Algérie, l’énigme Gaïd Salah

Dans les coulisses du pouvoir algérien, la question est ouvertement posée sur l’attitude qu’adoptera le chef d’état major, Gaïd Salah, l’homme fort de la transition, face aux velléités du clan Bouteflika de demeurer au coeur du réacteur.

Depuis le début des manifestations populaires qui ont mis en cause le pouvoir algérien de façon massive, le chef d’état major, Gaïd Salah, est apparu hésitant. De retour des Emirats Arabes Unis, dont il est fort proche, ce général légitimiste, qui a toujours affiché da loyauté vis à vis du président Bouteflika depuis sa nomination en 2004, mettait en garde les manifestants sur les risques de troubles provoqués par les mobilisations de rue. Le lendemain, le message était effacé et le général-major vantait, dans un registre connu, l’unité jamais démentie entre le peuple algérien et son armée.

Une certitude, les forces de l’ordre, dont la gendarmerie placée sous les ordres de l’Etat-Major, n’ont cherché à aucun moment à envenimer la situation sécuritaire et ont adopté une attitude particulièrement responsable face aux foules descendues dans les rues.

A quoi joue le général Gaïd Salah? On connaissait, ces dernières années, l’opposition résolue du chef d’état major à toute succession familiale incarnée par le frère du président Said Bouteflika. Ces derniers temps et après avoir fait un grand ménage au sin des forces sécuritaires, le gradé avait pris des contacts indirects avec plusieurs personnalités politiques comme les anciens Premiers ministres Ali Benflis ou Mouloud Hamrouche.

On s’interroge désormais au sein des milieux dirigeants algériens sur les choix qui seront en définitive ceux d’un Gaid Salah, l’homme fort, par défaut, de la transition actuelle.

Le camp Bouteflika sur la défensive

Le lendemain des manifestations monstres de vendredi 15 mars, le camp présidentiel était apparu divisé. Certes, le Premier ministre, Noureddine Bedoui, se montrait partisan d’une dissolution de l’APN (Assemblée Populaire Nationale). Cet ancien ministre de l’Intérieur, fidèle d’entre les fidèles, évoquait la nécessité de sacrifier le secrétaire général de l’UGTA, Sidi Said, contesté par la base syndicale pour sa proximité avec le pouvoir. Le Premier ministre envisageait même des mesures judiciaires contre le patron des patrons, Ali Haddad, conspué par la rue pour être un des principaux bénéficiaires, pour son compte ou celui de Said Bouteflika, du pillage de l’état.

Au final, une majorité s’est dégagée au sein du clan Bouteflika, menée par le vice Premier ministre Ramtane Lamamra, pour donner du temps au temps et ne pas griller encore toutes les cartouches supposées disponibles. Résultat, l’entourage du président Bouteflika apparait aujourd’hui comme totalement attentiste, sans ressort ni véritable projet alternatif. Ses principaux soutiens, dont Emmanuel Macron, le président français, en tète de gondole, sont violemment mis en cause par les manifestations qui se multiplient dans tout le pays.

L’hommage de l’armée au peuple

La nature a horreur du vide, Le lundi 18 mars, l’armée a donné de la voix à travers son patron le général Ahmed Gaïd Salah. Un communiqué du ministère de la Défense nationale cite une allocution prononcée, par le patron de l’armée, en marge d’une visite de travail et d’inspection en dans la troisième région militaire. Le vice-ministre de la Défense a tenu à rendre un hommage appuyé à la « profonde conscience populaire » et à saluer le grand sens de patriotisme du peuple et son civisme inégalé.

Ahmed Gaïd Salah a réitéré son « engagement devant Allah, devant le peuple et devant l’histoire », sans la moindre allusion au Président de la République auquel il avait l’habitude de se référer. Encore plus étonnant, le chef d’état-major de l’APN a fait la promesse ferme de trouver «une solution convenable, voire plusieurs » aux problèmes « aussi complexes qu’ils soient ».

Poutine en faiseur de paix

Un signe qui ne trompe pas, le vice Premier ministre, Ramtane Lamamra, qui passe pour être l’homme des Américains et des Français, s’est envolé pour son premier voyage officiel vers la Russie. Histoire, annonce-t-on, de rassurer les amis de Poutine sur les risques de déstabilisation en Algérie, A moins que ce diplomate aguerri dont les ambitions présidentielles sont connues ne soit venu montrer patte blanche en Russie, dont on connait les liens étroits avec un certain Gaïd Salah qui depuis toujours lui commande l’essentiel de ses armements.

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)

6 Commentaires

  1. LES POUVOIRS ALGERIENS : OMBRES CHINOISES , RUSES ET FOURBERIES

    Notre pays est en effervescence, la rue gronde les pouvoirs menacent, trépignent, hésitent et complotent. Mais que se passe -t-il donc? Pour voir clair, il faut être honnête et franc et appeler les chose par leur noms sans demi mots ni faux semblants.
    Tout se décide dans l’ombre, le mensonge est roi, les clans se déchirent, le peuple est floué

    Le problème fondamental de notre pays est ( et reste encore) le système que nous appellerons historique la relation entre les chefs de l’armée et des services et le peuple ou bien plus crument la prévalence du militaire sur le civil et l’intrusion des chefs militaire dans les choix des dirigeants et la gouvernance et leur puissance presque féodale.
    Commençons par remonter un peu dans le temps du règne des Bouteflika (pas nécessairement trop loin) bien que depuis presque le début tout était là.
    Souvenons nous : dés sa prise de fonction, Bouteflika a ouvert les hostilités avec les chefs militaires qui l’ont intronisé. Il ya eu un moment de répit avec l’écartement de Mohamed Lamari mais les hostilités ont repris vers 2012 entre Said Bouteflika et Gaid et Toufik.
    Se sentant devenir puissant, Siad a tout simplement voulu en découdre avec les puissants généraux , son objectif construire un pouvoir civil (personnel avec les oligarques) et remettre les chefs militaires dans leurs casernes. La première victime fut comme tout le monde sait le puissant Toufik, ce fut vite fait à l’aide de Saidani. La deuxième cible fut donc le chef d’état major Gaid. Mais ce dernier bien qu’il traine de nombreuses casseroles n’est pas directement impliqué dans les exactions des années 90 ni dans les coups tordus, ce n’est qu’un militaire consciencieux. Qu’a cela ne tienne , Said a tenté un premier coup de force pour placer un de ses amis génaraux (probablement Said Bey) mais Gaid a eu vent de l’affaire et cela s’est terminé en queue de poissons (l’affaire des cinq généraux) . Mais Said ne s’est pas découragé pour autant (l’affaire de l’hélicoptère).
    Enfin, à un certain moment, les relations entre Said et Gaid sont devenues exécrables
    A l’approche de la fin du quatrième mandat, la famille Bouteflka a pris la décision de ne pas briguer un cinquième mandat mais de proposer un prolongement de mandat pour satisfaire le désir de leur frère de mourir sur le trône. Il ont fait part de leur plan à Makri du MPS (El Watan s’ ai fait l’écho de cette rencontre). Ce plan consiste en un prolongement de mandat, des élections législatives propres sans fraude…Ici on peut se demander pourquoi ce plan a été proposé à Makri et pas à un autre. Tout simplement parce que Said savait que c’était le MSP qui avant remporté les élections législatives et que Ouyahia avait trafiquait les résultats. Et lorsque ce dernier Ouyahia et ceux qui l’actionnent -Toufik et consorts) ont eu vent de ce plan, ils sont entrés dans une colère noire. Ouyahia sait que s’il y a des élections propres d’une part le RND est mort tout simplement et d’autre part des islamistes au pouvoir n’enchante ni lui ni ses chefs. La réaction des Bouteflika s’est faite par Tayeb Louh à partir d’Oran.
