La Commission électorale indépendante a annoncé ce 3 novembre les résultats provisoires de l’élection ivoirienne. Selon elle, le président sortant l’emporte avec plus de 94 % des votes. L’opposition a fait monter la pression d’un cran en annonçant la création d’un « Conseil national de transition ».
Un pays coupé en deus par Michael Pauron
Sans surprise, face à une opposition qui a boycotté le scrutin du 31 octobre, Alassane Dramane Ouattara (ADO), 78 ans, a été réélu président de la République pour un troisième mandat de cinq ans. Le président sortant aurait remporté l’élection avec 94,27 %, selon l’annonce de la commission électorale indépendante (CEI) ce mardi matin. La participation a été faible, avec un taux de 53,9 %. Ces résultats provisoires doivent encore être validés par le conseil constitutionnel.
Si l’Union africaine a estimé que le scrutin s’était déroulé « de manière globalement satisfaisante en dépit d’un contexte politique caractérisé par l’absence de consensus sur le processus », elle a appelé l’opposition à « renouer le dialogue ». Cette dernière avait affirmé depuis longtemps qu’elle ne reconnaîtrait pas les résultats. De son côté, l’ONG ivoirienne Indigo a indiqué que 23 % des bureaux de vote (sur quelque 22 000) n’auraient pas pu ouvrir. Le Centre Carter a lui précisé que le scrutin n’avait pas pu se dérouler de manière « compétitive » et « crédible ».
Tension extrême entre l’opposition et le pouvoir
Dès hier soir, avant même l’annonce officielle des résultats, la coalition formée par l’opposition a annoncé la création d’un « Conseil national de transition », présidé par l’ancien chef de l’État Henri Konan Bédié (HKB), 86 ans. « L’objectif est de préparer des élections présidentielles justes », a déclaré le porte-parole, Pascal Affi N’Guessan. Guillaume Soro, ancien Premier ministre, a félicité Bédié depuis son exil français, et dit se mettre « à sa disposition ».
Dans la foulée, plusieurs témoins assurent que des détonations ont été entendues autour de la résidence d’HKB. Une information reprise par plusieurs médias, tandis qu’une cinquantaine de jeunes supporteurs sont venus sécuriser les lieux. Selon le président du PDCI-RDA, les résidences d’autres opposants, dont Pascal Affi Nguessan, Albert Mabri Toikeusse et Asso Adou, auraient aussi subi des attaques.
Escalade de la violence ou jeu de dupes ?
Les prochaines heures vont être déterminantes : la Côte d’Ivoire va-t-elle basculer dans une nouvelle crise post-électorale, comme en 2010-2011 ? De fait, l’annonce de la création de ce Conseil national de transition coupe une fois plus le pays en deux, du moins politiquement. Selon plusieurs sources, des morts sont à déplorer dans plusieurs localités du pays depuis l’annonce des résultats – mais il est très difficile d’obtenir un bilan fiable.
Juste avant l’élection, le président Ouattara avait adopté une posture ferme, menaçant les responsables des émeutes, « quelque soit leur importance », de poursuites judiciaires, affirmant disposer de preuves incriminant les leaders de l’opposition. Dès lors, cette dernière, qui appelle à des manifestations « pacifiques », souffle-t-elle sur les braises pour forcer ADO à négocier et sauver ses intérêts en manipulant ses partisans ? La question est posée.
Bédié VS Ouattara, une vieille antienne
Bédié et Affi N’Guessan ont reçu le 2 novembre Mohamed Ibn Chambas, le représentant spécial et chef du bureau de l’ONU pour l’Afrique de l’Ouest, ainsi qu’une délégation des observateurs de la Communauté des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao). Les États-Unis, par la voix de leur ambassade, ont démenti avoir rencontré HKB ce week-end malgré les rumeurs, et « exhortent tous à respecter l’ordre constitutionnel et d’éviter la violence ». l’Union européenne se dit inquiète et appelle au dialogue.
La France, soutien indéfectible d’Alassane Ouattara, est restée muette à l’heure où ces lignes sont écrites, publiant seulement un communiqué, le 28 octobre, dans lequel elle invitait ses ressortissants à « rester à l’écart des rassemblements et mouvements de foule, [à] faire preuve de sérénité et de responsabilité lors d’éventuels barrages ou contrôles des forces de sécurité ». La situation est très évolutive, ce qui explique probablement la relative prudence de la communauté internationale. Bédié et Ouattara, ennemis de trente ans, se retrouvent une nouvelle fois sur le champ de bataille. Au plus grand dam d’une majorité d’Ivoiriens, éternels perdants de ces vieilles querelles partisanes.
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