D’après Human Rtghts Watch, les forces de sécurité et les séparatistes provoqué la mort de 170 civils et incendié des centaines d’habitations depuis six mois
(Nairobi, le 28 mars 2019) – Les forces gouvernementales des régions anglophones du Cameroun ont tué plusieurs dizaines de civils, recouru à la force de manière indiscriminée et incendié des centaines d’habitations au cours des six derniers mois, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Des séparatistes armés ont attaqué et enlevé des dizaines de personnes durant cette même période, exécutant au moins deux hommes, dans un climat marqué par une violence croissante et par la multiplication des appels à la sécession des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
La violence s’est intensifiée depuis octobre 2018, les forces gouvernementales ayant mené des opérations de sécurité de grande ampleur et les séparatistes ayant lancé plusieurs attaques. Le gouvernement camerounais devrait enquêter sur les allégations d’atteintes aux droits humains et garantir la protection des civils lors des opérations de sécurité. Les chefs séparatistes devraient immédiatement ordonner à leurs combattants et à leurs sympathisants de mettre fin à toutes les atteintes aux droits humains et de cesser d’entraver la scolarité des enfants.
« Les autorités camerounaises sont dans l’obligation d’apporter une réponse conforme au droit et de protéger les droits des populations pendant les périodes de violence », a déclaré Lewis Mudge, directeur pour l’Afrique centrale à Human Rights Watch. « En ciblant les civils, le gouvernement fait preuve d’une réaction disproportionnée qui est contre-productive et risque de provoquer davantage de violence. »
Depuis le mois d’octobre, au moins 170 civils ont été tués lors de plus de 220 incidents qui se sont produits dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, d’après les médias et la recherche de Human Rights Watch. Étant donné la persistance des affrontements et la difficulté à obtenir des informations dans des zones reculées, le nombre de civils décédés lors de ces incidents est probablement plus élevé.
Human Rights Watch a interrogé 140 victimes, membres de leurs familles et témoins entre décembre et mars, dont 80 en personne dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest en janvier.
À l’automne 2017, les forces de sécurité camerounaises ont réprimé des manifestations de grande ampleur organisées pour fêter l’indépendance symbolique des régions anglophones vis-à-vis des zones francophones du pays ; ces incidents ont fait plus de 20 morts parmi les manifestants. Depuis, l’émergence de groupes séparatistes armés s’est accompagnée d’attaques et d’une hausse de la militarisation des régions anglophones. Ces troubles ont provoqué le déplacement de plus d’un demi-million de personnes depuis la fin de 2016.
Les recherches menées par Human Rights Watch indiquent que, depuis octobre dernier, les forces de sécurité, dont des militaires, des membres du Bataillon d’intervention rapide (BIR) et des gendarmes, ont tué des civils, recouru à la force de manière indiscriminée, et détruit et pillé des biens privés et publics.
Lors d’un de ces cas, des témoins ont déclaré que les forces de sécurité camerounaises avaient attaqué en novembre le village d’Abuh, dans la région du Nord-Ouest, et réduit en cendres tout un quartier. Des images satellitaires et des preuves photographiques obtenues par Human Rights Watch montrent que jusqu’à 60 structures ont été détruites.