    Ouyahia et ses chefs entrent alors dans « l’opposition » et rejoignent Gaid Salah, l’objectif assurer la pérennité du système historique. On oublie vite les querelles et on serre les rangs face au danger.
    N’oublions pas que Ouyahia roule pour Toufik qu’il n’a probablement jamais trahi contrairement à ce que l’on croit. Pour ce convaincre de cette alliance, il faut revoir les images de la télévision de l’enterrement de Gnaizia. Le pouvoir a pris l’habitude de montrer les alliances dans les enterrements. Les images de l’ENTV ont montré Gaid et Ouyahia qui ne se quittaient pas d’une semelle ensuite ils se sont assis l’un près de l’autre dans une espèce de tribune et la caméra s’est attardée sur cette image plusieurs secondes; le message au clan Bouteflika était clair. L’alliance Gaid Salah Toufik! On voyait aussi Naccer Bouteflka déambulait d’un groupe à l’autre.
    Première victime des hostilités : le président du parlement un homme des Bouteflika, Ouyahia s’est chargé de l’évacuer et de mettre un homme de main la tête du FLN et du parlement.
    Ainsi à l’approche des élections, nous avons d’un coté les frères Bouteflika avec leur plan et de l’autre Ouyahia et Gaid Salah qui encore cherchait un plan pour les élections présidentielles. Plusieurs possibilités de candidature oint été envisagées mais toutes rejetées par leurs clans respectifs car non viables. Gaid Salah et Ouyahia auraient voulus chacun se présenter mais ils se sont neutralisés. Le clan de Gaid ne voulant pas Ouyahia et le clan de Toufik ne voulant de Gaid. Et là hop l’idée de génie ou plutôt la ruse: organiser un cinquième mandat pour Boutefilka, l’élire en fraudant, très vite changer la constitution avec un vice président. La suite : soit un coup d’état scientifique à la Benali (très probablement) ou le laisser mourir à ce poste et le vice président gouvernant à sa place, éjecter Said par la petite porte et garder le parlement et maintenir ainsi la pérennité du système historique. N’oublions pas les déclarations de Gaid sur le respect de la constitution: il sous entendait par là qu’il s’opposera au prolongement de mandat qui était anti constitutionnel (il s’adressait au clan Bouteflika). Pour lui, élire un mourant était constitutionnel, à chacun ce qui l’arrange!
    Ici nous remarquons l’extrême mépris que ce duo a pour la peuple de ce pays, organiser une fraude généralisée en dépit du rejet manifeste de la très grande majorité des algériens. Ils ont pris de court les Bouteflika en annonçant la candidature au cinquième mandat. C’est Ouyahia qui avait écrit la première lettre annonçant la candidature au cinquième mandat.
    Les Bouteflika ont alors si on ose dire exfiltré leur frères vers la Suisse prétextant une maladie ( El Watan s’était étonné que la présidence pour la première fois annonce à l’avance l’évacuation du président vers la Suisse). Ils ont mis en quelque sorte le duo au pied du mur. N’en déplaise, ces derniers ont continué comme si de rien n’était (6 millions de signatures , la campagne électorale qui commence avant l’heure…)
    Quelle a été la riposte des frères Bouteflka (et de Tartag)? Et là beaucoup vont être choqués et croire au délire. La riposte a été tout simplement d’abord organiser l’opposition au cinquième mandat en sortant la population dans la rue ensuite prendre de court Gaid et Ouyahia en apportant une réponse prétendument positive à la demande du peuple en annonçant que le président n’a nullement voulu cinquième mandat et veut simplement une prolongation avec conférence nationale, élections…Ce qui est vrai et la deuxième lettre a été bien écrite par le clan Bouteflka.
    Mais, mais il y a un mais, les frères Bouteflika étaient sûrs d’eux et ont fait un mauvais calcul, une fois le peuple est descendu dans la rue, une fois la peur disparue, le peuple s’en hardi: le peuple ne veut plus de demi mesure le peuple veut tout: Partez tous! Et peut être aussi que l’autre camp s’y est mis aussi, la guerre par peuple interposé quoi.

