Le dernier rapport de l’ONG The Sentry « Les architectes de la terreur » publié le 27 juin 2023 détaille avec minutie le pacte conclu entre le régime actuel du régime de Faustin-Archange Touadéra et le groupe paramilitaire PMC Wagner pour capter les dividendes de l’Etat centrafricain à des fins privées.
En plus de documenter les atteintes aux droits de l’homme commises en vue de développer l’emprise sur le pouvoir et des réseaux de prédation économique et financière, The Sentry apporte un éclairage édifiant sur la chaîne de commandement du régime centrafricain, l Touadéra, décideur ultime, veillant à ne pas laisser de traces…
Selon The Sentry, Touadéra et des individus de son entourage proche exercent à la fois une forte influence sur la chaîne de commandement militaire centrafricaine et instrumentalisent l’armée et ses partenaires étrangers pour leurs intérêts propres. Touadéra prend rarement des décisions publiquement, mais reste toujours le décideur ultime. Une autorité politique autrefois influente a déclaré à The Sentry : « Le pouvoir est concentré dans les mains de Touadéra et de quelques conseillers qui sont écoutés [par le président] et qui peuvent agir. Il [Touadéra] l’a montré plusieurs fois, il est celui qui prend les décisions ». Un ancien cadre du parti présidentiel MCU a déclaré à The Sentry que le président centrafricain « a un système où il décide de tout mais il n’est jamais responsable de rien », ne laissant essentiellement aucune trace.
Lorsqu’il donne des ordres, « Touadéra passe toujours par des intermédiaires », a déclaré un officier militaire centrafricain de haut rang à The Sentry, ajoutant que lorsqu’un ordre vient d’Arthur Bertrand Piri, neveu de Touadéra ; Sani Yalo, financier et conseiller spécial de Touadéra ou Alfred Service, ancien directeur général de la garde présidentielle, « ça vient du président directement, il n’y a pas à douter ou à discuter ».
La terreur banalisée
Les 11 sources militaires interrogées par The Sentry ont toutes confirmé que les opérations militaires menées notamment à Bangui sont supervisées par la chaîne de commandement militaire centrafricaine, et plusieurs d’entre elles ont confirmé qu’en fin de compte, c’est le président et son entourage qui donnent les ordres. En 2021, Touadéra a déclaré à Jeune Afrique que les forces de sécurité « font leur travail et effectuent des missions de ratissage dans Bangui, pour démasquer tous ceux qui détiennent illégalement des armes ». Ces missions de ratissage sont évoquées dès février 2021, lorsque la station centrafricaine Radio Ndéké Luka rapporte que « depuis plusieurs semaines, des inconnus sont abattus aux environs du cimetière de Ndrès » à Bangui. « Chaque matin, c’était un tombeau à ciel ouvert », a confié une autorité politique à The Sentry.
Une source militaire qui a participé à ces opérations a ajouté que « les corps sont amenés au camp militaire. Certains corps sont amenés au cimetière à Ndres ». Une autorité politique liée à l’entourage proche de Touadéra a noté que « ces exactions c’est fait pour protéger son pouvoir », ajoutant que toute personne disposée à dénoncer les exactions et les meurtres recevait des instructions strictes de la présidence : « Il faut se taire ».
De nombreux observateurs ont pu minimiser le rôle de Touadéra tant sur les exactions du groupe Wagner que sur ses dérives autoritaires et la prédation économique et financière de son régime affirmant qu’il n’était que « l’otage du groupe Wagner ». Force est de constater que Touadéra est non seulement un partenaire zélé du groupe paramilitaire russe mais le chef d’orchestre d’un clan qui renforce sa mainmise sur les leviers de l’Etat failli pour en capter les dividendes.
Le clan présidentiel aux manettes
« Ils disent qu’ils sont là [au pouvoir] pour l’éternité », accuse l’homme de la rue à Bangui. En langue sango, « l’éternité » se traduit » Kpou na Knpou « . Pour ce faire, Touadéra s’appuie sur ses fidèles, sa famille et son groupe ethnique. Le président centrafricain s’est constitué un noyau dur de fidèles, dont ses neveux Arthur Piri et Rameaux-Claude Bireau, le colonel Wananga, Fidèle Gouandjika, Évariste Ngamana et Sani Yalo. Ce cercle a œuvré pour modifier la Constitution afin de permettre à Touadéra de rester au pouvoir au-delà de 2026.
Touadéra s’est progressivement recentré sur les membres de la communauté Ngbaka Mandja, notamment depuis qu’il a révélé son intention de modifier la Constitution, cette tendance s’est étendue à l’armée. Le groupe ethnique de Touadéra a ainsi été le principal bénéficiaire des campagnes de recrutement militaire débutées en 2020 et qui n’ont fait que s’intensifier depuis le début de la contre-offensive envers le groupe rebelle CPC.
Dans son rapport de 2021, le Groupe d’experts de l’ONU sur la RCA souligne que « le recrutement de la garde présidentielle était une procédure discrète, et non ouverte, et visait des jeunes du quartier du Président, Boy-Rabe, situé dans le quatrième arrondissement de Bangui, Des fidèles de son église baptiste de Ngoubagara) et des membres de son groupe ethnique (Mbaka-Mandja) sont également mobilisés. Des éléments anti-balaka connus ont également été recrutés.
Sources: