Côte d’Ivoire, l’ascension de Tidjane Thiam contestée en interne

La démission, mercredi, d’une déléguée communale a mis à nu les tensions qui couvent au sein du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) où la figure du nouveau président élu, Tidjane Thiam, voit se dresser ses adversaires internes.

Correspondance à Abidjan, Bati Abouè

 Par ces temps où l’outil internet permet de communiquer à peu de frais, Valérie Yapo a plutôt préféré ébruiter sa décision de démissionner de la délégation communale du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) d’Akoupé devant un parterre de journalistes. A cette occasion, la conférencière n’a pas manqué sa cible, Tidjane Thiam, qu’elle a accusé de graves manquements à son encontre. Depuis son élection à la tête du parti, M. Thiam, 62 ans, a en effet remodelé la direction du PDCI -Parti démocratique de Côte d’Ivoire-, avec la création d’un poste de hauts-représentants du parti dont les titulaires représentent directement sa personne dans les différentes régions du pays. Mais ces changements n’ont pas fait que des heureux. Puisque pour la démissionnaire, ils ont permis à monsieur Calixte Yapo, haut représentant du parti dans la région de la Mé dont dépend Akoupé, à 34,5 km d’Abidjan, d’engager une chasse aux sorcières contre elle.

Or, à l’évidence, croit-elle, tout cela n’aurait pas été possible si M. Thiam, ancien directeur de l’ex-Crédit-Suisse, n’avait pas pris le gouvernail du PDCI qu’il ne connaît pas bien manifestement de l’intérieur, accuse-t-elle ouvertement. Mais, ce procès en méconnaissance du parti n’est pas nouveau dans le landernau politique national. Il imbibe les discours des adversaires internes ou externes de l’ancien banquier depuis l’ouverture de la campagne électorale pour le contrôle du PDCI. Sauf que, cette fois-ci, les accusations de Valérie Yapo tombent dans un contexte où le président du PDCI fait l’objet d’attaques groupées de plusieurs cadres du parti présidentiel, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) d’Alassane Ouattara, pour qui l’ex-banquier n’est qu’un vulgaire bonimenteur.

Le clan présidentiel déploie, depuis des semaines, un trésor de stratégies pour discréditer la charge du président du PDCI relative à la faiblesse de l’indice de développement humain (IDH) de la Côte d’Ivoire. Cette sortie de Soubré, dans une zone cacaoyère confrontée à la grande pauvreté qui sévit dans le pays, avait surtout dégonflé la propagande du clan présidentiel sur la croissance nationale, de surcroît incapable de lutter efficacement contre la pauvreté, le chômage, le manque de logement et de tous les autres maux sociaux dont se plaignent les Ivoiriens.

Le miroir Thiam

L’équation Thiam a toujours été une vraie quadrature du cercle pour le régime ivoirien qui voit se dresser sur la voie d’un 4è mandat, un profil similaire à celui du président Ouattara. Car Tidjane Thiam est également le produit des institutions financières internationales et s’affiche aussi ouvertement que possible avec Bill Gates et les autres dignitaires mondialistes. Il a donc le carnet d’adresses supposé dont s’est toujours vanté le président Ouattara. Par-dessus tout, il est aussi l’ami de l’ambassadrice des Etats-Unis à Abidjan, Jessica Davis Ba. Celle-ci s’était rendue au siège du PDCI aux lendemains de son élection, en septembre dernier, tandis que lors de son dernier séjour à Abidjan, en février, le secrétaire d’Etat américain Anthony Blinken avait reçu à deux reprises le président du PDCI.

Alors, pour les partisans de Thiam, c’est le régime du président Ouattara qui instrumentalise les adversaires internes de leur président. « On voit votre dos ! », a d’ailleurs vivement réagi un activiste de ce parti qui tentait de discréditer la démissionnaire, Valérie Yapo. Mais, s’il est possible d’accuser l’ancienne déléguée communale d’être désargentée et, donc, susceptible d’être manipulée, il n’est pas possible de l’envisager dans le cas de Jean-Louis Billon qui n’a jamais caché ses ambitions de briguer la présidentielle de 2025 sous la tunique du Parti démocratique de Côte d’Ivoire et qui avait sagement refusé de travailler au sein du nouveau cabinet. Bref, on devrait savoir, bientôt, si les accusations de clientélisme formulées avec une certaine hardiesse par dame Yapo cachent un vrai malaise au PDCI et une réelle fronde anti-Thiam.