelle équipe au pouvoir à Washington et dernièrement de Donald Trump en personne à l’occasion de la désignation du nouvel Ambassadeur américain à Tunis qui vous ont alerté?

Le nouvel ambassadeur américain Bill Bazzi met la Tunisie sous pression

Même si j’entretiens de bonnes relations avec certains proches de Donald Trump depuis 2017, voire avant son élection à l’époque, et que mon centre CIGPA a été le premier think tank à organiser, le 25 mars 2017, le premier colloque sur « Le rapprochement russo-américain et ses conséquences politiques et géopolitiques sur l’Europe et le Monde Arabe », je compte beaucoup plus d’amis à Moscou qu’à Washington !

Votre question serait donc utile et légitime si vous la posiez à un autre parmi la myriade d’opposants en pleine effervescence ces derniers mois. Ceux-là savent plier l’échine lorsqu’il s’agit de casting pour dégommer un président et occuper sa place. Je ne mange pas de ce pain et depuis 40 ans de vie politique, j’ai toujours considéré que les problèmes de mon pays doivent être et demeurer tuniso-tunisiens.

Mondafrique. Qu’est-ce qui a rempli la coupe pour la faire déborder récemment ?J

M.H Des signes avant-coureurs et qui ne trompent personne. Premièrement, le choix, par Kaïs Saïed, des responsables à tous les niveaux, du chef de gouvernement au simple PDG d’entreprise publique, en passant par les ministres, les conseillers au palais, les gouverneurs, les directeurs dans la haute administration…A quelques rares exceptions, ces gens n’avaient aucune expérience, ni la compétence minimale, ni pour certains les moindres diplômes requis pour occuper de telles fonctions. Je ne voudrai pas citer des noms ici, mais la liste est longue et édifiante. E

n 31 ans de règne accomplissant une œuvre titanesque, Bourguiba n’a eu que quatre Premier-ministres, outre le multi-ministre Ahmed Ben Salah : Béhi Lafgham, Hédi Nouira, Mohamed Mzali et Rachid Sfar. En 23 ans de redressement économique et de réformes diverses, Ben Ali en a eu trois : Hédi Baccouche, Hamed Karoui et Mohamed Ghannouchi.

En seulement 6 ans, Kaïs Saïed en a usé et abusé de six chefs de gouvernement, tous aussi profanes en politique et médiocres que lui, à l’exception du premier qui n’a duré que six mois. Ces choix n’étaient pas accidentels mais délibérés. Nommer un second insignifiant de manière qu’il ne puisse jamais lui faire de l’ombre, ensuite le chasser comme un malpropre. S’il voulait réellement sauver la Tunisie du naufrage économique, pourquoi n’a-t-il pas fait appel aux grandes compétences du pays, notamment Mondher Zenaïdi, Taoufik Baccar, Ahmed Friâ, Hathem Ben Salem…pour ne citer que ceux-là ?      

Mondafrique. Que pensez vous de la nouvelle constitution?

M.H. Dans son contenu et dans sa forme, ce texte est une insulte à l’intelligence tunisienne. J’étais personnellement pour l’abolition de la « constitution Feldman », comme je l’ai appelé dès janvier 2014 par allusion à Noah Raam Feldman, un juriste américain islamo-progressiste ayant déjà fait ses premiers pas de constitutionnalisme expérimental en Irak et en Afghanistan. Par dignité nationale autant que par réalisme juridique, cette constitution d’importation, validée par une ANC tragi-comique, devait impérativement être abolie. Mais en aucun cas être remplacée par un torchon constitutionnel, hâtivement rédigé au coin d’une table d’examen d’un étudiant en première année de droit. Torchon constitutionnel à des années lumières de la constitution de 1861 sous Sadok Bey, et à plus forte raison de la constitution de 1959, celle des pères fondateurs de la République au premier rang desquels Habib Bourguiba. Je l’ai dit en pleine hystérie révolutionnaire (mars 2011), ne touchez pas à la constitution originelle du pays, un simple toilettage constitutionnel suffirait, notamment la suppression de l’article relatif à la présidence à vie qui était de jure et de facto caduc déjà sous Ben Ali.

 J’ai factuellement constaté que Kaïs Saïed éprouve et cultive une haine pathologique à l’égard de Bourguiba et de tous les grands ministres de l’ère postcoloniale. C’est que l’actuel usurpateur de Carthage se prend pour un philosophe-roi, un chef inégalable, depuis Hannibal jusqu’à Ben Ali, y compris donc Bourguiba. Pourtant, il ne lui arrive pas à la cheville à tout égard : il n’a ni le charisme de Bourguiba, ni sa culture, ni son éloquence, ni ses diplômes, ni son patriotisme, ni même ses défauts. Cette détestation du Père de la Nation, dissimulée sous le couvert d’une empathie fallacieuse à l’égard de certains Beys ainsi que de l’image mythologique de Salah Ben Youssef tout aussi trompeuse, recèle en réalité un mépris total de l’Indépendance. Dans quel autre pays du monde la fête de l’indépendance est-elle considérée comme un non-événement indigne d’être célébré si ce n’est comme gloire historique, du moins comme narratif national ? Le 20 mars 1956 est occulté, pour ne pas dire refoulé, par Kaïs Saïed, avec l’acquiescement de notre armée nationale !      

« La dernière goutte qui a fait déborder le vase de l’indignation, ce fut la vague d’arrestations arbitraires d’opposants politiques, d’hommes d’affaires, de journalistes : la chasse aux Tunisiens dans certaines capitales européennes ».

