En Algérie, plus personne n’ose prendre des décisions.  

Loin d’insuffler une nouvelle dynamique, les procès des anciens dignitaires du régime de Bouteflika, de plus en plus considérés comme des « règlements de comptes » à l’intérieur du système opaque algérien, donnent un coup de frein à l’économie du pays. 
 
 
Les lourdes condamnations prononcées ces dernières semaines par les tribunaux contre les ministres corrompus et autres hommes d’affaires maffieux de l’ère de Bouteflika devaient démontrer à la population que « l’Algérie nouvelle », celle du président Tebboune, se veut «  propre et honnête ». 
Hélas, selon des observateurs sur place, plus les jours passent, plus les arrestations des militants du Hirak se multiplient, moins les Algériens croient en la justice de leur pays, y compris quand elle s’attaque à la voyoutocratie bouteflikienne. 
Autre conséquence désastreuse : la peur qui se propage dans les administrations publiques où rares sont les responsables désignés qui osent prendre des décisions!
 L’Algérie des entreprises se fige, frappée par la crise sanitaire et son corollaire la crise économique – avec la chute des prix du pétrole. Mais aussi et avant tout par le manque manifeste de confiance en la justice. 
 
 
L’EXACT CONTRAIRE DE L’EFFET ESCOMPTÉ 
 
Du coup, le président Abdelamajid Tebboune, habituellement si pondéré,  hausse le ton. Le président de la République dénonce des retards dans la réalisation des projets et dans l’application des décisions prises au niveau central, accusant certains responsables des « blocages volontaires » et de « manque d’esprit d’initiative». Dans sa colère le président a pour une fois trouver les bons mots pour décrypter le blocage actuel. « Il y en a qui disent ‘moi je ne fais rien, je ne prends pas de risques. Ceux-là qui nous gouvernent vont partir et moi je me retrouverais à mon tour à la prison El Harrach’ » regrette-t-il. Avant de rajouter, à l’adresse des cadres et des préfets: « Qui vous demandera des comptes si vous appliquez un programme au profit du citoyen ? On vous demandera des comptes uniquement si vous mettez dans votre poche, ne mélangez pas les choses », a-t-il tonné. Visiblement sans convaincre. La crise de liquidité qui sévit en Algérie depuis plusieurs mois, comme la pénurie de lait,  continuent à exacerber les citoyens. 
 
LA COLÈRE DU PROFESSEUR KAMEL BOUZID
 
Jusqu’à présent l’équipe du président Tebboune pouvait toujours mettre en vitrine sa gestion de la pandémie du Covid-19, où le décompte ( officiel) des nouveaux malades baisse significativement en Algérie quand ailleurs dans le monde il repart à la hausse. Mais quelqu’un vient de lancer un gros pavé dans la belle vitrine de la politique sanitaire algérienne. Particulièrement remonté, le professeur Kamel Bouzid, chef de service d’oncologie au Centre Pierre et Marie Curie d’Alger, a dénoncé ce jeudi 1er octobre la rupture de stock des médicaments itératifs, affirmant dans un entretien vidéo au sit TSA (Tout sur l’Alggérie) que cela dure depuis les quatre derniers mois. « C’est d’autant plus inacceptable que ces médicaments sont de vieux médicaments génériques qui servent à soigner des malades et des enfants atteints de leucémies aiguës, de lymphomes, de tumeurs osseuses… et surtout permettent de les guérir dans deux tiers des cas », a-t-il dénoncé. Le Pr d’oncologie affirme par ailleurs qu’il ne comprend rien à ce qui se passe dans le domaine du médicament :
« On demande à x, il nous renvoie vers y. On avait un seul ministre, on en a trois maintenant concernant les médicaments »  a-t-il fustigé, osant même déclarer : « Au Maroc, qu’on passe notre temps à critiquer, les médicaments sont disponibles pour ceux qui en ont les moyens mais en Algérie il n’y en a pas (…) C’est une honte ». Autant dire, vue les rapports entre les deux voisins, une déclaration de lèse-république nouvelle Algérienne ! 
 
CHLOROQUINE A GOGO ET PÉNURIE DE MÉDICAMENTS
 
Concernant la lutte anti-Covid, Kamel Bouzid relève des « anomalies énormes »: « On assiste comme dans tout phénomène irrationnel à des propositions soi-disant thérapeutiques comme le zinc et la vitamine C », a constaté le professeur. « Le risque avec le fait de rajouter du zinc partout au nom d’aucune base physiopathologique, c’est qu’on va peut-être obtenir des résultats qui n’auront pas été prouvés nulle part mais que dans un an ou un an et demi, ces doses qui ont été multipliées par mille causeront des effets secondaires majeures » prévient-il. 
Les autorités algériennes qui se sont longtemps félicité d’avoir été réactifs en achetant des stocks de Plaquenil pour appliquer le protocole du Professeur Didier Raoult ne font plus allusion à la chloroquine. Pour affronter le virus, il ne leur reste plus que les vieilles recettes: un peu zinc, de la vitamine C, un couvre-feu imposé, des interdictions de circuler pour tout le monde, et pour les plus jeunes une rentrée scolaire sans cesse reportée…
Et pour les plus jeunes une rentrée scolaire sans cesse reportée… Dimanche 4 octobre,  enfin, un communiqué officiel fixait la date de la rentrée des écoles le pour 21 octobre, celle des collèges et lycées pour le 4 novembre, et le 22 du même mois pour les universités.