La candidature à la prochaine élection présidentielle de François Bozizé, officielle depuis le samedi 25 juillet, ajoute des risques de déflagration à la situation politique déja explosive que connait la Centrafrique.
La candidature à l’élection présidentielle de François Bozizé, était attendue. Elle est désormais officielle après son investiture par son parti, le KNK, ce 25 juillet 2020. Sera-t-elle validée par la Cour constitutionnelle ? Avec ou sans Bozizé, la campagne électorale promet d’être à haut risque et quelque soit le vainqueur, on peut craindre que la réconciliation nationale s’éloignera encore davantage.
Bozizé ne craint pas Touadera
L’ancien premier ministre de François Bozizé n’est ni Macky Sall, ancien premier ministre d’Abdoulaye Wade, ni Roch Christian Kaboré, ancien premier ministre de Blaise Compaoré. Dans des conditions différentes, Macky Sall et Roch Christian Kaboré ont pris la place de leur ancien mentor, sans laisser leur pays aller à vau-l’eau. Faustin-Archange Touadera n’a pas leur sens politique et leur volonté de combattre les vrais ennemis de leur pays. L’actuel président centrafricain est un universitaire rattrapé, sur le tard, par la politique, poussé par un clan tribalo-affairiste ayant trouvé en lui une personnalité idéale, car malléable, pour assouvir leurs projets d’enrichissement personnel. François Bozizé n’avait pas fait autrement en le sortant du rectorat de l’université de Bangui, sur les conseils de Fidèle Gouandjika, oncle du « petit », qui est passé maître dans les turpitudes machiavéliques. Durant les cinq années passées à la Primature, il accepta sans broncher tous les coups tordus du président Bozizé et de ses proches, de la liquidation de Charles Massi au hold up électoral de 2011. Il ne put faire preuve d’autorité envers ses principaux ministres, les parents du président et de leurs protégés. François Bozizé connait trop bien son ancien premier ministre ainsi que ses principaux conseillers qui furent, il n’y pas si longtemps, les siens. Le moment venu, le grand déballage pourrait bien nourrir la campagne électorale. Comme il l’a prouvé en revenant d’exil, en organisant des meetings de masse et en mobilisant ses partisans en toute quiétude, François Bozizé ne craint pas le président Touadera qu’il sait irrésolu et cantonné dans le statu quo.
La faute du président Touadera
En dépit des recommandations de l’ONU, de la France et des Etats-Unis d’Amérique, Faustin-Archange Touadera n’ a pas souhaité réunir les forces vives de la nation pour apaiser un climat qui s’envenime dangeureusement, surtout si les échéances électorales constitutionnelles ne peuvent plus être respectées. Avec son Premier ministre Firmin Ngrebada, il a préféré jouer la réconciliation avec les quatorze groupes armés rebelles, issus largement de l’ex Seleka. L’Accord de Khartoum a exclu les partis politiques républicains et les représentants de la société civile. La main tendue aux rebelles, qui terrorisent la population, applaudie par le G5 ( ONU, Ua, UE, Fr, EU, Ru), ne saurait être un pas vers la réconciliation nationale. Il sera facile à François Bozizé, à propos de cet accord contre nature avec des rebelles pour la plupart étrangers, de rappeler la sentence de Winston Churchill : » Vous avez voulu éviter la guerre au prix du déshonneur, vous avez eu le deshonneur et vous aurez la guerre ».
Deux poids et deux mesures
Quelque soit le sort réservé à la candidature de François Bozizé, cette alliance entre le Palais de la Renaissance et les chefs historiques de l’ex Seleka, avec le soutien de Michel Djotodia, le tombeur de Bozizé, restera indélébile. François Bozizé et le KNK, qui renait de ses cendres, ne manqueront pas de rappeler que le président Touadera a permis, en revanche, l’arrestation et l’emprisonnement à la CPI de La Haye de deux chefs anti balaka ayant combattu les ex Seleka, tandis que plusieurs des chefs rebelles, sous sanctions onusienne et centrafricaine, sont transportés par l »ONU à Bangui, pour des réunions avec le chef de l’Etat. De même, deux ministres, issus des anti balaka, sont actuellement dans les mains de la justice de Bangui, alors que d’autres ministres, représentant des groupes rebelles, sont dans le même temps impliqués dans des combats dans le nord-est du pays. Le « deux poids, deux mesures » est dans les bouches de nombreux Centrafricains. Ce sera probablement le principal argument de François Bozizé.
Vers un retour en 2013
Inéluctablement, le face-à-face entre Faustin-Archange Touadera et François Bozizé risque fort de revenir à l’ancien clivage entre les ex Seleka relégitimés, par l’accord de Khartoum et la volonté du président Touadera, et les anciens anti balaka, revigorés par le retour de François Bozizé et l’esprit de révolte largement partagé dans la population mais aussi dans les rangs des sous-officiers et des officiers de l’Armée. Depuis une quarantaine d’années, François Bozizé s’est surtout illustré par les tentatives de conquête du pouvoir plutôt que par le souci d’instaurer la bonne gouvernance et d’assurer le développement économique et social de son pays. Avec un tel challenge, les Centrafricains pourraient bien voir leurs espoirs dans la paix, une nouvelle fois déçus.
Une fin d’année de tous les dangers
La fin de l’année s’annonce pleine de risques. Les contestations concernant la composition et le fonctionnement de l’Autorité Nationale des Élections (ANE) pourraient devenir davantage conflictuelles. La loi organique concernant l’ANE abroge désormais son ancienne version qui était un organe technique à disposition du pouvoir. On devine la position de l’opposition républicaine et de François Bozizé. Vont-ils accepter les décisions d’un organe gouvernemental frappé de caducité par la Constitution ? Un rejet de la candidature de François Bozizé, eu égards à son passé et aux sanctions dont il n’est pas exonérées, ne sera pas facile à gérer, notamment dans Bangui et sa banlieue, sans compter dans ses fiefs Gbaya. Une campagne électorale bâclée, avec ses innombrables irrégularités, pourrait exacerber les passions. Un report des échéances électorales créerait un vide constitutionnel de tous les dangers, si les forces vives de la nation ne sont pas réunies. Enfin, un hold up électoral, similaire à celui de 2011, lorsque le tandem Bozizé-Touadera était à la manoeuvre, ajouterait une nouvelle étape au processus de désintégration de cet État dont on peut d »ailleurs se demander s’il existe encore. Le microcosme politique banguissois, qui est aux affaires depuis plusieurs décennies, en est-il conscient ?