Le vieux compagnon de route de Paul Biya (85 ans), Martin Bélinga Eboutou (78 ans), tout puissant directeur de cabinet civil durant 10 ans, n’en revient pas de son limogeage qui est pourtant loin d’être surprenant.
La disgrâce de Martin Bélinga Eboutou pourrait mal se terminer pour l’intéressé, pourtant affaibli par des ennuis de santé. Dans certains milieux de l’opposition, on se demande s’il ne va pas devoir commencer à faire sa valise pour rejoindre le quartier VIP de la prison centrale de Kondengui de Yaoundé, où se trouvent un peu plus de 4300 détenus pour un bon millier de places. Il pourrait être la prochaine victime de l’Opération Epervier, censée lutter contre la corruption qui est endémique au Cameroun.
Des têtes et des Jeux
Comme tant d’autres avant lui, l’ancien confident du chef de l’Etat, qu’il connut dans sa jeunesse au séminaire catholique d’Akono, fait l’objet d’un « sacrifice » quasiment rituel. Les empereurs de la Rome antique avaient compris que le peuple romain réclamait du « Pain et des Jeux » pour qu’ils puissent se maintenir au pouvoir et leur demander des sacrifices. Paul Biya se contente de donner au peuple camerounais « des Têtes et des Jeux ».
On comprend l’importance que le président Biya attache à la prochaine Coupe d’Afrique des Nations, normalement prévue au Cameroun, en juin 2019. Le stade Paul-Biya d’Olembe devrait être le couronnement du règne du vieux lion indomptable. Toutefois, les retards importants dans la construction des infrastructures lui sont probablement insupportables, d’autant qu’ils sont largement dûs à la corruption. Martin Bélinga Eboutou est la victime toute trouvée de ces difficultés qui commencent à fortement inquiéter la confédération africaine de football et surtout son président malgache Ahmad Ahmad, peu favorable à une organisation camerounaise.
Bélinga, une victime expiatoire
Sans le moindre égard envers son ancien principal collaborateur, le vieil autocrate Beti a rejoint ses quartiers suisses de l’hôtel intercontinental de Genève. C’est à quelques mètres de là que Martin Bélinga Eboutou avait appris, le 2 mars 2018, par des sources privées, qu’il avait été dégagé du pouvoir. Dans ces cas de limogeage, le président Biya ne fait pas de sentiments, ce qui pourrait atténuer la satisfaction du peuple camerounais et la vindicte populaire. Déjà l’arrestation rocambolesque et manu militari, abondamment relayée par les médias, de Basile Atangana Kouna, ministre de l’eau et de l’énergie, a été mise au crédit de la volonté présidentielle de lutter contre le plus grand fléau qui mine le pays. La probable prochaine Lettre de cachet délivrée contre Martin Bélinga Eboutou préparerait on ne peut mieux l’annonce d’une nouvelle candidature de Paul Biya.
La disgrâce paraît insupportable à Martin Bélinga Eboutou. Pourtant, cet onctueux ancien diplomate, spécialiste du droit canon, n’était plus en odeur de sainteté avec l’Église catholique, surtout depuis le décès énigmatique de Mgr Bala, évêque de Bafia. Y a t-il une coïncidence ? Après le limogeage de Martin Bélinga Eboutou, le Vatican a nommé, le 24 mars 2018, un nouveau nonce apostolique au Cameroun. Mgr Julio Murat va donc succéder à Mgr Piero Pioppio qui avait quitté Yaoundé, début septembre 2017, sur la pointe des pieds. Ce réchauffement diplomatique est le bienvenu à proximité de l’élection présidentielle