En chantre zélé du pouvoir, l’inamovible secrétaire générale de l’Union Générale des Travailleurs Algériens, Abdelmajid Sidi, a appelé mardi 28 janvier, une nouvelle fois le Président sortant Abdelaziz Bouteflika à se porter candidat. Un appel qui se justifie, selon Sidi Said, par «les réalisations innombrables» du chef de l’Etat. Sidi Saïd, a, une fois de plus, fait semblant de défendre les travailleurs en appelant à soutenir une candidature de Bouteflika le gratifiant au passage à une honorifique comparaison avec l’icône de la lutte contre l’apartheid Nelson Mandela.
L’ UGTA, qui semble avoir irrémédiablement scellé son sort à celui d’un régime branlant, est loin du syndicat contestataire qu’il a été pendant de longues décennies. Le seul syndicat reconnu dans le pays à ce jour, n’est plus ce qu’il était. Né en 1956, sous le joug colonial, l’UGTA cristallisait les luttes de tous les travailleurs algériens. Tous se reconnaissaient en ses principes et se revendiquaient d’être ses encartés. Son positionnement en faveur des revendications ouvrières lui avait octroyé le statut du seul représentant des travailleurs.
Son immixtion en politique et son inconditionnel soutien aux pouvoirs en place, en dépits de leurs différents dérapages, lui a fait perdre cette place. Sa persistance à défendre un pouvoir qui s’occupait peu des travailleurs l’a privé du capital de sympathie dont il bénéficiait jusque-au début des années 2000 auprès de larges parties de travailleurs. Sans le carburant de la représentativité opératoire que lui avait octroyé l’actuel régime en 1999 en contrepartie de son implication politique à ses cotés, que reste-t-il réellement à l’UGTA ? Pompier du régime, son secrétaire général n’a pas vu venir une subtile réorientation du pouvoir désireux de «recader» le terrain des représentants sociaux. Par petites touches, il vient d’entamer le travail de substitution de ses interlocuteurs syndicaux en admettant d’ores et déjà que les œuvres sociales des salariés de certains secteurs devraient être administrées par des représentants autres que l’UGTA. Après trois quinquennats de bonnes et loyales servitudes, l’UGTA devra peut-être faire les frais des changements en perspective. Paradoxalement, les temps crépusculaires qui la menacent ne sont pas du seul fait du pouvoir, lequel est d’ailleurs dans sa logique lorsqu’il réaménage les rapports de force en fonction de sa survie. Le déclin qui pointe à l’horizon est imputable pour l’essentiel à la culture syndicale du personnel qui l’anime depuis pratiquement 15 années. Sur tous les choix économiques ou sociaux du pouvoir, il a apporté sa caution. A l’inverse, il n’eut de cesse de discréditer les courants alternatifs en train de s’organiser en associations syndicales. Il mit autant de constance désobligeante à combattre leurs existences qu’il accompagna et adopta les louvoiements des gouvernements face à la demande sociale. Ainsi, la tentation, chez ces syndicalistes en mission commandée, de préserver un certain confort politique et matériel en demeurant dans l’orbite du pouvoir, a pris le dessus sur la vocation militante.
Lâchée de toutes parts, l’UGTA, à travers sa contestable direction, semble aujourd’hui à la peine face à la multiplication des mouvements de contestation sociale. L’émergence des syndicats autonomes a mis en avant les défaillances de cette UGTA «docile». Le dernier faux bond qui a marqué les esprits est celui des syndicalistes d’ArcelorMittal le géant d’acier implanté à Annaba à 600 kms à l’est d’Alger. Les travailleurs ont déserté en masse la section locale de l’UGTA qui comptait des milliers d’affiliés pour lancer un syndicat autonome. Si cette action est une première dans le secteur industriel, ce n’est pas le cas pour les autres secteurs où les syndicats autonomes sont aujourd’hui les meneurs des travailleurs. L’UGTA pendant ce temps là s’est contentée d’observer les grèves, à partir du banc de touche, quand elle n’a pas joué au «syndicat jaune». Pendant que les syndicats, autonomes agissent et gagnent en crédibilité, les sections UGTA notamment des secteurs de la santé, l’éducation et des administrations perdaient du terrain. Aujourd’hui, ces sections sont marginales pour ne pas dire d’aucun poids sur les employés du secteur. Seule une faible partie de ces derniers leur reste fidèles. Les syndicats autonomes ont pris les devants et n’ayant aucun fil à la pâte ne craignent pas les bras de fer avec les tutelles. Le Salaire National Minimum garanti (SNMG) qui a triplé depuis 12 ans, passant de 6000 dinars à 18000 dinars (un peu plus que 160 euros), est loin de pourvoir aux travailleurs un pouvoir d’achat conséquent. L’inflation à deux chiffres qu’a connu le pays en 2012 a érodé les différentes augmentations obtenues. La spirale de l’envolée des prix qui n’a pas de limites, a une nouvelle fois poussé les travailleurs à recourir aux grèves.
Les syndicats autonomes notamment dans les secteurs de l’éducation et de la santé, sont de toutes les luttes syndicales depuis 2003. Ils sont seuls à revendiquer une amélioration des conditions des travailleurs. Les employés des deux secteurs ne doivent l’amélioration de leur condition de vie qu’à la persévérance de leurs représentants autonomes.
Le dernier débrayage en date et celui du secteur de l’Education. Une grève a paralysé tout le secteur durant trois jours. Les grévistes qui n’ont trouvé aucun accord avec leur tutelle sur la révision des statuts particuliers menacent de reconduire la grève pour une période illimitée. Quatre des cinq syndicats du secteur menacent de priver les 8 millions d’élèves de cours jusqu’à satisfaction totale de leurs revendications. On avertit même que les syndicats autonomes de l’éducation pourraient appeler au boycott des prochaines présidentielles. C’est dire que les syndicats, qui savant pertinemment que le pouvoir ne lâche du lest qu’en période électorale, sont déterminés à faire aboutir leurs revendications quitte à faire du chantage au pouvoir. Un chantage que n’osera jamais un UGTA flagorneur.
PAR NIDHAL DAÏM