Depuis trois mois, la principale figure de la société civile ivoirienne qui dirige « Alternative citoyenne ivoirienne (ACI), Pulchérie Edith Gbalet, a été à nouveau conduite, le 22 Août, dans les geôles de la sinistre Maca, la prison civile d’Abidjan.
Un article de Michel Galy
Rappelons qu’après la réélection contestée d’Alassane Ouattara en 2020, Pulchérie Gbalet a immédiatement exigé le respect de la Constitution ivoirienne et appelé à des marches pacifiques sur tout le territoire national, ce qui lui avait valu d’écoper de 9 mois de prison. Seule une longue campagne médiatique et politique a pu la faire libérer. Amnesty international l’avait élue « prisonnière d’opinion » , en lançant une action transcontinentale pour sa libération. L’affaire est allée loin puisque Emmanuel Macron lui même avait évoqué son cas avec M. Ouattara, lors d’un entretien à l’Élysée, en suggérant sa libération.
Que reproche exactement le pouvoir ivoirien à Pulchérie Gbalet cette fois- ci ? À entendre le procureur général du régime, Adou Richard, les charges seraient de l’ordre de la haute trahison et de « l’entente avec les agents d’une puissance étrangère »…
Mais la Cote d’ivoire est elle en guerre ? A priori non , mais il faut bien le dire une hostilité tantôt ouverte , tantôt larvée, l’oppose au Mali dont les références tiers mondistes et anti-coloniales, représentent tout ce dont le président ivoirien a en horreur…
Un procès en décembre à Bamako
De fait, le cas de la célèbre pensionnaire de la Maca est inséparable de la trouble affaire des 49 militaires ivoiriens incarcérés à Bamako depuis le 10 juillet, et du voyage éclair de Pulchérie Gbalet au Mali dans l’espoir de les libérer. Le dossier est d’autant plus sensible que les militaires ivoiriens doivent être jugés à Bamako en décembre prochain, en l’ansence de toute avancée de la médiation tentée par le Togo
Qu’allaient faire ces membres des forces ivoiriennes dans la galère malienne, en plein retrait de Barkhane et de Takuba ? Relever ou assister la MINUSMA dit le régime d’Abidjan, dans des communiques successifs et contradictoires. Déstabiliser le régime malien, affirment les services du président Assimi Goita, et pour tout dire faire un contre coup d’État…
Dans le contexte tendu de sanctions de la CEDEAO contre le Mali , impulsées par le régime ivoirien mais depuis suspendues, la militante des droits de l’ homme Pulchérie Gbalet, jusque là peu active sur la scène internationale ou régionale, a tenté une médiation pour faire libérer ses compatriotes ivoiriens, et effectué un voyage d’une semaine(du 27 juillet au 3 août) à Bamako.
Invité par la société civile malienne, Pulchérie Gbalet a multiplié les contacts, associatifs et politiques, sans toutefois de résultats concrets immédiats quant à la libération des prisonniers ivoiriens.
Il faut dire que les diverses médiations « à l’africaine » avaient successivement échoué, d’une part parce que le gouvernement malien avait senti son existence même menacée , souhaitant des excuses et des compensations, d’autre part parce que le gouvernement ivoirien , dans le déni, se refusait à des contacts directs.
Le retour de Pulchérie Gbalet à Abidjan, dans ce contexte, fut mouvementé , et la DST procéda à une brève arrestation le 3 août , en dehors de tout prétexte juridique . Relâchée le lendemain, Pulchérie Gbaglet repartit de plus belle en campagne, répondant du tac au tac au discours de M. Ouattara lors de la fête nationale, le 7 Août.
Une voix politique unique
Les principaux partis d’opposition, le PPA CI de Laurent Gbagbo et le PDCI RDA d’Henri Konan Bédié ayant non sans difficultés conclu un accord de « réconciliation nationale » avec le régime Ouattara- guère respecté par la pouvoir, notamment pour la libération des prisonniers politiques, Pulchérie Gbalet se trouva en position symbolique d’être la seule voix critique. Une voix qui porte politiquement et médiatiquement, avec des échos internationaux assurés, qu’elle dénonce la cherté de la vie, la corruption du régime, ou en l’occurrence la politique internationale de la présidence Ouattara, , notamment vis à vis du Mali.
Ce qui la constitua en opposante principale du régime, mais la fit devenir son bouc émissaire. Il semble qu’au moment où Pulchérie Gbalet tentait une médiation personnelle, le régime, via Faure Gnassimgbé du Togo était en pleine négociation, enfin , avec le régime malien . Ce qui se traduisit par un premier pas de décrispation entre les deux pays, avec la libération inopinée le 3 Septembre , de trois soldates ivoiriennes, débarquant à Abidjan pour « des raisons humanitaires ».
Le gouvernement ivoirien a t il voulu mettre Pulchérie Gbalet à l’écart, en plein milieu d’une négociation des plus délicate, qu’elle aurait pu perturber ? Dans ce cas la libération annoncée des 46 miliaires restant et leur retour à Abidjan devrait logiquement amener à la libération proche de la leader de la société civile.
Mais il semble que le régime ivoirien reproche aussi à Pulchérie Gbaglet ses contacts à Bamako avec Sidi El Moktar, certes participant de la société civile malienne, mais aussi « représentant du président Guillaume Soro », ce dernier véritable bête noire du régime Ouattara depuis sa rupture et son exil.
Persécutée actuellement à l’intérieur de la prison et soumise à une « torture morale » selon ses proches , Pulchérie Gbalet tient bon , bien qu’un règlement vexatoire éloigne gardes pénitentiaires et prisonnières qui tenteraient de l’aider au quotidien.
Son sort reste soumis non seulement aux rapports franco -maliens mais aussi aux échos médiatiques sur son sort ; bien des médiations s’agitent dans l’ombre en sa faveur, en particulier en politique – le député Michel Gbagbo a été le premier à exiger sa libération (suivi du PPA-CI et de son leader, comme par ailleurs le PCF en France par la voix de Paul Laurent). Amnesty international Cote d’Ivoire, en particulier, se montre optimiste quant à une libération prochaine.