Définitivement acquitté par la Cour Pénale Internationale (CPI), Laurent Gbagbo devrait rentrer à Abidjan avec la volonté d’ouvrir des discussions constructives avec le pouvoir en place. C’est du moins ce qu’affirment ses proches, dont notamment le secrétaire national du Front Populaire Ivoirien (FPI), Assoa Adou, avec qui Mondafrique a pu s’entretenir.
Pour Assoa Adou, le secrétaire général du FPI, la question sur un éventuel retour de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire ne se pose même pas. « Notre président qui a été définitivement innocenté souhaite naturellement revenir dans son pays. Nous attendons ce moment depuis dix ans ». Et d’ajouter: « Laurent Gbagbo n’est pas un revanchard, c’est un vieux sage qui veut que le pays tourne la page du passé ». Un voeu pieux? Les plaies nées de la guerre civile ivoirienne qui a fracturé les pays sont à peine cicatrisées. Mais le pari d’une possible réconciliation doit être tenté. Le pays n’a pas le choix.
Un tableau sombre
Les années qui ont permis à l’actuel Président Ouattara de prendre le pouvoir avec l’appui de la France auront été marquées par de terribles dérapages dans les deux camps qui s’entretuaient. Certains partisans de Gbagbo comme de Ouattara se rendirent coupables d’affreux massacres. Officiellement, 3000 personnes auraient été tuées. En fait c’est plus clairement entre 30000 et 60000 ivoiriens qui ont trouvé la mort durant ces années noires.
Les deux premiers quinquennats du président Ouattara n’auront pas été marqués par une véritable tentative de réconciliation. Lors de l’élection présidentielle du mois d’octobre 2020, une centaine d’opposants, voire de simples manifestants, ont été abattus par une répression féroce. Innocenté par la CPI, Laurent Gbagbo reste condamné à vingt ans de prison dans son propre pays, même si son épouse a été graciée par le pouvoir ivoirien. Le président Ouattara va-t-il le gracier? Lors du décès de sa mère, il y a quelques années, Laurent Gbagbo n’avait pas obtenu son visa pour se recueillir sur sa tombe.
Quelques procédures judiciaires enfin ont bien été ouvertes pour juger les responsables des massacres, mais toutes de de façon partiale. Le 29 mars 2011, 816 personnes étaient assassinées dans la ville de Duékoué en qmoins vingt quatre heures. Il aura fallu attendre dix longues années pour qu’enfin la justice ivoirienne ouvre le dossier, et encore de façon sélective.
Côte d’Ivoire, le procès du massacre de Duékoué entrouvert à Abidjan
Ce monde qui a changé !
Pourtant la Côte d’Ivoire a radicalement changé ces dernières années dans une Afrique instable où l’idéologie salafiste gagne du terrain. Si les ennemis d’hier, Ouattara et Gbagbo, ne parviennent pas à cohabiter, le pays peut craindre le pire.
Premier électrochoc qui pourrait favoriser une nouvelle donne, la Côte d’Ivoire est menacée par les groupes djihadistes violents qui cherchent à prendre pied en Afrique de l’Ouest, comme le constatait récemment le patron de la DGSE française (services secrets extérieure) Si les grande forces politiques ivoiriennes, hélas encore marquées par des clivages ethniques et des fractures géographiques, ne parviennent pas à s’entendre, l’islamisme qui pointe son nez a de beaux jours devant lui. » Il s’agit de négocier autour de la même table », suggère Assoa Adou, le secrétaire général du FPI (voir son entretien en dessous).
Un multipartisme offensif
Autre levier d’une possible ouverture politique, le rapport de force politique ne penche plus en faveur du président Ouattara qui a pu longtemps afficher un bon bilan économique. Les dernières élections législatives de mars 2020, entre fraudes et violences, ont vu pourtant l’émergence d’une opposition unie. Le succès de l’alliance improbable entre les ex Présidents Bédié et Gbagbo a sorti le multipartisme de la naphtaline L’actuel président ivoirien qui avait surfé sur une opposition divisée et nomade ne peut plus passer en force. Sur le plan sécuritaire également, la disparition brutale du Premier ministre, Hamed Bakayoko, qui gérait d’une main de fer « les microbes », ces bandes de nervis qui semaient la terreur, rend le président ivoirien plus vulnérable.
Enfin le président ivoirien a perdu son aura internationale. Le fidèle allié français qui a soutenu la CPI dans son acharnement contre Gbagbo, a longtemps fermé les yeux sur les dérapages bien peu démocratiques de la Côte d’Ivoire. Tel n’est plus la cas. Emmanuel Macron n’a guère apprécié la décision de l’ami Ouattara de briguer un troisième mandat, après avoir annoncé son retrait du pouvoir. La Côte d’Ivoire n’est plus, aux yeux de Paris, ce laboratoire démocratique qu’on nous ventait en Afrique de l’Ouest.
Un retour apaisé de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire serait le signal fort de la possible résistance de ce pays face à l’extrémisme qui menace !
Assoa Adou, secrétaire général du FPI,
en exclusivité pour Mondafrique:
« Notre joie est totale »
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Mondafrique: Qu’avez vous éprouvé en apprenant, ce mercredi, le verdict de la Cour Pénale Internationale qui innocentait Laurent Gbagbo?
Assoa Adou : Ma joie aura été totale, j’en ai pleuré Je veux remercier tous les patriotes africains pour leur soutien et rendre hommage au Ghana et au Liberia qui ont accueilli des milliers de réfugiés chassés par la répression du pouvoir ivoirien
Mondafrique. Comment le FPI, le mouvement de Laurent Gbagbo, a vécu ces années où son leader était en prison?
AA. Ces années auront été très dures. Les violences étaient quotidiennes. J’ai passé moi même trois années en prison de 2015 à 2018 dans des conditions très dures. Ma cellule était éclairée par la lumière électrique de jour comme de nuit. Le matin, nous découvrions les cadavres des jeunes militants tués pour avoir porté un tee shirt avec ces mots: »J’aime Gbagbo.
Mondafrique. Quelle est, selon vous, le scénario politique qui va marquer le retour de Laurent Gbagbo?
AA je veux croire à 98% à un scénario optimiste. Il faut que Laurent Gbagbo, de retour en Côte d’Ivoire, soit acclamé par ses nombreux partisans et reçu par le président Ouattara. Tout le monde doit se mettre autour d’une table pour refonder le pacte national
Félicitations