Lieutenants de Charles Pasqua en Corse et en Afrique, Michel Tomi et son fils Jean Baptiste, sont devenus les plus proches conseillers du président malien, Ibrahim Boubacar Keita, surnommé IBK. Depuis plusieurs mois et en toute discrétion, les juges Serge Tournaire et Hervé Robert enquêtent en particulier sur Michel Tomi soupçonné de blanchir en France une partie de sa fortune africaine et de financer le chef de l’Etat malien mis en cause pour corruption. Mauvaise nouvelle pour la diplomatie française qui a soutenu l’élection d’IBK en août 2013, dans la foulée de l’opération militaire française « Serval ».
C’est vraiment un étrange téléscopage auquel on assiste entre les réseaux les plus éculés de la Françafrique et les relais politiques de Hollande et Fabius à Bamako. Entre truculence et magouilles, les patrons de jeux et de casinos corses, traditionnellement proches de Charles Pasqua, viennent de mettre la main sur le casino de Bamako avec l’appui bienveillant de la présidence malienne, qui les consulte désormais régulièrement.
Au cinéma les amis corses de Charles Pasqua, les Feliciaggi et les Tomi, joueraient le rôle des mauvais garçons : de lourdes paupières, des lèvres épiasses, des visages figés. Leur impassibilité est traversée parfois par une lueur d’intelligence, baptisée en Corse, « le vice du berger », ou encore « le vice du renard ». Ce sont eux qui depuis un quart de siècle ont fait main basse sur l’industrie du jeu dans les principales capitales de l’Afrique francophone. Eux encore qui ont été mis en cause dans plusieurs procédures judiciaires pour avoir aidé Charles Pasqua à la tète du mouvement qu’il avait créé, le RPF.
Ainsi Robert Feliciaggi, abattu voici quelques années de quelques balles sur le tarmac de l’aéroport d’Ajaccio, devait renflouer en 1999 les comptes de la patronne du PMU gabonais, Marthe Mandolini, la fille de Michel Tomi (qui refait surface à Bamako). Il s’agissait alors pour l’amie Marthe d’aider « Monsieur Charles » (Pasqua) à recevoir un prèt de sept millions et demi pour renflouer le RPF.
Les Tomi, le retour
Or Michel Tomi et son fils Jean Baptiste, sont en train de réussir un formidable retour au Mali. Non seulement ils ont désormais les clés du casino de Bamako, mais ils conseillent le nouveau président malien, IBK, qui les consulte à tout propos. Empereur des jeux et des casinos en Afrique, Michel Tomi, qui tutoie Pasqua, n’est pas un perdreau de l’année. Condamné dans la débâcle du casino de Bandol en 1996 à un an de prison, une peine confirmée par la Cour de cassation, cet honnête garçon avait obtenu du juge d’application d’Ajaccio un régime de semi liberté.
Ce retour en force à Bamako des Tomi, père et fils, n’a pas manqué d’agacer fortement un certain nombre de diplomates et de coopérants occidentaux qui pensaient que l’ère de la françafrique était révolue. Vieux cheval de retour de la politique malienne, IBK, voulait-on faire croire au quai d’Orsay, était un homme neuf.
Plus troublant, ce retour en force des corses intervient au moment où le président malien semble sombrer dans le clientélisme et le contrôle de l’argent public à son profit. Lors d’un récent conseil des ministres, il a annoncé que dans chaque ministère un homme de confiance de la présidence veillerait aux appels d’offre et aux dossiers impliquant les finances de l’Etat. Les nombreux réseaux des Tomi en Italie et en Belgique s’avèrent quant à eux très utiles pour siphoner plus discrètement les fonds de l’aide européenne destinée au Mali. Leurs contacts au sein des services secrets français leur ont par ailleurs permi de louer plusieurs avions Antonovs soviétiques utilisés pour transporter des soldats et du matériel. Des tractations cautionnés par les services français, et qui ne vont pas manquer de semer le trouble au ministère de la Défense.
Plus que jamais, la vie politique malienne reste un formidable ascenseur social pour le clan de la présidence. Cette démocratie d’opérette prépare des lendemains qui déchantent. Qui s’en soucie à Paris, où le Mali est passé de mode ?