Après le retour rocambolesque de l’ancien président François Bozize ( 2003-2013), le 15 décembre 2019, c’est maintenant au tour de l’ancien président de la premiere Transition ( 25 mars 2013-10 janvier 2014), Michel Am-Nondroko Djotodia, de revenir dans son pays, après six ans d’exil. Deux retours très différents
François Bozizé était en exil en Ouganda toujours sous la menace d’un mandat d’arrêt international, émis par les autorités centrafricaines de la seconde Transition, présidée par Catherine Samba-Panza. François Bozizé est encore sous sanction onusienne et des Etats Unis d’Amérique concernant le gel de ses avoirs et l’interdiction de voyager. Mondafrique a rappelé les conditions de son retour à Bangui, à la barbe des services de renseignement du président Touadera. On ne peut pas dire que ce retour inopiné ait réjoui le Palais de la Renaissance de Bangui, d’autant que son aura auprès de la population de la capitale est devenue un problème pour le président Touadera.
La montée de la paranoia
Les rumeurs et fake news annoncent, par intermittence, des troubles populaires à Bangui, conduisant à un renforcement des forces de sécurité et à une montée de la paranoïa, notamment dans la milice » Les Requins » du parti présidentiel. La première intention du pouvoir était bien de procéder à l’exécution du mandat d’arrêt international à l’encontre de François Bozizé. Sur les conseils appuyés de chefs d’État de la CEEAC, notamment de Felix Tshisekedi et de Denis Sassou Nguesso, le président Touadera a dû renoncer à cette arrestation. Évidemment, ce » caillou dans la chaussure » du président Touadera ne facilitera pas sa réélection en 2020-2021 qui était jusqu’alors très probable.
Michel Am-Nondroko Djotodia avait été destitué, après sa convocation à Ndjamena par Idriss Deby Itno, alors président en exercice de la CEEAC. C’ était le 10 janvier 2014. Très symboliquement, le tombeur de François Bozize, le 25 mars 2013, est rentré à Bangui, ce 10 janvier 2020. Michel Am-Nondroko Djotodia s’était rendu volontairement en exil au Benin, son pays d’adoption, où il était déjà installé, pour reprendre ses affaires. N’ayant pas de sanction particulière, il pouvait voyager à sa guise, comme récemment au Niger, où il avait rencontré Mahamadou Issoufou.
Plusieurs émissaires du président Touadera s’étaient rendus à Cotonou pour presser Michel Am-Nondroko Djotodia de revenir à Bangui. Avec le retour de Francois Bozizé, ce retour était devenu une priorité pour contrer l’influence grandissante de Francois Bozizé. Ce fut donc fait ce vendredi 10 janvier 2020 par un vol régulier de la Royal Air Maroc avec un accueil protocolaire à l’aéroport de Bangui, ponctué immédiatement par une réception au Palais de la Renaissance par le Président Touadera.
Désormais, la situation est clarifiée. Le régime du président Touadera fait ouvertement une alliance avec les groupes armés de l’ ex- Seleka et Michel Am-Nondroko Djotodia, leur ancien leader, contre les anti- balaka et l’ancien président Bozizé, proscrit du pouvoir actuel. La réconciliation nationale s’éloigne dangereusement.
Deux « ambassadeurs de la Paix »
Les deux anciens chefs de l’État proclament que s’ils sont de retour à Bangui, c’est uniquement pour promouvoir la Paix. Espérons-le ! En tous cas, ils ont déjà fumé le calumet de la paix. Au début 2015, ils avaient dirigé les délégations de l’ex-Seleka, pour l’un, et des anti-balaka, pour l’autre. Cette négociation, entreprise à Nairobi, sous la médiation du président kenyan, du Premier ministre ougandais et des émissaires de Denis Sassou Nguesso, avait abouti à l’Accord de Nairobi, du15 avril 2015. On connait la suite. Cet accord fût mort-né car Catherine Samba-Panza n’y était pas associée ainsi que la CEEAC, voire la France.
Aujourd’hui, François Bozizé a retrouvé son parti KNK avec ses nombreux militants dans tout le pays et évidemment surtout chez les Gbaya. Il a sa disposition une machine partisane qui avait fait ses preuves aux élections de 2011. Faustin-Archange Touadera, son premier ministre de l’époque (2008-2013) en sait quelque chose. Quant à Michel Am-Nondroko Djotodia, c’est un homme seul. Son groupe armé, l’ UFDR, a implosé tandis que les Goula, les Kara et les Rounga sont toujours à couteaux tirés, comme en témoignent la guerre qui les opposent dans le nord-est. Certes, Michel Am-Nondroko Djotodia est un russophile et russophone, pour avoir vécu 14 années dans l’ex-URSS. Est-ce que cela sera suffisant pour qu’ il s’implique pour consolider l’Accord de Khartoum qui a permis d’associer les groupes armés de l’ex Seleka à la gouvernance actuelle ? Rien n’est moins sûr.
Malheureusement les bienfaits de l’Accord de Khartoum se font attendre. Les gesticulations et les déclarations déniant la réalité du terrain n’empêcheront pas les Centrafricains de réclamer la fin de l’impunité et la réhabilitation de la justice.
Il n’est pas sûr que le retour de ces deux anciens chefs de l’État à Bangui, qui ont une très grande responsabilité dans la crise centrafricaine actuelle, soit de bonne augure pour la réconciliation nationale et le retour à la paix.
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