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Algérie, l’immense solitude du président Abdelmajid Tebboune

Rentré d’Allemagne où il était soigné dans une Algérie en pleine ébullition, le président algérien, Abdelmajid Tebboune, semble plus seul que jamais dans un immobilisme devenu intenable. Sur fond de reprise des manifestations du Hirak qui ne faiblissent pas

De retour en Algérie, Abdelamjid Tebboune tient debout.Après une longue hospitalisation en Allemagne et une opération au pied présentée comme « une conséquence » du Covid19, le président algérien n’apparaît plus qu’en position débout. Debout et immobile.  A la télé, debout derrière son bureau, recevant les membres du gouvernement et les hauts gradés de l’Armée. Face aux photographes accrédités, debout devant un drapeau algérien avec les représentants de l’opposition, « consultés » en vue d’élections législatives anticipées. 

On ne sait pas si le Président de la république est en mesure de faire quelques pas. Plus grave, on ne sait pas si la poursuite de sa politique va marcher. Pour résumer,  le président a décidé de reprendre sa feuille de route, rédigée tout d’abord avec feu Gaïd Salah, l’ex-homme fort du pays à qui il doit son « élection » à la tête du pays, puis ré-écrite avec le nouvel homme fort de l’armée, le général Chengriha .

Une grande solitude

Le président Tebboune parie sur un renouvellement du Parlement et un changement de gouvernement pour contenir les grognes sociales exacerbées par la pandémie du Covid, la chute du prix du pétrole, et les répressions policières contre les jeunes manifestants du Hirak.  Un pari risqué que le président va devoir assumer seul. 

On pourrait résumer la feuille de route par la fameuse maxime « tout changer pour ne rien changer ». Après le renouvellement des cadres du Palais présidentiel d’El-Mouradia, Mr Tebboune compte dissoudre l’Assemblée et à cet effet consulte les chefs des partis d’oppositions agréés pour choisir les dates des législatives anticipées. 

La grogne sociale qui monte ? Le président ne l’entend pas. Les manifestations qui reprennent malgré les répressions policières et les condamnations judiciaires ? Le président ne les voit pas. Le ras le bol qui s’exprime de plus en plus ouvertement dans les administrations et sociétés qui ne peuvent plus payer les salariés ? Cette fois, Mr Tebbboune accuse le gouvernement, qu’il va bientôt changer, laisse-t-il entendre. 

Hirak, le retour


A défaut de relâcher les détenus d’opinion, Mr Tebboune a profité d’une accalmie sur le front Covid19, pour relâcher un peu la pression sur la population, en autorisant la réouverture des cafés, restaurants, hôtels et le marché des voitures, deux fois par mois.  Le couvre feu a été allégé et les mosquées vont pouvoir rouvrir leurs portes. 
Ces annonces n’ont pas empêché la reprise des marches du Hirak, bien au contraire. Elle étaient nombreuses et fournies pour marquer le deuxième anniversaire du mouvement protestataire et pacifique.

Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté ce mardi 16 février, à Kherrata. C’est une ville doublement symbolique : Kherrata est le berceau du Hirak, tout est parti de là ce 16 février 2019, et la ville a aussi la charge symbolique de la naissance de la révolution algérienne contre le colonialisme français, puisqu’elle fut le théâtre avec Sétif des massacres du 8 mai 1945 . 

« Les généraux à la poubelle« 

« Marche grandiose à Kherrata : le Hirak comme au premier jour » titre le journal en ligne TSA. Sur les réseaux sociaux, on entend les manifestants scander les habituels mots d’ordre du Hirak : « Pour l’indépendance de l’Algérie », « Les généraux à la poubelle ».« Un Etat civil , pas une dictature militaire »« La liberté de la justice ».Le retour du Hirak peut-il bousculer l’agenda de Mr Tebboune ? La questionne hante les  responsables politiques algériens, militaires et civils. Cette démonstration de force du Hirak est une piqure de rappel au pouvoir. D’autant qu’à Kherrata on a pu voir défiler les activistes qui ont été arrêtés et emprisonnés, comme le jeune Walid Kechida ou le journaliste Abdelkrim Zeghilèche.

Même la répression, alliée du régime algérien depuis toujours, ne marche pas. L’opposant Karim Tabbou, lui aussi présent à Kherrata s’est entretenu avec l’envoyée spéciale du Monde :« L’heure de la sortie a sonné pour ce système corrompu. Nous espérons la construction d’une Algérie nouvelle », lui a-t-il déclaré. Comme si les longs mois qu’il a passés au cachot n’avaient servi qu’à ternir l’image du pouvoir, immobile devant la contestation populaire.

Ces jours-ci, Mr Tebboune est seul face à son destin. Va-t-il profiter des élections législatives anticipées pour ouvrir le champs politique? Ou campera-t-il il dans un fragile immobilisme devenue clairement obsolète ?  Les prochains jours seront décisifs pour Abdelmajid Tebboune. 

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