La disparition d’Ely Ould Mohamed Vall, le putschiste vertueux

Le décès brutal de l'ancien président mauritanien Ely Ould Mohamed Vall, opposant résolu au régime actuel, laisse un vide immense dans la vie politique de ce payx

Dans un pays comme la Mauritanie, qui possède une solide tradition de coups d’Etat et où l’armée constitue la colonne vertébrale du système, le colonel Ely Mohamed Ould Vall aura connu un parcours inédit. Elève des académies militaires d’Aix en Provence et du Mans devenu directeur de la Sûreté nationale, ce haut gradé s’est fait le constant défenseur de la démocratie et de la transparence. Ce qui n’est pas si fréquent dans le sérail sécuritaire. Le grand flic avait épousé son siècle.

Cette conversion exemplaire en avait fait aujourd’hui le principal opposant de son cousin devenu le chef de l’Etat en 2008, le général Mohamed Ould Abdel Aziz. Le décès brutal d’Ely Vall frappé d’une crise cardiaque alors qu’il était en vacances dans le nord du pays, laisse le pays orphelin. « Le Forum national pour pour la démocratie et l’unité, principale force d’opposition, dont Ely Vall faisait partie en indépendant, a suspendu toutes ses activités pour « honorer sa mémoire ». Le Roi du Maroc lui même devait envoyer un message de condoléances.

Transition démocratique

Sous le rêgne du dictateur Maaouiya Ould Sid Ahmed Taya qui dura de 1984 à 2005, Ely Vall veilla pendant vingt ans sur les services mauritaniens. Ce militaire aguerri, qui sut évoluer avec son temps, décida en 2005 en compagnie d’un groupe de colonels de libérer le pays de la dictature et de renverser Taya qui est aujourd’hui exilé au Qatar.

Le colonel Ely Vall, qui se trouve à la tète d’un comité militaire pour la justice et la liberté, transmet le pouvoir démocratiquement à un civil, Sidi Ould Cheikh Abdallahi

 

Son talent fut alors de conduire une courte transition de deux années au terme desquelles une élection présidentielle libre, la seule que connut la Mauritanie, fut organisée. En 2007, le pouvoir est rendu à un civil, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi. Hélas, le processus démocratique tourna court. Le propre cousin d’Ely Vall, le général Mohamed Ould Abdel Aziz, devait organiser à son tout un coup d’état en 2008 en forçant au départ le président légitime, devenu depuis un Imam respecté dans la Mauritanie de l’intérieur. Lors des élections truquées, forcément truquées, qui euret lieu un an plus tard, Ely Vall n’obtenait que 3% des suffrages contre un Aziz apparemment plébiscité.

Hommage du vice à la vertu, l’actuel président mauritanien, digne héritier de Taya, devait pourtant appeler, à la suite du décès de son cousin, à trois journées de deuil national. Des milliers de mauritaniens ont rendu hommage à cette figure nationale. Personne à Nouakchott, où Ely Vall résidait dans une superbe maison d’inspiration marocaine, n’avait été dupe pourtant de cette grossière tentative de récupération tentée par le pouvoir. Dans un entretien accordé à Sahara Media, l’ancien bâtonnier du barreau mauritanien, Ahmed Salem O. Bouhoubeini, a révélé que l’ancien président Ely Mohamed Vall avait connu des problèmes, ces dernières années, avec le pouvoir qui lui refusait le paiement de ses droits et avantages dus à son rang d’ancien chef de l’état.

Autant de mesquineries qui ne s’expliquent que par les craintes d’Aziz de voir l’ancien président se dresser contre lui aux futures élections présidentielles de 2019.« La Mauritanie a été mise par le régime actuel dans une situation économique déplorable », dénonçait-il au Monde en octobre 2016 lors d’une visite à Paris, pointant les difficultés de la SNIM, la société nationale minière. « Tout cela à cause de la mauvaise gestion et des détournements. Les investisseurs étrangers ne viennent plus. »

Stature internationale

Les deux cousins, le militaire Vall (sur la gauche de la photo) et l’homme d’affaires Bouamatou (sur la droite) avaient uni leurs forces pour rétablir la démocratie en Mauritanie

Grand, massif et courtois, Ely Vall s’était forgé un solide réseau dans le monde entier. A Paris où il aimait descendre dans des modestes hôtels, il possédait de nombreux contacts. Ne serait ce qu’au sein du  comité d’honneur de la Fondation Chirac où il siégeait ou à la fondation Ipemed de Jean Louis Guigou, le mari d’Elisabeth, l’ancienne ministre socialiste de Lionel Jospin.

En Mauritanie, où il disposait de solides relais dans l’appareil sécuritaire, il était en aussi bons termes avec les leaders de l’opposition qu’avec l’ancien patron des patrons, Mohamed Ould Bouamatou. »Ely symbolisait le courage politique, qui aujourd’hui est mort », affirme  ce grand patron mauritanien aujourd’hui réfugié au Maroc. Et d’ajouter: « Il était plus qu’un frère ».

Dans une Mauritanie privée d’Ely Vall, le chemin vers une vie démocratique normale sera plus ardu que jamais.