A Fès, devant vingt mille militants tous totalement acquis à sa cause, le chef du gouvernement marocain et secrétaire général du Parti islamiste Justice et développement (PJD) Abdelilah Benkirane est en transe. Il harangue la foule avec un discours retrouvant les relents des manifestations du 20 février 2012 au coeur du printemps arabe. Le chef du gouvernement marocain tempête contre l’autoritarisme. S’emporte contre la prévarication. Et charge violement le Parti Authenticité et Modernité (PAM) fondé en 2009 par l’actuel conseiller du roi Fouad Ali El Himma. Le Premeir ministre redevient le premier des opposants.
Mais, les mots les plus durs, Benkirane les réserve au patron de l’Istiqlal Hamid Chabat qui est également le maire sortant de la ville de Fès. Il le traite de « menteur », de « fourbe » et de « poltron ». Abdelilah Benkirane fait feu de tout bois, trop souvent borderline aux yeux de la presse marociane qui titre: « Le discours de trop », « un torrent d’insultes ».
Benkirane incontournable
Et cela semble lui réussir à merveille. En onze jours de campane, l’infatigable leader islamiste a tenu 9 meetings populaires, attirant quelques 200 mille personnes. Une performance qu’aucun des autres partis marocains qui briguent le 4 septembre des communales et des régionales historiques n’a pu concurrencer. D’ailleurs, le PJD a pris en quelques jours des longueurs d’avance sur l’opposition, puisqu’en plus de meetings-shows à l’américaine, le parti qui dirige le gouvernement depuis 2012 a lancé une web-radio démontrant son savoir-faire médiatique et surtout sa grande maîtrise des réseaux sociaux.
La stratégie donc des islamistes est on ne peut plus claire. En descendant personnellement dans l’arène et en pilonnant violemment ses adversaires, Abdelilah Benkirane vise à politiser la campagne électorale et placer le curseur du débat au niveau national et non local. L’objectif étant de « démonétiser » et de « décrédibiliser » d’une manière définitive les patrons de l’opposition, que le chef du gouvernement soupçonne de rouler pour des « parties occultes » au sein de l’Etat et qui visent à le chasser du gouvernement. D’ailleurs, des sources au sein du PJD affirment que « sentant le piège, Abdelilah Benkirane a décidé à la dernière minute d’être présent tous les jours dans la campagne et d’adopter un ton virulent, évitant à son parti de s’empêtrer dans des enjeux très locaux ».
Telle est la manière du chef du PJD de rappeler au Palais et aux Marocains, qu’il est incontournable. Un péché d’orgueil ?