Dans le contexte de l’entre-deux tours de la présidentielle du Niger, un vif débat porte sur l’utilisation d’une méthode traditionnelle de prévention du crime : l’Akan Laya, qui consiste à brandir le Coran pour empêcher la tricherie et le crime.
Très ancienne pratique sociale à Zinder, la deuxième ville du pays, l’Akan Laya était notamment utilisé pour protéger les champs de possibles voleurs avant les récoltes.
Le 27 décembre, au premier tour de l’élection présidentielle jumelée aux législatives, des membres de l’équipe régionale de campagne de Mahamane Ousmane ont brandi le Coran dans les bureaux de vote de la frondeuse ex-capitale du pays pour dissuader de potentiels fraudeurs.
Près de 100% de taux de participation dans des bureaux de vote de zones désertiques
L’opposition estime que la fraude a été de ce fait limitée dans la ville, contrairement à d’autres régions du pays, en particulier le fief socialiste de Tahoua et sa zone septentrionale ainsi que les zones pastorales du pays dans leur ensemble. Bien que désertiques et peuplées de nomades, ces zones se singularisent par des taux de participation de près de 100% qui soulèvent des soupçons.
Mahamane Ousmane, le candidat qui portera les suffrages de l’opposition au deuxième tour, le 21 février, et le socialiste Mohamed Bazoum, candidat de la continuité, partagent le même fief de Zinder, ce qui promet un deuxième tour très disputé dans cette ville.
Par sa place de région la plus peuplée du pays, la région de Zinder est par ailleurs un enjeu décisif du scrutin.
Certains membres de l’opposition proposent donc que la tradition zindéroise soit étendue à l’ensemble des bureaux de vote, dans leur tentative de limiter la fraude et les suffrages de leur adversaire.
Ceux qui brandiront le Coran s’exposeront à des poursuites
En effet, selon un document parvenu à Mondafrique, ils estiment à au moins 200 000 voix fictives les suffrages captés par Mohamed Bazoum dans ces bureaux de vote où ont été enregistrés des taux de participation improbables.
Du côté du régime, la réplique ne s’est pas fait attendre. Le gouverneur de Zinder a convoqué les chefs traditionnels et religieux de la région pour leur expliquer l’illégalité de l’exercice de l’Akan Laya en dehors du sultan.
Le procureur de Zinder Chaibou Moussa, par ailleurs président de la commission régionale de la CENI, dans un message audio en haussa qui a fait le tour du Niger, a menacé tous ceux qui comptent recourir à l’Akan Laya des foudres de… la justice ! Il estime, dans une compréhension très créative de l’arsenal juridique, que l’Akan Laya serait une voie de fait et qu’il fera enfermer tous ceux qui s’y risqueront.
Le même procureur a pourtant, comme tous les présidents de CENI, membres de bureaux de vote, magistrats et autres fonctionnaires, prêté serment sur le Coran. Au Niger, le livre saint est quotidiennement utilisé pour régler des conflits domestiques entre les personnes comme en matière de justice coutumière.
Il est possible que l’opposition demande officiellement sa récusation de la CENI, dans les prochains jours, en raison des soupçons qui pèsent sur lui dans une affaire de corruption.
Niger, un magistrat suspect supervise les élections