À force de tromperies, de double jeu permanent, de mépris de l’intérêt national, le pouvoir centrafricain se rapproche de la fin de partie. Elle pourrait être rude pour les uns et les autres.
La volte-face du chef rebelle Ali Darassa et néanmoins conseiller militaire du Premier ministre, concernant un énième accord de paix, aussi vite dénoncé dès son retour auprès de ses bandes armées, pourrait faire hausser les épaules, cela étant tellement prévisible.
De Charybde en Scylla
La liste des échecs du chef de l’État centrafricain s’allonge chaque jour davantage. A ceux-là s’ajoutent le mépris, sans vergogne, des principes fondamentaux de la démocratie et de la bonne gouvernance.
Contrairement à la propagande officielle et aux déclarations des responsables de l’ONU et de l’Union africaine, le bilan de son quinquennat est catastrophique. Le point d’orgue aura été le fameux Accord de Khartoum, signé à Bangui le 6 février 2019. La communauté internationale s’est accrochée invariablement à ce pacte de non-agression entre des parties n’ayant que des objectifs patrimoniaux et faisant peu de cas de l’intérêt national.
Comment ces responsables de l’ONU et de l’Union africaine ont-ils pu agréer un pacte conclu pour la réélection de Faustin-Archange Touadera, alors que les partis politiques républicains et les forces vives de la nation ont été éjectés des pourparlers de Khartoum – à l’exception de la caution du MLPC de Martin Ziguele – et écartés de la mise en œuvre de cet accord léonin ?
Les dernières provocations des chefs rebelles notamment celles de Abass Sidiki, Al-Khatim et surtout d’Ali Darassa, viennent enfin d’ouvrir les yeux, semble-t-il, des dirigeants centrafricains, désormais confinés autour du PK 0 de Bangui. Mais étaient-ils vraiment dupes ? Leur pactisation avec des groupes terroristes s’apparente à la lâcheté de l’ancien premier ministre britannique, Neville Chamberlain vis-à-vis de Hitler. Après l’Accord de Munich du 30 septembre 1938, il déclarait : » le Fuhrer est un gentleman sur qui on peut compter, lorsqu’il a engagé sa parole ». On connait la suite. Firmin Ngrebada et Faustin-Archange Touadera sont des lointains successeurs de Neville Chamberlain.
A propos de l’Accord de Khartoum, un homme politique centrafricain aurait pu déclarer comme Winston Churchill : » ils ont voulu éviter la guerre au prix du déshonneur, ils ont le déshonneur et la guerre ». Avec Ali Darassa, ils ont voulu la paix dans le déshonneur et au mépris des souffrances du peuple centrafricain, ils auront eu « la perfidie », « les duperies », » l’asservissement des populations de régions entières » et probablement la guerre civile. Ils devront répondre de cette tragique entente diabolique.
La mise en cause de l’ONU et de l’Union africaine
« On ne déjeune pas avec le diable, même avec une très longue cuillère « . Cette phrase de l’ancien premier ministre Français, Raymond Barre, peut être appliquée au président Touadera, à son premier ministre Firmin Ngrebada et à leurs conseillers. Elle doit aussi concerner Jean-Pierre Lacroix, Secrétaire général adjoint de l’ONU et Smail Chergui, président du comité Paix et Sécurité de l’Union africaine.
Comment ces deux responsables de l’ONU et de l’Union africaine ont pu être les facilitateurs voire les organisateurs des pourparlers de Khartoum en janvier 2019 ? Comment ont-ils pu valider cette directive russe, tellement invraisemblable, alors que les tourments des Centrafricains venaient surtout de ce pays aux mains d’un despote ? En janvier 2019, la capitale soudanaise était déjà en ébullition et des dizaines de morts jonchaient alors les rues de la capitale soudanaise. Comment Omar el-Bechir, le despote sanguinaire, ami de Touadera, sous sanctions internationales, notamment de l’ONU, et sous mandat d’arrêt de la CPI depuis plusieurs années, pouvait-il jouer les bons offices et se congratuler avec Jean-Pierre Lacroix et Smail Chergui, à l’issue de cette invraisemblable rencontre entre le gouvernement centrafricain et des chefs rebelles qui mettent à feu et à sang le pays ? Il faudra un jour qu’Antonio Gutteres, Jean-Pierre Lacroix, Mankeur Ndiaye pour l’ONU, Moussa Faki Mahamat et Smail Chergui s’en expliquent.
Une situation explosive
A moins de cinq mois du premier tour de l’élection présidentielle, la situation est devenue explosive. La volte-face d’Ali Darassa reçu avec les honneurs à Bangui révoltent les citoyens et attisent les mécontentements de toutes parts. Les tripatouillages de l’Autorité nationale des elections sont de plus en plus incendiaires, d’autant que cette structure aux mains du pouvoir a perdu sa légitimité et sa légalité même si le président Touadera rechigne à promulguer la loi organique qui devrait mettre fin à ses forfaitures. En se voilant la face devant une telle situation, les responsables de la communauté internationale qui étaient au chevet de la République centrafricaine, auront à assumer leurs responsabilités dans leur soutien inconditionnel au président Touadera et à son clan tribalo-affairiste. Ils auront fort à faire dans un conflit qui ne sera plus » à faible intensité ». L’exemple de l’Accord de Munich de 1938 n’aura servi à rien.