L’État islamique cherche-t-il à mettre la main sur la manne pétrolière libyenne ? C’est en tous cas l’avis de Jean-Yves le Drian. « Ils sont à Syrte, ils étendent leur territoire sur 250 kilomètres linéaires de côtes, mais ils commencent à pénétrer vers l’intérieur et à avoir [une] tentation d’accès à des puits de pétrole et des réserves de pétrole », a mis en garde lundi 14 décembre le ministre de la défense sur RTL. Petit problème, l’information n’est pas tout à fait exacte.
Les forces locales qui ont fait allégeance à Daech et pris possession de la ville de Syrte depuis juillet dernier n’ont pas fait mouvement vers le Sud, ni vers l’intérieur du pays. Encore moins pour s’emparer de puits ou réserves de pétrole. Ils n’en ont guère besoin puisqu’ils sont installés dans la région pétrolifère la plus riche de Libye. Le bassin de Syrte contient en effet 73% des réserves d’or noir du pays et compte près de 55 puits. Les premiers sites se trouvent à moins de 200 km du nouveau bastion de l’État islamique, qui semble toutefois les bouder. Les seules incursion constatées visent la ville de Ajdabyia à quelques 400 km en direction de l’Est en longeant la côte.
Contrôler les robinets pétroliers
La prise de cette ville serait pour les djihadistes doublement stratégique. Elle lui permettrait de prendre en étau la portion de côte libyenne qui contient le plus grand nombre de raffineries et terminaux pétroliers au mètre carré tels Ras Lanouf, As Sidra, Brega ou Zueitina. A quoi bon s’embourber dans l’intérieur vers les sables libyens, puisqu’il suffirait de contrôler les robinets et prendre le port principal de Brega où se tient en embuscade le seigneur de guerre Jadran avec ses gardes pétroliers. Plus personne ensuite ne pourrait empêcher Daech de contrôler cette manne si convoitée.
Pour l ‘heure, seule l’armée nationale sous le commandement du général Haftar semble vouloir stopper cette avancée avec quelques frappes aériennes et ses maigres moyens. En effet, depuis l’été 2014, la seule force officielle du pays qui dépend du Parlement de Tobrouk, élu et reconnu par la communauté internationale, est soumise à un embargo renforcé sur les armes et les munitions, décidé par l’ONU. Et ça, le ministre de la défense en France, ne l’ignore pas. En face, Daech se fournit librement auprès de plusieurs éléments radicaux de Fajr Libya (Aube de la Libye), la coalition islamiste qui tient depuis un an les ville de Tripoli et Misrata, dans la partie Ouest du Pays.
La prise de Ajdabyia permettrait aussi à l’État islamique de filer droit vers Tobrouk, ville où siège depuis un an le Parlement.
La situation ressemble furieusement à une version de Star Wars dans le désert de Libye. Une Force du mal qui avance inexorablement. En face, une Alliance divisée et hétéroclite tente désespérément d’y faire. Sans oublier les trafiquants divers et seigneurs de guerre, prêts à se vendre au plus offrant. Seule différence, le scénario, bien réel, se déroule cette fois sur Terre, à quelques 500 kilomètres des cotes européennes.