Cameroun, vers une nouvelle candidature de Paul Biya

Alors que les élection sénatoriales ont lieu le dimanche 25 mars, le président Paul Biya (85 ans) se prépare pour l’élection présidentielle qui devrait avoir lieu en octobre 2018.
Encouragé par son épouse, le deuxième chef de l’Etat depuis l’indépendance, en 1960, met en place méthodiquement les préparatifs de sa très probable candidature.
Pratiquant avec talent la gouvernance à distance, depuis le 6 novembre 1982, le chef de l’État camerounais est passé maître dans la gestion politique de ses adversaires mais aussi des dignitaires du régime qui subissent, à tour de rôle et parfois durement, la disgrâce du Prince.
Une gouvernance autocratique qui ne peut s’interrompre

Fait exceptionnel au Cameroun, le président de la République a réuni le conseil des ministres, le 15 mars 2018, faisant suite au réaménagement technique gouvernemental du 2 mars 2018.  Le dernier conseil des ministres avait eu lieu le 15 octobre 2015. Ce récent conseil des ministres a permis à de nombreux ministres de voir ou revoir physiquement le chef de l’État qui ne fréquente guère le Palais Etoudi, vivant le plus souvent dans son village natal près de Sangmelima ou à l’étranger. Selon une étude du Projet d’information sur la criminalité organisée et la corruption (Occrp) et de Transparency international, reprise par RFI, depuis 1982, Paul Biya a passé quatre ans et demi à l’étranger, en dehors des visites officielles.

Ayant probablement lu le Bréviaire des politiciens du cardinal Mazarin et « Le Prince » de Machiavel, Paul Biya est loin d’être un dilettante. Ses absences de Yaoundé ne l’empêchent pas d’être l’un des présidents africains les mieux informés et les plus impliqués dans la  gestion de son pays. Renoncer à une nouvelle candidature lui serait probablement assimilable à une démission conduisant à un naufrage, comme fut celle de son prédécesseur. Comme toujours, l’annonce de sa candidature se fera après une campagne médiatique mobilisant le Rassemblement démocratique du peuple camerounais, le quasi parti-État.

Un gouvernement en ordre de bataille
En poste depuis 9 ans, le Premier ministre Philemon Yang est le parfait relais loyal et transparent du chef de l’État. Le remaniement gouvernemental du 2 mars ne bouleverse pas les équilibres régionaux.
La nomination de Paul Atanga Nji comme ministre de l’Administration territoriale est assurément la plus importante. Le natif de Bamenda, épicentre de la crise avec les anglophones, était ministre à la présidence depuis une décennie. Spécialiste du renseignement, opposant historique à John Fru Ndi, Paul Atanga Ndi est particulièrement chargé de remettre de l’ordre dans les préfectures, à l’approche des prochaines élections, et surtout de renouer avec les  Fons, chefs traditionnels des deux régions anglophones, pour réduire l’influence des sécessionnistes.
Il pourra être aidé par Joseph Dion Ngute ancien ministre chargé du Commonwealth et désormais ministre à la présidence. L’autre événement est le limogeage de Martin Belinga Eboutou (78 ans), ministre directeur du cabinet civil de Paul Biya. Ce diplomate paie ses relations ambiguës avec l’Église catholique, notamment à la suite du décès controversé de Mgr Bala. Pour Paul Biya, les relations avec le Vatican ne peuvent évidemment se tendre avant les élections. Il est remplacé par Samuel Ayolo Mvodo, qui était ambassadeur à Paris, lui aussi natif d’un village près de Sangmelima.
Les structures périphériques reprises en main
Le 25 mars 2018, les 9887 conseillers municipaux vont élire 70 sénateurs, tandis que Paul Biya en désignera 30. Sur 100 sénateurs le RDPC devrait en compter environ 80. Selon la constitution, c’est le président du Sénat qui assure la vacance de la présidence de la république sans toutefois pouvoir se présenter à l’élection. Un nouveau  président du Sénat devrait succéder à Marcel Niat Njifenji ( 83 ans).

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Depuis avril 2017, l’organe chargé des élections,  Election Cameroun (ELECAM), à été renouvelé. Il est désormais présidé par Enow Abrams Egbe qui est originaire du Manyu, théâtre de violences mettant aux prises des sécessionnistes anglophones aux forces de l’ordre. Il sera surtout chargé d’éviter des troubles électoraux dans les deux régions anglophones.
Le conseil constitutionnel, créé il y a 22 ans, est enfin opérationnel. Par decret du 8 fevrier 2018, Paul Biya a nommé les onze membres dont le président, Clément Atangana (76 ans), natif lui aussi d’une localité peu éloignée du village natal de Paul Biya. Les conseillers membres du RDPC y sont majoritaires. C’est le Conseil constitutionnel qui juge les différends électoraux et proclame les résultats.
La visite officielle que Paul Biya vient d’effectuer en Chine et ses déclarations montrent bien que le chef de l’État camerounais se projette dans l’avenir. De même, l’organisation de la Coupe d’Afrique des Nations de football au Cameroun en juin 2019, est un engagement personnel que Paul Biya entend concrétiser en participant aux cérémonies protocolaires qui sont toujours retentissantes en Afrique.