Le premier ministre tunisien Habib Essid a annoncé ce lundi 2 février la composition du nouveau gouvernement. Le parti islamiste Ennahdha y obtient un ministère et trois secrétariats d’État
Ennahdha au gouvernement
Mais la grosse surprise, que tout le monde attendait ou redoutait, a résidé dans l’entrée en scène du mouvement islamiste Ennahdha en la présence de son porte-parole officiel, Zied Lâadhari, qui se voit bombardé ministre de l’Emploi et de la formation professionnelle, outre trois secrétariats d’État octroyés à des députés islamistes. Aussitôt, le député du Front populaire Ammar Amroussia a annoncé que la coalition de gauche n’accorderait pas sa confiance au nouveau gouvernement, lors du vote en séance plénière prévu pour mercredi 4 février à l’Assemblé des représentants du peuple.
S’il est évident que la tâche d’Habib Essid était tout sauf aisée, il semble également évident qu’il a fait le choix de se passer du soutien d’un Front populaire sans doute trop ancré à gauche pour lui et sa future équipe gouvernementale. Sans oublier le fait que le Front continue à réclamer que toute la lumière soit faite sur les assassinats de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, abattus en 2013 par des djihadistes que tout le monde soupçonne d’accointances avec Ennahdha. Trop remuant, trop revendicatif, trop intransigeant, le Front populaire s’est vu évincé d’une équipe dont l’orientation néolibérale, rebaptisée « pragmatisme » ici comme ailleurs, ne fait pas l’ombre d’un doute.
En accordant ainsi des portefeuilles au parti Ennahdha, Habib Essid espère qu’il appuiera sa proposition de gouvernement lors de la séance du vote de confiance de mercredi prochain, se défaisant ainsi de la menace de la minorité de blocage que les islamistes, qui comptent 69 députés à l’Assemblée, n’ont eu de cesse de brandir. Mais en voulant calmer et satisfaire Ennahdha, le Premier ministre s’est vu dans l’obligation de revenir sur l’une des promesses majeures de la campagne de Béji Caïd Essebsi, le président de la République fondateur de Nidaa Tounes, qui avait assuré ses électeurs qu’aucun islamiste ne serait présent dans le gouvernement. D’autre part et au sein même de Nidaa les tensions se font de plus en plus fortes avec l’apparition d’un courant emmené par Taïeb Baccouche (numéro 2 du mouvement) qui demeure inflexible et refuse de s’allier avec les islamistes, notamment depuis, entre autres, la mort par lynchage en 2012 de Lotfi Nagdh, coordinateur du mouvement à Tataouine dont Baccouche avait publiquement accusé les islamistes et leurs alliés des « Ligues de protection de la révolution » d’être responsables.
Même si la décision de ne pas contenir Ennahdha dans une opposition qui lui aurait été assurément confortable peut sembler de prime abord être une tactique payante, car susceptible de calmer les ambitions des islamistes, il n’est pas dit que Nidaa Tounes résiste aux tensions conséquentes d’un tel choix.
Quant aux Tunisiens qui ont fait œuvre de « vote utile » aux dernières élections dans l’espoir de chasser les islamistes du pouvoir, ils doivent être en train de manger leurs chapeaux. Advienne que pourra.