Depuis le début de l’année, les mauvaises nouvelles se succèdent pour Faustin-Archange Touadera alors que les élections présidentielle et législatives, de tous les dangers, se rapprochent inexorablement.
Selon le chronogramme actuel, le premier tour de scrutin est toujours programmé le 27 décembre 2020. Le pari de l’ONU, de l’Union africaine, de l’Union européenne, des Etats-Unis d’Amérique et des institutions financières contributives devient, de plus en plus, difficile à tenir. Certes, un scrutin à la burundaise ou à la malienne est toujours possible. Il faudra alors en payer le prix, comme ce fut le cas en 2011.
Embarras personnels
Le Covid-19 n’a pas épargné plusieurs des proches du chef de l’Etat. Des fidèles compagnons de route ont été frappés par cette pandémie qui continue sa progression dans le pays. Parmi ceux- ci, Georges Alphonse Dibert, son influent et irremplaçable conseiller politique s’en est allé brutalement le 30 mai 2020. Cette disparition de » Siko » laisse un vide à la présidence et touche directement sa nièce, Marguerite, la seconde épouse officielle du chef de l’Etat, qui est devenue après la disgrâce de Brigitte fin mars, la première dame.
Autre disparition brutale, le 20 juin 2020, après une courte maladie, a été celle de l’ambassadeur de Centrafrique auprès du Roi Mohamed VI. En poste depuis près de vingt ans au Maroc, Ismaïlia Nimaga était un diplomate hors pair non seulement pour les relations bilatérales avec le Royaume chérifien mais aussi pour la diplomatie marocaine. En sa qualité de doyen du corps diplomatique, il a joué un rôle essentiel dans la création de plusieurs consulats africains au Sahara occidental. Sa proximité avec la diplomatie marocaine avait permis aux autorités centrafricaines d’avoir des relais à l’international notamment à l’ONU, avec l’ambassadeur marocain Omar Hilale.
Enfin, le président Touadera est empêtré avec les affaires impliquant plusieurs ministres, des conseillers à la Présidence et à la Primature. Plusieurs chefs de guerre signataires de l’Accord de Khartoum ont repris leur liberté et menacent de nouveau la déstabilisation du pays. Le Pacte de non-agression permettant la réélection de Faustin-Archange Touadera a volé en éclats. Pour les prochaines élections, il faudra s’armer, pas seulement de détermination, pour assurer le vote démocratique des citoyens.
Les revers politiques inédits
En Centrafrique, les temps changent. Jusqu’à maintenant, les députés et les organes constitutionnels de contrôle étaient surtout sensibles aux incitations sonnantes et trébuchantes. La corruption a toujours été le moteur politique du pays, à condition évidemment que le » carburant » soit de qualité.
Depuis plusieurs semaines, le moteur s’est grippé, au grand désespoir du chef de l’Etat. Ce fut d’abord l’échec de la tentative désespérée du clan présidentiel de modifier la Constitution, puis l’émancipation des députés s’opposant au tripatouillage de l’Autorité nationale des élections ( ANE).
La Cour constitutionnelle réhabilitée
Une révision constitutionnelle aurait permis d’envisager une situation de force majeure autorisant ainsi de s’émanciper des dispositions constitutionnelles fixant » ne varietur » la durée à la fois du mandat présidentiel et de celui des députés. La proposition de loi des députés, écrite par le Palais de la Renaissance, n’a pas reçu, le 5 juin 2020, un avis favorable.
Exit donc une disposition constitutionnelle permettant une prolongation, sans véritable limite, du mandat présidentiel. En revanche, s’alignant sur les recommandations du Conseil de sécurité de l’ONU et du G5 Centrafrique, la Cour constitutionnelle rappelle l’exigence d’un consensus national pour résoudre un éventuel vide constitutionnel. Tout ce qui dérange le clan présidentiel et remet en scène ses principaux opposants.
Les députés se rebiffent
Aux termes de la Constitution du 30 mars 2016, l’ ANE n’est plus un simple organe technique. Elle est devenue une institution de la République. Il fallait donc, dans un délai d’une année, prendre une loi organique fixant son organisation, sa composition et son fonctionnement. Evidemment, cette loi ne fut pas prise en dépit de la bonne volonté des députés. Là encore, la pression de Conseil de sécurité de l’ONU et du G5 Centrafrique aura été trop forte pour le clan présidentiel. Dans une ultime tentative de nouveau tripatouillage, le clan présidentiel tenta de reporter les effets de la loi organique à l’issue de mandat des membres de l’ ANE, alors organe technique.
Ce sursaut désespéré pour maintenir des membres de l’ANE aux ordres ne fut pas couronné de succès. Le 7 juillet 2020, les 86 députés, sensibilisés par une promesse d’environ un million de francs cfa, résistèrent et votèrent conformément au texte élaboré par une commission spéciale de l’Assemblée nationale. Les désormais onze membres de l’ANE seront opérationnels dès l’entrée en vigueur de la loi organique, tandis que les neuf précédents membres, sans légitimité, siégeront jusqu’à la fin de leur mandat, le 23 décembre 2020. Nouvelle contrariété pour le président Touadera.
Le président Touadera sous surveillance
Le 26 juin 2020, le président congolais, Denis Sassou-Nguesso, en sa qualité de médiateur de la crise centrafricaine, n’hésita pas, au nez et à la barbe du président centrafricain, à faire venir dans son fief d’Oyo, François Bozizé et Abdoul Karim Meckassoua pour mieux cerner la dangereuse dégradation de la situation, à cinq mois des échéances électorales. Alors qu’à Bangui, un chargé d’affaires expédie les affaires courantes à l’ambassade de France, Mankeur Ndiaye, Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU en RCA et chef de la Minusca, venait à l’Élysée, en ce 9 juillet 2020, pour faire part de ses inquiétudes à Franck Paris, le conseiller Afrique du président Macron, notamment » pour la mise en œuvre de l’Accord de paix et les défis du processus électoral… « .
Il semble bien que la totale liberté dont jouissait Faustin-Archange Touadera soit de plus en plus surveillée, à mesure qu’approche la fin de son mandat présidentiel. Cette perte de confiance s’accompagne inévitablement d’une montée en puissance des oppositions et de l’émancipation des politiciens qui voient se tarir peu à peu la mangeoire. Les signes de faiblesse n’ont jamais été très bons pour les locataires du Palais de la Renaissance.