Amar Saidani, secrétaire général du FLN et âme damnée du président Bouteflika, a clairement mis en cause publiquement l’inamovible patron du DRS, le général Major Médiène, dit « Tewfik ». Une première en Algérie! Ces déclarations livrées au site « Tout sur l’Algérie » constituent un séisme dans le petit monde des « décideurs » algériens. Cette fois, la chape de secret, qui entoure les négociations au sein d’un pouvoir collégial, s’est fissurée. Pour combien de temps? Quand viendra la reprise an main avant les prochaines élections présidentielles ?
Un civil au poids politique incertain, du nom d’Amar Saidari, élu secrétaire général du FLN dans des conditions contestables, exige publiquement la démission du Saint patron de l’Algérie. Surnommé « Rab Dzaier » (le Dieu de l’Algérie), Tewfik est à la tête du DRS, les services secrets algériens, depuis 1990. Il est nommé à ce poste éminent alors que Kasdi Mehbah, l’ancien paton de la Sécurité Militaire algérienne sous Boumedienne, est le Premier ministre de Chadli. Depuis, Tewfik est le vrai patron de l’Algérie. Rien ne se fait sans son aval.
Son pouvoir s’est renforcé avec le retour de la paix civile à la fin des années 90. Le terrorisme devient résiduel, selon la terminologie de l’époque. C’est du grand classique, dans les régimes autoritaires les services secrets prennent le pas sur la troupe qui rentre dans ses casernes avec la fin de la guerre civile larvée qui a secoué l’Algérie. Alors que les hommes du DRS restent partout, dans toutes les structures étatiques et toutes les sociétés publiques, sans parler des collaborateurs plus ou moins volontaires. C’est là que se situe le vrai pouvoir : invisible et tentaculaire mais surtout amplifié par le mythe de la « sécurité militaire » de la grande époque.
Faiseur de rois
Ainsi en 1999, Tewfik était l’un des plus fervents soutiens de Bouteflika, alors désigné comme candidat du consensus. Ce dernier a vendu sa candidature à la présidence de la République aux généraux comme la plus efficace contre mesure pour éviter le TPI (devenu depuis CPI) de La Haye. Rappelons qu’à l’époque, ces mêmes militaires étaient tétanisés par le fameux débat sur le « qui tue qui ? », campagne médiatique relayée tant par Paris que par le Qatar avec sa fameuse (et déjà fumeuse) chaine d’information, Al-Jazeera et qui mettait en cause l’armée algérienne dans le massacre des populations civiles. Le boulet n’était pas passé très loin. Ainsi le général major Nezzar, qui vient de réagir sur son site aux propos d’Amar Saidani (voir notre alerte), a fait l’objet de plaintes pour tortures et autres joyeusetés. Un Bouteflika brillant, en sillonnant le monde et en rencontrant les puissants de la planète, avait redonné à ces galonnés une virginté.
Il est vrai que sur la scène internationale, les attentats du 11 septembre 2001 à New-York ont positionné à postériori, l’armée algérienne en precurseur de la lutte anti-terroriste. Le patron du DRS était d’ailleurs présent à Washington ce jour là et n’a pas ménagé sa peine pour aider les Américains dans leur riposte. Tewfik récompense Bouteflika en lui offrant un second mandat, en 2004, et surtout en écartant le général major Mohamed Lamari, alors chef d’Etat major, qui a commis l’erreur de croire en l’alternance et de soutenir Ali Benflis, candidat malheureux en 2004.
Contre toute logique cinq ans après, le même Tewfik fait modifier la constitution pour maintenir Bouteflika président pour un troisiéme mandat. Ce troisiéme mandat était loin d’être un long fleuve tranquille : d’énormes scandales financiers éclatent et qui d’une part mettent en cause les proches du président et d’autre part renforce le pouvoir de pression et de chantage de Tewfik. Seulement, le printemps arabe éclate et surtout les tensions aux frontières avec le Mali et la Libye (avec le pic de tension de la prise d’otages de la raffinerie d’Ain Amenas, dont on ne connait pas encore le déroulement exact), remettent au centre du pouvoir l’armée classique, la troupe, au détriment du DRS. Certains observateurs avertis présentent Tewfik comme affaibli. A quelques mois des présidentielles, son influence serait marginale. La suppression de plusieurs départements du DRS, qui passent sous la coupe du gouvernement, accréditent cette thèse. A moins qu’il ne s’agisse pour ce stratége qu’a toujours été le patron du DRS d’un recul tactique, ce qui est beaucoup plus probable.
Un duel à trois!
A l’automne dernier mais dans les coulisses du pouvoir jusqu’aux déclarations du secrétaire général du FLN, s’esquisse dès lors un duel à trois, digne de Sergio Léone, Le président, l’état-major et le DRS. Malade et fatigué, le président organise autour de lui un clan avec son frère Said comme chef de file. Ce clan, à coup de contrats, de générosités budgétaires et de promotions obtient de fait le soutient du chef d’état major devenu vice-ministre de la défense, désireux d’être du haut de ses 82 ans le seul maitre à bord, et surtout pour qui la lutte contre la corruption n’est pas une grande priorité, bien au contraire. Le clan présidentiel qui regroupe une large partie CAC 40 algérien, plus ou moins corrompu par les quinze années de pouvoir de « Boutef » désigne Amar Saidani à la tête du parti historique : le FLN.
Dans ce duel à trois, Saidani tire le premier contre le DRS, une erreur de débutant, en rappelant ce qu’il présente comme les grands échecs de Tewfik : assassinat de Boudiaf en 1992, prise d’otages de la raffinerie au début de l’année 2013. Saidani, joue son va tout, il sait qu’il n’a pas fait de grands efforts pour se tenir à l’écart de la fabuleuse manne financière. Un départ de Bouteflika lui serait fatal. Il s’attaque donc au puissantissime général Tewfik en croyant s’accorder une sorte d’assurance vie. Ces propos historiques, pense-t-il, vont le protéger.
Reconnaisson que e secrétaire général du FLN a fait certainement le buzz. Un succès bien fragile en forme de suicide politique !