Sans parler des compatriotes pourchassés qui ont risqué leur vie en Méditerranée à la recherche d’un eldorado chimérique, fuyant un pays sans horizon et sans le moindre espoir. Que l’on expulse des Tunisiens au séjour irrégulier et au casier judiciaire chargé, cela se comprend et se justifie. Mais que l’on pourchasse des compatriotes qui sont en Europe depuis plus de dix ans, qui y travaillent sous contrat, qui n’ont jamais fait de mal à personne et qui ont même fondé une famille, cela est d’autant plus abjecte que les pays concernés se gargarisent d’humanisme et de respect des droits de l’homme. Aucun Tunisien ne peut accepter un tel traitement inhumain infligé à ses compatriotes. Aucun, à l’exception de celui qui est censé défendre leur dignité à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, à savoir Kaïs Saïed.

Mondafrique. Cette vague d’expulsion que vous appelez chasse aux Tunisiens est conforme aux lois en vigueur dans ces pays, qui plus est avec l’accord des autorités tunisiennes ?

M.H C’est précisément là que le bât blesse. Primo, sur le respect des lois, il y a plusieurs cas où des juges sont allés à l’encontre d’arrêtés préfectoraux, ce qui n’a pas empêché les forces de police de les embarquer contre leur gré. En Italie, des vidéos montrent que les Tunisiens qui résistent sont enchaînés des mains aux pieds et, selon plusieurs témoignages, certains ont été carrément endormis et se sont réveillés à l’aéroport de Tabarka. Secundo et c’est le plus grave à mes yeux, l’accord des autorités tunisiennes auquel vous faites allusion est moralement illégitime et juridiquement illégal. Il a été conclu en catimini entre celui qui fait office de président de la République et Giorgia Meloni. Les deux rares personnalités politiques qui ont osé dénoncer publiquement cet accord sont depuis en prison, Abir Moussi et le médecin Lotfi Mraïhi. Les zélotes du dictateur assurent que leur idole n’y est pour rien, que les accords en question remontent à l’époque de Moncef Marzouki puis de Béji Caïd Essebsi, mais les faits sont têtus.

Mondafrique. Vous voulez dire que le président Saïed assume seul l’engagement de la Tunisie de récupérer ses propres migrants clandestins ?  

M.H. Non, bien évidemment. Il est vrai qu’en avril 2011, BCE a signé un mémorandum avec Silvio Berlusconi et son ministre de l’Intérieur, Roberto Maroni, lors de leur déplacement à Tunis, document bilatéral dans lequel la Tunisie acceptait le rapatriement des immigrés irréguliers qui ont envahi Lampedusa à la suite du coup d’Etat du 14 janvier 2011 et de la déstabilisation criminelle de la Libye. D’après les statistiques du ministère de l’Intérieur tunisien, 4 453 Tunisiens ont ainsi été expulsés d’Italie en 2011 et 1 837, du 1er janvier au 31 août 2012. Durant sa présidence, Marzouki a poursuivi cette politique en acceptant d’ailleurs son élargissement à la France. Sous la présidence de BCE, un Mémorandum d’entente a été signé à Rome le 9 février 2017, qui stipulait déjà le rapatriement des clandestins tunisiens en échange de 165,5 millions d’euros dont la moitié sous forme de crédits.

Les défenseurs de Kaïs Saïed n’ont donc pas tort lorsqu’ils accusent Moncef Marzouki et Béji Caïd Essebsi ?

Ils ont tort car les engagements de BCE et Marzouki sont sans commune mesure avec les concessions de Kaïs Saïed à la suite du harcèlement séducteur de Meloni. Déjà du temps de Mario Draghi, le mémorandum du 9 février 2017 a été abrogé le 16 juin 2021 à Rome et il a été remplacé par un autre Mémorandum pour la coopération au développement pour la période 2021-2023, moyennant l’octroi d’une enveloppe de 200 millions d’euros, dont 150 à titre de crédit et 50 à titre de don. Deux ans après l’arrivée de Meloni au pouvoir, en octobre 2022, les chiffres des migrants clandestins en 2024 donc ont baissé de 65% par rapport à la même période (2023). De 115 000 migrants essentiellement Tunisiens et Subsahariens, on est tombé à 40 000. C’est la conséquence directe de l’accord entre l’héritière de Mussolini et l’héritier sans héritage de Sadok Bey ! Selon Le Monde, le 17 avril 2024, Meloni s’est rendue à Tunis « avant de s’envoler pour la réunion du Conseil européen à Bruxelles. Elle en a profité pour annoncer plusieurs protocoles de coopération : un soutien direct d’une valeur de 50 millions d’euros au budget de l’Etat tunisien… et une ligne de crédit de 55 millions d’euros ». Toujours selon le quotidien français, « Giorgia Meloni n’a pas manqué lors de son discours de « remercier encore une fois les autorités tunisiennes » pour le travail effectué et de se féliciter des résultats de l’accord de « partenariat stratégique complet » signé, sous ses auspices, par l’Union européenne et la Tunisie, le 16 juillet 2023 ». Pour l’anecdote, le 16 juillet 2023 était un dimanche, mais pour Meloni, Ursula von der Leyen et le premier-ministre néerlandais, Mark Rutte, ce déplacement urgent à Carthage, le second après celui du 11 juillet, valait bien la peine ! Ainsi, Meloni ne s’est pas contentée d’imposer ses conditions dans un précédent accord bilatéral entre Rome et Tunis, elle a pu convaincre Kaïs Saïed de l’élargir à l’ensemble de l’espace Schengen ; elle a partagé sa prise de guerre avec ses amis européens, ce qui était astucieux pour dédiaboliser son image de néofasciste. 

En d’autres termes, pour 105 millions d’euros dont la moitié est un crédit, Kaïs Saïed a bradé à vil prix la Souveraineté du pays. Je parle de Souveraineté car, dans sa face cachée, ce « partenariat stratégique » ne se limitait pas uniquement au rapatriement des Tunisiens clandestins mais transformait le pays en chien de garde des frontières européennes. Pire que cette mission affligeante de gardiennage, la Tunisie doit, en effet, contenir et maintenir sur son sol l’invasion Subsaharienne, aussi bien celle qui arrive de nos frontières terrestres que celle dont notre marine est chargée d’interpeller en Méditerranée pour ramener toutes ces embarcations de fortune vers la Tunisie.  