    Maintenant, les Bouteflika s’entêtent et ne veulent pas partir pour au moins deux raisons: le caprice de leur frère et la deuxième raison est peut être qu’ils ne veulent pas laisser le pouvoir à Ouyahia et Gaid, ils ne veulent pas de la pérennité du système.

    De l’autre coté, Gaid et Ouyahia ( Toufik) étaient eux aussi confiants dans leur plan ils n’ont donc pas prévu de plan B. Ils hésitent entre la carotte et la bâton. Il faut bien comprendre que tout ce beau monde qu’il y a derrière eux ne va pas abandonner comme cela, c’est plus qu’une question de survie.
    Nous avons l’impression qu’ils ont choisis, pour le moment, la carotte empoisonnée: intégrer et tenter de récupérer le mouvement populaire. Les déclarations de Ouyahia et Bouchareb ne sont pas des retournement de veste. Le combat contre le plan des Bouteflka continue mais d’une autre manière, ils vont utiliser la rue, c’est le nouveau plan des clans de Gaid et Ouyahia. Les déclarations de Seddik Chiheb sur les forces inconstitutionnelles sont une attaque contre Said Bouteflika et font partie de ce plan, c’est une mystification, il agit sur ordre . (Remarquons en passant l’extrême cynisme de Ouyahia, je dis et je fais ce que je veux ne vous en déplaise)
    En fait le plan initial des Bouteflka s’est finalement retourné contre eux puisque finalement leurs ennemis encouragent la rue dans le sens du rejet du prolongement du mandat.
    Maintenant la résistance des Bouteflka est passée à l’international et on peut facilement deviner ce que Lamamra dit à ses interlocuteurs pour défendre leur plan.
    A mon humble avis les jeux sont probablement faits : Il n’y aura pas de prolongement de mandat les clans du duo Gaid et Ouyahia (Toufik) vont pousser à fond et agir au moment opportun.
    Après la carotte empoisonnée, ce sera le bâton et Gaid et Ouyahia et leurs soutiens ne sont pas des enfants de cœur et ainsi la pérennité du système historique se fera par et malgré le peuple.
    A moins que le peuple de ce pays comprenne le piège et continue le combat pacifique contre tout ce système, mais cela est bien plus difficile, les pièges nombreux, les manipulations, infiltrations, provocations et autres coups tordus faciles.

    Que Dieu Garde L’Algérie

  2. Boutef partira mais le système restera
    Gaid et ses proches ne savent pas quoi faire pour maintenir le système du moins pour le moment mais ils trouveront ils ont un mois jusqu’au 28 avril
    Ils ne veulent pas intervenir maintenant cela fait coup d’état militaire
    Le système depuis 1960 ? Le militaire prévaut sur le civil, les chefs de l’armée désignent le président le premier ministre des(les ?) ministres le directeur général des douanes et peut être aussi le directeur de la banque centrale

  3. L’armée peut facilement sacrifier Boutef et sa clique. mais elle ne lâchera pas (jamais) ses privilèges exhorbitants !

    Combien touche un retraité de l’armée algérienne versus citoyen moyen ?

  4. OK KO Ko

    Quel projet national ?
    Quel est le dénominateur commun à tous les Algériens pour envisager un meilleur avenir ?

    Boutef va partir, c’est sûr mais comme tout le monde ne sait pas ce qu’il veut à part de dire des termes simplets comme « Paix « , «  bonheur »…. , on rentre dans les UTOPIES ….

    Poutine a aussi été sollicité par Assad après la révolte syrienne et on sait où cela à mener …. car il n’y avait aucun avant – projet national !

  5. Il faut faire dégager tout le système dans son intégralité,ses relais et ses symboles, de 62 à ce jour et prononcer sa mise à l’écart.Le peuple doit se réapproprier son histoire et réhabilité sa souveraineté.Construire un état de droit en accord avec la déclaration de novembre 54

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