C’est devant une vingtaine de chefs d’Etat qui avait le déplacement à Brazzaville que Denis Sassou N’Guesso, dit DSN, a prêté serment le 16 avril à l’aube de son 4e mandat et après une réélection naturellement « triomphale », 88,40 % et déjà 37 années passées au pouvoir.
Une chronique d’Eric Laffite
Comme s’il y avait quand même un léger doute sur la régularité du scrutin, DSN a prononcé son discours d’intronisation, flanqué à sa droite, d’une ribambelle de magistrats de la Cour Constitutionnelle en grande tenue d’apparat, soit robe rouge et hermine autour du cou.Ceux-là même qui, quelques jours plus tôt, venaient de piétiner la dite Constitution, et son article 70, lequel, sans ambiguïté, imposait le report de l’élection en cas « d’empêchement » ou de disparition d’un des candidats lors du premier tour.Ce qui, nul ne l’ignore, fut le cas, avec le décès toujours mystérieux de son principal rival et chef de l’opposition, Parfait Kolelas.
Très curieusement, Sassou apparait bien mystérieux lors de son discours.Evoquant le décès de Kolelas, il indique dans une formule étrangement alambiquée, que Koleas avait « été emporté par un ennemi invisible dans la dernière ligne droite ».Une petite phrase qui, prononcée par d’autres, frise l’outrage à magistrats de la Cour Constitutionnelle, ceux-ci ayant jugé que Kolelas était décédé après… la ligne d’arrivée.
« Cet or vert » qui ne tarit pas
Vint donc l’heure du discours de Sassou. Un monument surréaliste où il fut question de « triomphe de la démocratie », de « transparence », de « taux de participation remarquable » de « consolidation de l’Etat de droit » et encore de « tolérance zéro contre le favoritisme et les anti-valeurs ».Quelques accents lyriques aussi. Dans un pays où le tourisme est totalement inexistant, son Président tient à célébrer « cet or vert qui ne tarit pas ». (sic !)
L’indice que le Président congolais est un fervent lecteur de « Jeune Afrique », un journal entièrement dévoué à sa cause, qui a en effet publié récemment quelques articles relatifs aux performances du secteur. Vérification faite, les quelques cas précis de réussites évoquées dans cet article renvoient à des pages Facebook désactivées depuis des années. Sauf dans le cas d’un malheureux auto-entrepreneur de Pointe-Noire qui déplore n’avoir pas les moyens de remplir le réservoir de son 4×4 de location pour promener d’improbables clients.
Le fait que Mme Arlette Soudan soit ministre congolaise du Tourisme, mais aussi épouse de François Soudan, pilier de « Jeune Afrique », n’a donc pas suffi à mieux cerner la réalité du secteur.
Entre Paris et Brazzaville, un léger froir
Ceci dit, il faut toujours lire de près « Jeune Afrique », la voix de son maitre
Ainsi, à la veille de cette cérémonie d’investiture aux accents très Bokassiens, un petit entrefilet où l’on peut lire : « Parmi les hôtes de marque attendus le 16 avril pour l’investiture de Denis Sassou Nguesso (…) seul le nom de la personnalité désignée par le président français Emmanuel Macron pour le représenter a suscité une légère déception à Brazzaville ».
L’occasion de souligner le silence assourdissant de la diplomatie française suite à la réélection triomphale de Sassou. Pas le moindre petit message de félicitation d’Emmanuel Macron, ou de Jean-Yves Le Drian. Silence radio absolu.
Mais quelle est donc cette personnalité dont le nom n’est pas même cité et dont la présence à Brazzaville a suscité cette « légère déception » ?Il s’agit de Frank Riester, l’obscur Ministre délégué chargé du Commerce extérieur et de l’Attractivité, et 19e dans l’ordre protocolaire du gouvernement français. C’est donc à l’ancien maire de Coulommiers (Seine-et-Marne) qu’a échu la délicate mission de représenter Emmanuel Macron à la cérémonie.
Pratique et écologique, puisque Frank Riester se trouvait dans la région.Il était la veille en déplacement au Nigeria.Le bilan carbone de ce détour par Brazzaville reste acceptable.Sur les images retransmises par la télévision congolaise, on voit donc Frank Riester manifestement pas à son aise, venir adouber très furtivement le couple présidentiel, Denis et Antoinette Sassou N’Guesso.Pas d’accolade, à peine une phrase échangée, la gêne est palpable de part et d’autre. Parmi la vingtaine de chefs d’Etat présents, Frank Riester, il est vrai, ne pèse pas lourd.Il est très vite exfiltré vers les coulisses.
Franck Riester, le service minimum
Chargé du Commerce extérieur et de l’attractivité, Franck Riester profitera de sa présence en terre congolaise pour rencontrer les conseillers du Commerce extérieurs afin, rappelle l’ambassa de de France, “d’évoquer le climat des affaires et les perspectives du développement des relations économiques entre la France et le Congo.”Sur son compte Twitter qui recense quotidiennement ses activités, M. Riester explique toute l’importance de son déplacement au Nigeria. Mais pas une ligne sur son escapade diplomatique à Brazzaville et sa participation au sacre de celui que l’on surnomme désormais « l’empereur » pour sa capacité à se maintenir indéfiniment au pouvoir.
Craindrait-il que cela fasse tache sur son CV ?