Les rumeurs les plus folles courent sur l’état de santé du chef de l’Etat algérien, Abdelaziz Bouteflika dont certains n’hésitent à annoncer la mort clinique. La visite les 5 et 6 avril derniers à Alger de Bernard Cazeneuve, le Premier ministre français qui n’a pas été reçu par le président algérien a ouvert la porte à toutes les supputations. Il est vrai que les Algériens ne voient guère apparaitre leur Président qu’à l’occasion des audiences accordées aux personnalités étrangères.
Tournage difficile
Le Premier ministre français qui a longtemps attendu d’être reçu par le chef de l’Etat algérien était tellement sûr d’être accueilli que le service de communication de Matignon s’était empressé d’annoncer la rencontre dans son communiqué de presse du 6 avril vers 16 heures. « Bernard Cazeneuve a ensuite rencontré le président de la République algérienne, Abdelaziz Bouteflika, en fin d’après-midi (jeudi, 16h00) » est-il écrit. Le communiqué a été corrigé le lendemain matin pour supprimer le passage relatif à l’échange Bouteflika-Cazeneuve.
Autres épisodes marquants, la récente visite de Federica Mogherini, haute représentante de l’Union Européenne pour les affaires étrangères s’est terminée sans qu’elle ne soit reçue par Bouteflika. Les visites de la chancelière allemande, Angela Merkel, et du président iranien Hassan Rohani ont quant à elles été annulées.
Afin de faire taire les rumeurs sur le décès du président algérien, le tournage d’une audience accordée à Abdelkader Messahel, ministre des Affaires maghrébines, de l’Union africaine et de la Ligue des Etats arabes avait alors été organisé afin d’être diffusée par la télévision gouvernementale. Le choix de de M. Messahel s’explique par son appartenance au premier cercle présidentiel. Cet ancien fonctionnaire du Ministère des Affaires Etrangères, natif de Tlemcen et âgé de 67 ans, inconnu du grand public jusqu’au début des années 2000 doit son ascension au seul Bouteflika. Moins d’une année après l’arrivée du chef de l’Etat au palais d’El-Mouradia, en 2000, il est nommé Ministre délégué auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé des Affaires africaines. Depuis, il n’a plus quitté le gouvernement.
L’opération de communication s’est toutefois montrée très difficile. « Pour réaliser la minute vidéo le montrant en compagnie d’Abdelkader Messahel, il avait fallu plus d’une heure trente minutes de tournage tant il était difficile de maintenir le président en position assise et le montrer en conversation avec son interlocuteur » révèle une source proche du cercle présidentiel.
Selon cette même source, le président algérien passe désormais l’essentiel de ses journées allongé sur son lit avec un masque à oxygène qui lui permet de respirer.
Le clan dans les starting-blocks
La dégradation de son état de santé ne laisser pas indifférents ses proches et notamment Saïd Bouteflika, son frère cadet. La succession de Bouteflika est la priorité des priorités de celui qu’on désigne comme le véritable détenteur du pouvoir en Algérie.
Plusieurs profils ont été passés au crible du cercle de la Présidence dont celui d’Ahmed Ouyahia, l’actuel directeur de cabinet du président de la république et chef du RND, le parti rival du FLN créé par le DRS du temps du général Tewfik. L’homme n’inspire pas confiance tant il demeure attaché à l’institution militaire qui pourrait le retourner contre les Bouteflika une fois arrivé à la tête de l’Etat.
Il en est de même pour le Premier ministre Abdelmalek Sellal. Celui que la rue qualifie de « bouffon du roi » est aux yeux des courtisans de la fratrie Bouteflika une véritable girouette. Pour eux, il peut, du jour au lendemain, redonner vie à l’institution militaire affaiblie jusqu’ici depuis le limogeage du général Tewfik et d’une brochette de généraux dont l’ancien chef de la gendarmerie nationale, le général Boustila.
Le général major Abdelghani Hamel, actuel patron de la police, est un bon candidat pour servir les desseins des Bouteflika. Mais, il souffre d’un handicap : celui de ne pas pouvoir mettre au garde-à-vous le chef de l’armée, le général Gaïd Salah qui n’acceptera jamais de servir sous les ordres d’un homme bien plus jeune que lui.
Ali Haddad le financier du club
En dehors de ces trois candidats qui ont du mal à gagner totalement la confiance des Bouteflika et de leur entourage, Saïd, le frère cadet du président représente l’option la plus à même de garantir les intérêts du clan.
Fidèle entre les fidèles, l’homme d’affaire Ali Haddad qui doit sa fortune naissante aux Bouteflika est le plus indiqué pour créer une association qui appellera Saïd Bouteflika à se porter candidat à la succession de son frère. Une association de la société civile qui sera financée généreusement par celui qui se dit capable d’offrir au clan Bouteflika la Kabylie sur un plateau d’argent. Une promesse difficile à tenir tant cette région réputée frondeuse est viscéralement opposée au pouvoir d’Alger.
Le chemin est encore escarpé vers le palais présidentiel d’El-Mouradia.