Mondafrique. Quel est donc l’intérêt de Kaïs Saïed dans cette affaire ? Il a au contraire tout à perdre. Il a fait du souverainisme l’axe central de sa politique et il sait parfaitement que l’expulsion des sans-papiers Tunisiens d’une part et l’accueil des Africains d’autre part vont le rendre très impopulaire en Tunisie, ce qui fragiliserait davantage la stabilité du pays.     

D’abord, il n’a pas fait du souverainisme l’axe central de sa politique mais l’épine dorsale de sa rhétorique populiste. Kaïs Saïed s’en fout de l’opinion publique, il est persuadé à juste titre que sa longévité au pouvoir ne dépend pas des Tunisiens mais de l’Occident. Ses ennemis politiques qui convoitent son fauteuil savent aussi que la partie se joue à l’étranger plus qu’à l’intérieur du pays. C’est une réalité amère que le séisme politique de janvier 2011 a imposé à la défunte Tunisie. Je veux dire par là que le pouvoir illégitime de Kaïs Saïed -illégitime compte tenu de la mascarade électorale d’octobre 2024 de laquelle il a exclu tous ses concurrents, des plus crédibles aux plus folkloriques- tient à un fil, ou plutôt à un coup de fil d’une capitale européenne et à plus forte raison de Washington. Si loufoque et autocratique soit-il, son régime arrange bien certains pays européens qui ne trouveront pas meilleure sentinelle pour leurs frontières. Il sait que c’est à cela, rien qu’à cela que tient son pouvoir reconduit avec 90,7% des « suffrages exprimés » et un taux de participation de 28,8%, soit 2,4 millions d’électeurs sur près de 10 millions d’inscrits.

Malgré ses homélies pseudo-souverainistes et ses interminables monologues devant des conseils des ministres studieux et scolaires, ou des conseils de sécurité nationale en présence de trois hauts gradés dont les décorations alourdissent les épaulettes mais pas assez la Conscience Nationale, j’accuse clairement Kaïs Saïed de haute trahison. Si le 12 mai 1881 à Ksar Saïd, Sadok Bey a signé le traité du protectorat le pistolet du général Bréart pointé sur la tempe, Kaïs Saïed a ratifié son équivalent avec l’Italie et l’UE dans la gaieté et sans forcer sa nature. Cette délocalisation de Lampedusa vers Sfax, jadis haut lieu de la résistance anticoloniale, avec la certitude matérielle que les populations allogènes africaines sont amenées à se dissoudre durablement dans la société et le paysage sociologique tunisien, constitue et caractérise juridiquement la qualification de haute trahison. Il y a deux ans, sur Open Box TV, Alain Juillet, l’ancien patron de la DGSE déclarait que « Melonie contrôle maintenant la Tunisie ». Victoire posthume de Mussolini dont Meloni se réclame et qui a toujours considéré que l’Italie avait des droits historiques et préhistoriques inaliénables sur la Tunisie. Mais victoire temporaire et conjoncturelle car l’armée nationale, dont je ne me fais aucun doute quant à la mission patriotique qui est la sienne, ne saurait supporter longtemps cette gabegie suicidaire qui met en péril l’existence même du pays et qui piétine sa propre doctrine militaire.

N’y a-t-il pas un peu d’exagération dans ce que vous prenez pour une menace existentielle ?

Vous ne croyez pas si bien dire ! Menace existentielle est exactement l’expression que j’aurai dû employer et je n’aurais en rien exagéré. Je lis l’Histoire longue comme disait Fernand Braudel, j’observe l’histoire immédiate, j’analyse la géopolitique en gestation et je vous interroge à mon tour : combien d’Etats-Nations ont disparu ne serait-ce que depuis la fumisterie du « printemps arabes » ? La Libye, qui a subi une agression militaire, ensuite une partition en deux entités. La Syrie qui, après la résistance héroïque de ses dirigeants, de son peuple et de son armée est aujourd’hui répartie entre la Turquie et son allié stratégique Israël, sous la présidence d’un égorgeur islamiste relooké en « musulman conservateur »…Il y avait autrefois un pays qui s’appelait la Yougoslavie, où est-elle passée. De nos jours, un président américain affiche clairement son intention d’annexer le Groenland et même le Canada ! La Tunisie et pas seulement elle d’ailleurs n’est pas à l’abri de tels soubresauts dictés par un changement radical des paradigmes et des valeurs, et par une reconfiguration brutale de la carte du monde. C’est l’Afrique du Nord qui est visée, mais dans cet espace géographique et géopolitique, les maillons faibles sont la Tunisie et la Libye, déjà victime de partition.

Je m’explique. Depuis plusieurs années, un ami démographe et économiste, Gérard-François Dumont, me dit que le plus grand défi géopolitique dans l’avenir, notamment pour l’Afrique et le Maghreb, c’est ce qu’il appelle la loi du nombre. Cela fait au moins 15 ans que l’Afrique du Nord est entrée dans une phase de mutation démographique intense. Sur cette conjoncture vient se greffer une donne prospective effrayante émanant des Nations-Unies : en 2050, la population noire-africaine sera doublée pour atteindre les 2,5 milliards d’habitants. C’est essentiellement sur le Maghreb que va s’exercer cette poussée démographique et par conséquent migratoire subsaharienne. Le Maroc (près de 38 millions) et l’Algérie (46 millions) seront affectés mais pas autant que la Tunisie (12 millions) et la Libye (7 millions). L’Europe, qui est elle-même en crise démographique, fera tout pour cantonner et fixer les migrants subsahariens en Tunisie et en Libye. Si rien n’est fait pour arrêter cette tendance lourde, la démographie et la sociologie tunisienne changeraient inexorablement. Voilà pourquoi je parle effectivement de menace existentielle.

