Le lundi 30 décembre, un président Bouteflika malade, épuisé, pathétique signe à Alger la loi de finances de l’exercice 2014. L’hypothèse d’un quatrième mandat que son entourage n’écarte pas, s’il se présente aux présidentielles d’avril prochain, est-elle vraiment raisonnable ?
Les Egyptiens de l’antiquité momifiaient leurs Pharaons pour leur assurer une vie éternelle dans l’au-delà, du moins le croyaient-ils. Plus proches de nous, chronologiquement, les soviétiques ont momifié Lénine, contre sa volonté pourtant clairement exprimée dans son testament. Mais la logique de déification du pouvoir, voulue par Staline, aura été la plus forte. Quelle serait alors la fin ultime d’un quatrième mandat en Algérie pour le président Bouteflika? Une lutte pour le pouvoir ? La glaciation d’un système politique ? Les deux, mon général.
Le corps électoral algérien devrait être convoqué la semaine prochaine. Dès lors s’officialisent les candidatures pour les présidentielles qui sont prévues pour le mois d’avril de cette année. Le clan présidentiel semble déterminé à faire fi de l’avis du corps médical dont les prouesses sont à saluer. Le Président Bouteflika reprend progressivement ses fonctions, selon la communication officielle non dépourvue de maladresse. Il en ressort de ces mises en scènes médiatisées en mode Pravda de la grande époque, une volonté de préserver le pouvoir sous une forme ou une autre. Seulement, un scénario à la cubaine est irréalisable en Algérie, le frère ne remplacera pas le président malade. N’est pas Raoul Castro qui veut.
« Boutef », candidat des abstentionnistes ?
Reste l’hypothèse improbable, mais non impossible, d’un quatrième mandat. Le candidat Bouteflika peut être élu. Ne serait ce que parce que les voix des abstentionnistes qui seront, comme à chaque fois, majoritaires peuvent se porter miraculeusement sur son nom.
Autre scénario, un candidat-délégué peut émerger dans les jours à venir. Les critères sont simples et évidents : une capacité à protéger les intérêts acquis des proches de Boutef, l’implication jusqu’au cou dans le système actuel, la défense indéfectible du statu quo. Cette dynamique d’immobilisme, présentée encore une fois comme transitoire, serait incarnée par l’actuel Premier ministre Abdelmalek Sellal. A moins que l’on ne trouve un modèle équivalent, selon la terminologie des sociétés de location de voitures.
L’art de l’arrosage
Depuis de nombreux mois, Sellal est en campagne électorale, il sillonne le pays et distribue des largesses budgétaires. De quoi séduire, via les réseaux de l’Etat, une clientèle intégrée au système. La faiblesse de ce scénario sera la présence d’un candidat sérieux pouvant mobiliser notamment les sans-voix. Sur la ligne de départ, se positionne l’avocat Ali Benflis, ancien Premier ministre, qui dispose d’un soutien de la base militante du FLN. Dans l’imaginaire occidental, la popularité au sein de l’ex-parti unique, qui a régné seul jusqu’au multipartisme institué en 1989, est difficilement assimilable à un élan démocratique. En fait, le FLN est comme le cholestérol, il y a le bon et le mauvais. Le mauvais s’est distingué dans l’élection de l’actuel Secrétaire général, Amar Saidani, lors d’une réunion hors procédures, donc illégale, dans une salle d’hôtel à huis clos. Encore que certains défendent l’idée que ce choix d’un proche de Bouteflika s’est fait de façon pernicieuse pour mieux discréditer ses appuis. Le bon cholestérol pourrait être la candidature d’un Ali Benflis qui incarnerait le changement contre une transition sans fin d’un clan qui se survit à lui même depuis 1999, date de la première élection présidentielle.
Seulement il n’est pas à exclure que le clan présidentiel risque de réagir comme Denys de Syracuse qui, de peur des rasoirs des barbiers, se brûlait la barbe. Autrement dit, le pouvoir fraude par nécessité dans beaucoup de pays. A Alger, le pouvoir fraude par principe. D’où la difficulté de tenter le moindre pronostic pour l’élection présidentielle d’avril prochain !