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Algérie, on reparle d’un cinquième mandat de Bouteflika

Le conflit qui oppose le chef d’Etat major algérien, Gaïd Salah, au candidat aux Présidentielles d’avril 2019, le général Ali Ghediri, pourrait remettre en cause le processus démocratique. Au profit du cinquième mandat du président Bouteflika réduit aujourd’hui à l’état de momie

Dans son appel lancé fin décembre 2018 dans les colonnes du quotidien El Watan et adressé au général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah, le général-major à la retraite, Ali Ghediri, avait pointé du doigt “des aventuriers dont l’unique objectif est de rester au pouvoir et de profiter de la rente”.

Ahmed Gaid Salah, visiblement irrité par la sortie médiatique de Ghediri, avait largement laissé transparaitre sa colère, résumée dans un communiqué de la revue de l’armée El Djeich.

« Des cercles occultes » 

Clairement le chef d’Etat-Major et vice ministre de la Défense mettait en cause ‘’certains militaires à la retraite qui, après avoir servi longtemps dans les rangs de l’Armée nationale populaire, rejoignent des cercles occultes, et ce, dans le seul but d’assouvir des ambitions personnelles démesurées, qu’ils n’ont pu réaliser à l’intérieur de l’institution’’.

Le général Ghediri était ciblé et ses soutiens désignés comme « des cercles occultes ». Dans l’entourage de Gaïd Salah, beaucoup voient clairement la main du général Toufik, l’ancien patron tout puissant des services algériens aujourd’ui à la retraite, dans l’utilisation de discrets réseaux dans l’armée, les services, la presse ou les partis politiques. Toujours selon ces conseillers de l’ombre, Ali Ghediri ne serait que le levier politique de ces forces occultes. Ce que l’intéressé n’a jamais cessé de réfuter.

La question posée par le chef d’Etat Major est celle de la participation ou nom à la campagne présidentielle des militaires, qu’ils soient à la retraite ou pas. Jusqu’à présent, une institution militaire unie intervenait discrètement lors des scrutins présidentiels pour imposer son choix. Mais si désormais des hauts gradés parlent et agissent en leur nom dans l’arène politique, l’institution militaire, divisée, n’apparait plus comme l’ultime garant de la stabilité du pays.

Un vent de panique

Dans un premier temps, Ali Ghediri a su jouer de ces attaques pour bénéficier d’une surmédiatisation inespérée. Il aura été le premier à se porter candidat à la présidentielle algérienne d’Avril 2019.

Incontestablement, l’annonce de sa candidature a suscité une lueur d’espoir chez des Algériens lassés par l’annonce d’un cinquième mandat d’un Président Bouteflika à bout de forces et privé de parole.

Mais dans le même temps, la candidature de Ghediri a créé un vent de panique au sein de la nomenklatura algérienne et a eu pour effet d’accélérer les pourparlers entre les deux pôles principaux du pouvoir (Etat Major et Présidence) inquiets pour leur avenir. Après d’intenses conciliabules, la machine infernale qui met en avant un cinquième mandat du Président Abdelaziz Bouteflika est à nouveau à l’oeuvre pour pérenniser le statu quo et figer le jeu politique. En Algérie à quatre vingt jours du scrutin, ‘immobilisme semble une fois de plus en marche

Des risques d’invalidation

Les grandes manoeuvres qui se préparent ne laisseraient aucune espace, si elles aboutissaient, à Ali Ghediri, même s’il commence à croire à ses chances de s’installer au palais présidentiel d’El Mouradia. Certes, le candidat a clairement déclaré, durant le Forum organisé le 28 Janvier dernier, qu’il irait jusqu’au bout de sa démarche. Au risque d’être brutalement remis écarté de la campagne électorale. Avec le danger mortel de voir les militaires algériens, clé de voute du régime, s’affronter publiquement.

On s’achemine pourtant vers ce scénario du pire, malgré les appels lancés à Gaïd Salah par quelques opposants de ne pas cautionner une réélection surréaliste de Bouteflika. Le communiqué de la revue de l’Armée, « El Djeich », conclut en effet que l’institution militaire se réserve le droit de faire appliquer certaines mesures légales. L’avertissement s’adresse à Ali Ghediri sans le nommer. Des poursuites judiciaires pourraient m^me aboutir à l’invalidation de la candidature de Ghediri, mis en cause pour manquement à la loi sur le devoir de réserve des militaires. Un tel scénario pourrait trouver une base légale avec l’ordonnance du 28 février 2006. Laquelle confirme qu’un militaire, même après cessation définitive d’activité, est tenu à l’obligation de réserve et doit s’interdire de porter atteinte à l’image de marque de l’institution militaire.

Au delà du cas de Ghediri, l’oligarchie au pouvoir cherche à adresser un message clair aux citoyens épris d’espoir et de pluralisme. Dans sa vision du pouvoir qui fait l’impasse sur le peuple, aucun candidat ne peit prétendre gagner s’il n’est pas le candidat du système. Il en toujours été ainsi en Algérie.

Espérons que ce mode de désignation du vainqueur par une caste dirigeante, lors d’élections tronquées, soit enfin remis en cause. Mais cette véritable révolution ne pourra se faire en Algérie que dans la douleur.

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