Qui en est responsable et que faire justement pour éviter ce scénario catastrophe ?

Tous les présidents et gouvernements qui se sont succédés en Tunisie depuis son effondrement en janvier 2011 jusqu’à ce jour, tous sans exception. Si le pire devait arriver en Tunisie, ce ne serait pas le début de l’aliénation mais l’aboutissement paroxystique d’une dégradation graduelle qui a commencé dès la « révolution du jasmin ». En 14 ans de République bananière, la Turquie, l’Iran et même l’émirat bédouin du Qatar se sont relayés pour se partager la dépouille tunisienne. Sur la question névralgique de l’invasion migratoire Subsaharienne et à un moment déterminant de son histoire, la Tunisie n’avait plus un pouvoir fort et stratège pour la prémunir, ni des ministres compétents, ni une diplomatie alerte et efficace pour défendre ses intérêts. Elle avait en revanche des présidents fantoches, des ministres inconsistants et des cadres nonchalants.

Vous savez, Bourguiba, qui est mon unique modèle politique, qui tutoyait l’Histoire et redoutait ses revers, répétait souvent à ses compatriotes, dont il connaissait aussi les gênes et atavismes, que l’indépendance n’est pas un acquis définitif et qu’on peut la perdre si les élites ne veillent pas à sa protection comme sur le bien le plus précieux. Voilà pourquoi, me sentant redevable à ce pays, mon devoir est de lutter contre tous ceux qui veulent le brader pour colmater les trous budgétaires et surtout pour conserver le pouvoir.

Comme au sujet de Bourguiba à l’époque, certains médias ou opposants estiment que Kaïs Saïed souffre de troubles mentaux. Cela est-il vrai ?

Même dans la maladie si maladie il y a, je n’accepte pas la comparaison entre Bourguiba et Kaïs Saïed, parce qu’il faut toujours comparer ce qui est comparable. A en croire le livre de Bernard Cohen sur Bourguiba que j’ai lu quand j’étais plus jeune (1987), le combattant suprême était à la fin de sa vie un maniaco-dépressif, la pathologie des génies ! Je n’ai pas fait des études de psychiatrie mais de philosophie pour pouvoir diagnostiquer le cas Saïed. Pour tout vous dire, je ne crois pas du tout qu’il soit réellement atteint psychologiquement. Même dans ses sorties sur l’ouragan Daniel, sur Laurel et Hardy, sur l’arbre de Noël…je n’y voyais pas de trouble mental ou cognitif mais plus simplement ses limites intellectuelles incroyablement réduites. C’est une certaine Nadia Akacha, qui était sa plus proche collaboratrice au palais, qui est à l’origine de cette rumeur devenue un secret bien gardé. Je n’y crois pas et je ne veux pas y croire car il serait dans ce cas irresponsable de ses actes, donc pénalement absous du fait même de l’abolition de son discernement.      

Dans votre livre anti-printemps arabe de 2011, vous avez fait un certain nombre de prédictions, dont l’arrivée au pouvoir d’Ennahdha, les attentats terroristes, la débâcle économique, les vagues migratoires…Mais vous avez aussi évoqué le risque d’une guerre civile. Y croyez-vous toujours ?

Oui j’y crois, aujourd’hui plus que jamais. Tous les ingrédients d’une guerre civile sont maintenant réunis. Primo, l’antagonisme et la haine de classe, dans un pays où il n’y a pourtant quasiment plus de bourgeois ni de prolétaires mais uniquement des individus atomisés et égaux devant la cherté de la vie, les pénuries, la fiscalité galopante, la corruption des fonctionnaires, les injustices des tribunaux… Secundo, le régionalisme et le tribalisme même qui secrètent la concupiscence et la discorde, ce que Bourguiba craignait le plus eu égard à sa connaissance de ce peuple et de son histoire. Tertio, l’insociabilité puisque tout ce qui constituait le lien social a été rompu : la Nation, l’histoire, l’éducation, la culture, les médias et même la religion, car de musulmans majoritairement sunnites-malékites, nous avons maintenant une communauté chiite de plus en plus visible. Quarto, la présence précisément de populations subsahariennes, venues de pays ravagés par les guerres civiles et la violence anomique. Enfin, le retour forcé au pays de 10 000 à 18 000 (premier quota) de jeunes tunisiens expulsés d’Europe dont la plupart ne vont pas manquer de se venger. La Tunisie est une poudrière qui n’attend que l’allumage de la mèche ! Pendant ce temps, l’Etat profond assiste passivement à la désintégration de l’Etat-Nation sans se douter que l’usurpateur de Carthage traite la Tunisie comme un corpus juridique, jamais comme un corps social et politique. Vendeur de fables et de sable, Kaïs Saïed sera ruiné par un coup de vent parfaitement prévisible, n’en déplaise aux pays dont il assure l’étanchéité frontalière.    

Je vois qu’il s’agit pour vous effectivement d’une déclaration de guerre. Mais dans une guerre, il faut des alliés et surtout des troupes ! Seriez-vous disposé aujourd’hui à vous réconcilier avec vos anciens adversaires qui mènent la lutte contre le régime ?

Jamais, et pour plusieurs raisons. D’abord parce que ces gens-là sont les principaux responsables de la situation actuelle. Les islamistes évidemment, mais aussi les gauchistes, certains naufragés de Nidaa Tounès, du CPR, d’Etttakatol, de l’UGTT…Ils ont tous commis des crimes abominables, inoubliables et impardonnables à l’égard du peuple tunisien. La décennie noire n’est pas une fiction mais une vérité. Ensuite parce que je n’ai besoin ni de troupes ni encore moins d’alliés pour mener solitairement mon combat. Et pour cause, je ne prétends à aucune carrière politique et je n’aspire à aucune fonction. J’ai 64 ans et lorsque je regarde les années écoulées, je suis en paix avec ma conscience, ma patrie et ma foi en Dieu. Un seul cauchemar trouble mon sommeil et mon réveil : l’avenir de la Tunisie et le destin des futures générations.

Après l’éclipse de ce régime autocratique et népotique, l’abolition du torchon constitutionnel vaguement schmittien, le rétablissement de la Constitution des pères fondateurs, ainsi que l’organisation par l’armée de nouvelles élections législatives et présidentielles, mon dernier acte politique, si Dieu me prête vie, se limiterait à la consigne de vote que je donnerai en faveur du candidat ou de la candidate qui serait à la hauteur des espérances de ce pauvre peuple paupérisé et bientôt affamé ; candidat qui pourrait, par son charisme et sa clairvoyance, restaurer la noblesse de la politique et le prestige de l’Etat, auprès des Tunisiens comme des pays étrangers, qu’ils soient « frères », amis ou ennemis, arabes ou occidentaux. Résister, ce que je fais depuis bientôt 40 ans, c’est à la fois mon choix, mon sacerdoce et mon destin, mon Maktoub comme on dit en Tunisie.

       

 

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Mamadi Doumbouya bafoue la justice guinéenne https://mondafrique.com/a-la-une/mamadi-doumbouya-bafoue-la-justice-guineenne/ https://mondafrique.com/a-la-une/mamadi-doumbouya-bafoue-la-justice-guineenne/#respond Tue, 01 Apr 2025 04:26:43 +0000 https://mondafrique.com/?p=130819 Le 28 mars, Mamadi Doumbouya le chef de la junte guinéenne, a gracié l’ancien putschiste Dadis Camara condamné à 20 ans de prison dans le procès du massacre du 28 septembre 2009. Pour les victimes comme pour la magistrature ce geste de clémence, guidé par de sombres calculs politiques, fait l’effet d’un camouflet. Le procès […]

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Le 28 mars, Mamadi Doumbouya le chef de la junte guinéenne, a gracié l’ancien putschiste Dadis Camara condamné à 20 ans de prison dans le procès du massacre du 28 septembre 2009. Pour les victimes comme pour la magistrature ce geste de clémence, guidé par de sombres calculs politiques, fait l’effet d’un camouflet.

depuis le 5 septembre 2021, Mamadou Doumbouya est le Président du Comité national pour le rassemblement et le développement (CNRD), Chef de l’Etat, Chef Suprême des Armées guinéennes.  

Le procès du 28 septembre a débuté en septembre 2022 et s’est terminé en juillet 2024. Pendant deux ans le tribunal de Conakry est revenu sur ce lundi noir de 2009 où le rassemblement des opposants à la junte au pouvoir dirigée alors par Dadis Camara avait été violement réprimé.

Un procès historique et de haute tenue

Entre 150 et 200 personnes avaient été tués, de nombreux cas de viol et des disparitions avaient également été recensés. Mondafrique avait suivi ce procès qui tenait en haleine les Guinéens et qui avait été dirigé d’une main de maître par le Président Tounkara. Grâce à l’excellence des magistrats, la justice guinéenne est passée montrant en cela qu’elle n’avait rien à envier, bien au contraire, à la Cour Pénale internationale.

En graciant Dadis Camara condamné à 20 ans de prison pour crimes contre l’humanité, Mamadi Doumbouya balaie cet événement historique d’un revers de main. Il crée en outre, l’indignation et la consternation chez les victimes, L’Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme et du citoyen (OGDH) a dénoncé cette décision comme une atteinte à leur honneur et à leur dignité.

Un massacre peut en cacher un autre…

Les victimes et leurs soutiens ont d’autant plus de raisons d’être en colère qu’officiellement Dadis Camara a été gracié pour raisons médicales, or, il est apparu à la télévision en bonne forme. En réalité, en l’élargissant Mamadi Doumbouya cherche à se réconcilier avec la région de la Guinée forestière, région natale de l’ancien chef de la junte, en vue de la prochaine élection présidentielle. Une région très éprouvée par une autre tragédie. Le 1er décembre 2024, un match de foot en l’honneur de Mamadi Doumbouya est organisé dans la ville de Nzérékoré. Mais très vite, le match tourne mal, les forces de l’ordre enveniment les choses en tirant des gaz lacrymogènes créant ainsi la panique générale. Le stade ne dispose que d’une seule issue, la foule de jeunes se piétine, la police traverse le stade pour exfiltrer les officiels et roule sur les corps. Le drame fera au moins 150 victimes selon les organisations des droits de l’homme, 56 selon le gouvernement. Toutes les personnes décédées sont des jeunes des villages alentours qui avaient été transportés pour faire nombre afin de montrer la popularité du président actuel. Si cet événement a créé un choc dans toute la Guinée, les Forestiers restent particulièrement meurtris, d’autant que la Commission d’enquête promise n’a toujours pas vue le jour.

Les Forestiers ont fêté la grâce de Dadis Camara, mais cela suffira-t-il à réconcilier cette région avec Mamadi Doumbouya si la justice ne passe pas ? Il a fallu attendre treize longues années pour que les auteurs du massacre du 28 septembre 2009 soit enfin jugés. Combien en faudra-t-il pour que les responsables de celui de Nzérékoré subissent le même sort ?

 

 

 

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Les magistrats votent contre Marine le Pen jugée inéligible https://mondafrique.com/limage-du-jour/les-juges-privent-marine-le-pen/ https://mondafrique.com/limage-du-jour/les-juges-privent-marine-le-pen/#respond Tue, 01 Apr 2025 03:31:29 +0000 https://mondafrique.com/?p=130789 Le tribunal de Paris a décidé de condamner l’ancienne candidate à la présidentielle à une peine de 5 ans d’inéligibilité avec application immédiate ce lundi 31 mars.     La présidente des députés RN a été condamnée ce lundi à 5 ans d’inéligibilité avec application immédiate dans le cadre du procès des assistants parlementaires des […]

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Le tribunal de Paris a décidé de condamner l’ancienne candidate à la présidentielle à une peine de 5 ans d’inéligibilité avec application immédiate ce lundi 31 mars.
 
 

La présidente des députés RN a été condamnée ce lundi à 5 ans d’inéligibilité avec application immédiate dans le cadre du procès des assistants parlementaires des députés européens. Elle a également été condamnée à 4 ans de prison dont deux ans ferme aménagés sous bracelet.

Concrètement, cette peine signifie que Marine Le Pen reste députée mais qu’elle ne pourra pas se présenter devant le suffrage universel pendant les 5 prochaines années. Impossible donc de candidater pour redevenir parlementaire en cas de nouvelle dissolution ou de se présenter à la présidentielle de 2027.

Propulsé au tout premier rang de l’extrême droite française par la condamnation avec inéligibilité immédiate de Marine Le Pen, ce lundi 31 mars, le jeune député européen Jordan Bardella devient, sauf relaxe en deuxième instance de sa patronne, le candidat naturel du Rassemblement national (RN) à la prochaine présidentielle.

Trump/Marine Le Pen, même combat

Donald Trump a comparé lundi la condamnation de Marine Le Pen à ses propres affaires judiciaires aux Etats-Unis, estimant que l’inéligibilité pour cinq ans de la dirigeante du Rassemblement national était «une affaire très importante»«Cela fait penser à notre pays, cela ressemble beaucoup à notre pays», a déclaré Donald Trump, lui-même condamné l’an dernier dans l’affaire des paiements cachés à une actrice de films X.

L’ex-président brésilien d’extrême-droite Jair Bolsonaro (2019-2022) a dénoncé lundi une «persécution» à l’encontre de la cheffe de file de l’extrême droite française Marine Le Pen, condamnée à cinq ans d’inéligibilité avec effet immédiat pour détournement de fonds publics.

«J’espère et j’encourage Mme Le Pen à surmonter cette persécution et à se présenter à la prochaine élection présidentielle» en 2027, a écrit sur son compte X Jair Bolosonaro, lui-même condamné à une peine d’inéligibilité au Brésil.

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La diaspora turque traditionnellement en retrait se mobilise contre Erdogan https://mondafrique.com/politique/la-diaspora-turque-sorganise-en-france/ https://mondafrique.com/politique/la-diaspora-turque-sorganise-en-france/#respond Tue, 01 Apr 2025 03:20:55 +0000 https://mondafrique.com/?p=130758 Le régime d’Erdogan s’attaque désormais à Ekrem İmamoğlu, le maire d’Istanbul, en le plaçant en garde à vue aux côtés de plus d’une centaine de ses collaborateurs, d’élus et de membres de son parti, le CHP (Parti républicain du peuple). Depuis plusieurs mois, alors qu’il menait en parallèle des pourparlers avec Abdullah Öcalan, leader kurde emprisonné […]

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Le régime d’Erdogan s’attaque désormais à Ekrem İmamoğlu, le maire d’Istanbul, en le plaçant en garde à vue aux côtés de plus d’une centaine de ses collaborateurs, d’élus et de membres de son parti, le CHP (Parti républicain du peuple).

Depuis plusieurs mois, alors qu’il menait en parallèle des pourparlers avec Abdullah Öcalan, leader kurde emprisonné sur l’île d’İmralı qui a fait une déclaration historique pour la paix le 27 février 2025, le régime d’Erdogan a intensifié sa répression contre les journalistes et les élus de l’opposition (CHP et kurdes), intensifiant le climat de peur.

Les communautés turques et kurdes de France s’organisent à travers l’Hexagone. Ces derniers jours, des manifestations et des rassemblements ont eu lieu à Strasbourg, Bordeaux, Lyon et Paris pour afficher un soutien à l’opposition.

C’était dans un Paris ensoleillé qu’ont défilé ce samedi 29 mars des centaines de personnes depuis la place de la République, en soutien aux manifestations qui ont éclaté depuis maintenant plus d’une semaine en Turquie. Le 19 mars, Ekrem İmamoğlu, maire d’Istanbul et principal opposant à Erdoğan, a été arrêté pour soupçon de corruption et soutien à une organisation criminelle. Alors qu’il devait être désigné le 23 mars comme candidat officiel de son parti pour les présidentielles de 2028, celui-ci s’est vu invalider son diplôme à l’université d’Istanbul, condition pourtant nécessaire, selon la loi turque, à une future investiture. Son arrestation a suscité l’indignation dans le monde entier, et en France la diaspora turque n’a pas tardé à réagir.

“Tayyip démission”, “Erdoğan, dictateur, dégage !” scandent en chœur les manifestantsnen marche vers la Bastille. En tête du cortège, on peut lire des pancartes telles que “La voix d’Istanbul résonne à Paris” ou “Hak, Hukuk, Adalet” (le droit, les droits, la justice). Des éclats de joie résonnent dans les rues parisiennes, partout, des drapeaux turcs sont brandis et on peut apercevoir des groupes danser, en rappel aux pas exécutés lors des rassemblements à Istanbul. “ Je suis là parce que je veux essayer de sauver la démocratie turque avant que ce soit trop tard” se confie Ahmet*, l’un des nombreux étudiants venus soutenir le mouvement. Le rassemblement fait suite à l’appel de l’ACORT (Assemblée Citoyenne des Originaires de Turquie), une association de défense des droits des immigrés turcs.

En marge des manifestations à Istanbul

Ce samedi, il s’agissait de la deuxième manifestation organisée dans la capitale depuis le début des événements. Le CHP (Parti Républicain du Peuple), parti d’opposition en Turquie, dispose d’une antenne à Paris et avait déjà été à l’origine d’un rassemblement similaire la semaine précédente. “Les étudiants de la diaspora turque ont réagi très rapidement. Il y avait tout type de gens, et majoritairement des personnes qui avaient moins de 30 ans”, explique Tarik Aslanhan, directeur de la section jeune de l’antenne.En écho aux manifestations d’Istanbul, les soutiens de la diaspora semblent majoritairement être portés par la jeunesse. L’antenne parisienne du parti d’İmamoğlu aurait ainsi gagné 150 jeunes adhérents depuis de début des événements, là où ils ne représentaient jusqu’alors qu’un petit quart de leur base militante. Le CHP avait organisé le 23 mars des élections dans toute la France, pour investir İmamoğlu comme candidat officiel du parti aux prochaines élections.

Celles-ci, coordonnées avec le CHP de Turquie, n’étaient pas ouvertes aux seuls adhérents, mais à tous les citoyens turcs nationaux ou binationaux. Les bureaux de vote ont enregistré de fortes participations avec 1 100 votes à Strasbourg, 1 343 à Lyon, 624 à Bordeaux et 3 952 à Paris, villes pourtant largement acquises à Erdoğan lors des dernières élections présidentielles. “On a ouvert les locaux à 12h, on voulait fermer à 18h30, mais les gens venaient très nombreux et on n’a pu fermer qu’à 19h30”, déclare de nouveau Tarik Aslanhan.

Pour certaines personnes, tout juste âgées de 18 ou 19 ans, c’était la première fois qu’elles votaient ou participaient à une action militante. Le virage autoritaire du président Erdoğan semblerait avoir atteint un nouveau type de jeunes auparavant peu politisés ou peu concernés par les actualités turques, pour qui les événements ont été un puissant vecteur de mobilisation.

Rappelons qu’environ 50 % des électeurs d’origine turque s’étaient abstenus lors des dernières élections opposant le parti d’İmamoğlu à celui d’Erdoğan. “Il y a eu une grande spontanéité chez les jeunes, à l’image de ce qu’il se passe en Turquie, on peut remarquer la présence d’une jeunesse instruite et éduquée, qui semblait jusque-là désabusée par une situation politique immuable. Ce qui se passe est porteur d’espoir, je n’ai pas senti les jeunes résignés, au  contraire”, confie Pascal Torre, professeur à Sciences Po et président de l’association France Kurdistan.

Les citadins éduqués majoritaires

Pourtant, au-delà de l’illusion d’unité que peuvent laisser les manifestations de ces derniers jours, les mouvements de protestation en France sont majoritairement portés par une jeunesse turque citadine et étudiante. Dans un pays où Erdoğan est encore majoritaire, les associations peinent à mobiliser la jeunesse française issue de l’immigration turque. La plupart des jeunes impliqués sont en réalité issus de familles aisées, ont grandi en Turquie, et résident en France dans le cadre de leurs études supérieures. Ayant émigré en France il y a quelques années ou parfois depuis quelques semaines, ceux-ci disposent encore de forts liens avec la Turquie.

“J’ai croisé beaucoup d’étudiants qui étaient avec moi au lycée français d’Istanbul, ça faisait du bien de revoir du monde” s’exclame Deniz*, qui a grandi entre la Turquie et les Etats-Unis et qui vit actuellement en France pour ses études de journalisme.Esrin* a grandi à Istanbul et fait des études de droit à Paris. Elle s’est rendue aux deux manifestations et explique avoir principalement vu des jeunes arrivés tout droit de Turquie, souvent des mêmes lycées ou universités que les manifestants à Istanbul. Il n’existe en réalité que très peu de lien entre la jeunesse turque en France et la jeunesse originaire de Turquie. Esrin explique ne jamais en avoir fréquenté ou rencontré dans son université. Un important fossé social et culturel sépare ces deux jeunesses. Selon une étude de l’INSEE datée de 2023, les personnes issues de l’immigration turque feraient partie des origines qui feraient le moins d’étude supérieures en France.

Une diaspora très fragmentée

En 1965, la France signait une convention bilatérale de libre circulation de la main d’œuvre avec Ankara. Des travailleurs turcs sont alors recrutés par l’Office National de l’Immigration pour être dirigés dans les secteurs du bois, de la métallurgie, du bâtiment, de la confection etdu cuir.

Le premier flux migratoire de Turquie vers la France s’étend ainsi jusque dans les années 70 et se caractérise par la venue d’ouvriers pas ou peu qualifiés de milieux modestes originaires des zones rurales du centre de la Turquie. À partir de 1973 et du premier choc pétrolier, la crise économique retarde leur retour. Elle se soldera par un second flux migratoire caractérisé par le regroupement familial et l’immigration clandestine.

Depuis les années 80 et le coup d’Etat militaire qui frappe la Turquie, de nombreux opposants civils font le choix derejoindre l’Europe, en grande partie des réfugiés politiques kurdes. Depuis les années 90, les Turcs qui font le choix de s’installer en France sont bien souvent issus de classes plus élevées, proches des milieux intellectuels et universitaires.

Les Turcs et les Kurdes originaires de Turquie représentent donc un agrégat de communautés hétéroclites, tant sur le plan religieux (Alévis, Sunnites), culturel (Kurdes, Turcs, Assyriens, Arméniens, Grecs), que dans leurs origines sociales. Les mouvements de soutien au maire d’Istanbul sont loin de représenter une diaspora turque soudée et homogène. Lors des dernières élections en 2023, le parti présidentiel avait d’ailleurs remporté 64,8 % des voix dans l’hexagone contre 33,6 % pour la coalition de l’opposition, faisant de la France, l’un des pays européens rassemblant le plus de soutiens pour Erdoğan.

Ces votes pouvaient en partie s’expliquer par l’origine sociale et géographique des Turcs de France. Provenant majoritairement de milieux ruraux et ouvriers, où aujourd’hui le parti d’Erdoğan est fortement implanté localement, ils forment des communautés plus attachées aux valeurs conservatrices.

Ekrem İmamoğlu contesté

Malgré la coalition des différents partis de gauche représentée par İmamoğlu lors du dernier scrutin, celui-ci est bien loin de faire l’unanimité chez les opposants d’Erdoğan en France.Ava* , une jeune femme d’origine kurde, confie ne pas s’être rendue aux manifestations. “Ils ne nous soutiennent jamais…Pourquoi on irait…”. Ces dernières années les revendications du CHP, parti d’İmamoğlu, étaient, en effet, séparées des partis de la gauche kurde. Le président de l’association France-Kurdistan justifie ainsi la déception de certains Kurdes face à l’absence des forces démocratiques turques dans leurs luttes.

Ekrem İmamoğlu, issu du parti historique et laïc d’Atatürk, le même qui avait organisé des campagnes d’extermination de villages kurdes dans les années 30, est en effet loin de plaire à tout le monde. Ses positions de plus en plus libérales et conservatrices, hostiles à l’égard de l’immigration syrienne, avaient fait du bruit pendant sa campagne, si bien que de nombreux partisans kurdes issus de partis de gauche s’étaient sentis trahis.

“J’aime bien le CHP, mais je trouve qu’ils ont une veille vision de la gauche qu’ils nerenouvellent pas. Je n’adhère pas totalement, mais si on me demande, évidemment que je voterai pour eux, ils sont un moindre mal”.

Deniz Ersin n’est pas non plus une fervente supportrice d’İmamoğlu pour qui elle exprime les mêmes réserves, “Je n’ai jamais vraiment soutenu le CHP, mais il est le seul qui peut détruire Erdoğan”.

Toutefois, leur présence aux manifestations symbolise les fortes convergences entre les différents mouvements de la gauche turque depuis l’arrestation du maire d’Istanbul. Ces protestations sont en réalité l’expression d’un élan général pour la démocratie dépassant le simple soutien à İmamoğlu.

Une diaspora sous influence

Si l’AKP, le parti d’Erdoğan, fait encore de si bons scores parmi les Turcs de France, c’est aussi par sa capacité à encadrer, à distance, les diasporas turques. Comme le reporte dans ses travaux Rémi Carcéles, chercheur à l’Institut Convergences Migrations, l’AKP dispose de nombreux relais d’influence en France. On peut citer le DITIB, une organisation rattachée au Ministère Turc des Affaires Religieuses, qui organise le culte musulman des ressortissants de Turquie en France, notamment par le financement de lieux de culte, la création de centres culturels, et l’envoi d’imams détachés de l’Etat turc, formés à Ankara.

L’AKP est notamment très présent par la publication de contenu sur les réseaux sociaux à destination de la jeunesse originaire de Turquie, mais également avec des réseaux militants trèsbien structurés en Europe. Lors des dernières élections turques, le parti avait fait affréter des bus pour que les familles les plus éloignées des bureaux de vote puissent aller voter aux consulats.

La population turque est également encadrée par des réseaux de surveillance, si bien que certains devront y réfléchir à deux fois avant d’aller manifester. Pascal Torre, président de France Kurdisan, lui-même arrêté puis emprisonné lors de sa dernière expédition en Turquie raconte : “L’accusation de terrorisme, elle peut très vite tomber. Il y a une source de pression réelle, notamment chez les universitaires. Ils savent très bien qui va manifester. Ils peuvent parfois menacer de couper l’assistance médicale de leur famille restée en Turquie, ou si leur famille est locataire, ils peuvent faire pression pour qu’elle quitte son logement”.

Les Loups Gris, groupe ultranationaliste et issu du MHP (parti d’action nationaliste turc), sont encore présents dans l’Hexagone, et également connus pour leurs affrontements, parfois physiques, avec les forces démocratiques turques et kurdes de France. “A Lyon, à Strasbourg et dans le Val-de-Marne, on a eu des échos par des militants proches de nous, que des personnes se réclamant des Loups Gris organisaient des tournées dans certaines cités pour empêcher les gens d’aller manifester”. 

Des mouvements soutenus par la gauche 

L’appel à manifester de ce samedi lancé par l’association de l’ACORT était en réalité sous l’égide de plusieurs partis et collectifs de gauche, avec environ plus d’une cinquantaine de signataires. Dans la marche, on pouvait apercevoir le Parti socialiste, le Mouvement pour une alternative de Gauche Écologiste et Solidaire, les Écologistes, La France Insoumise, La Jeune Garde, NPA l’Anticapitaliste, le PCF. Il était aussi possible de remarquer le soutien de comités locaux, comme celui du 10e arrondissement, ou encore des mouvements pour les travailleurs immigrés (l’Union des Travailleurs Immigrés Tunisiens, Association des Travailleurs Maghrébins). Plusieurs élus de la mairie de Paris ont également fait l’honneur de leur présence lors du rassemblement.

Le maire d’Istanbul a par ailleurs reçu le soutien de plus d’une trentaine de maires européens dans un appel lancé par Anne Hidalgo le 25 mars. Tous appellent à la mobilisation des institutions européennes pour “garantir le respect de l’Etat de droit”. Ils demandent l’arrêt des poursuites et la libération immédiate de leur homologue turc. Il est intéressant de noter que lamajorité écrasante de ces élus est issue de partis de la gauche écologiste, socialiste ou de partis libéraux démocrates. Force est de constater que la droite française mais, plus largement, européenne est pour l’instant absente des soutiens aux forces démocratiques turques. 

Notre revue de presse internationale analyse le séisme politique turc

 

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