Au sein du collège des quelque vingt généraux majors qui dirigent aujourd’hui l’Algérie, une minorité importante conteste l’incarcération du général Mohamed Mediène, dit Toufik, qui fut pendant un quart de siècle, le vrai patron du pays
Les principaux maitres d’oeuvre du régime algérien sous le règne d’Abdelaziz Bouteflika devraient être présentés à nouveau le 17 juin, au juge d’instruction du tribunal militaire de Blida. Sur le banc des prévenus, on trouvera notamment le patron de l’ex DRS, le général Mediène, dit Toufik et son successeur à la tète des services, le général Tartag, qui fut l’allié fidèle du frère de l’ex président et vice roi de l’ancien régime, Said Bouteflika.
Une mise à mort symbolique
L’enquête aura été promptement menée en vue d’un procès rapide qui pour le chef d’Etat major et homme clé de la transition algérienne, Gaïd Salah, pourrait constituer l’acte fondateur de l’après Bouteflika. Cette mise à mort symbolique des patrons de la police politique qui a sévi depuis l’indépendance en Algérie pourrait, espère-t-on en haut lieu, enterrer le risque de coup d’état et renforcer les liens entre le peuple et l’actuel Etat major.
Sauf que l’opération chirurgicale menée par la justice militaire pourrait laisser quelques séquelles au sein de l’institution militaire elle même. Le pouvoir militaire, structurellement collégial, reste en effet divisé sur la nécessité d’emprisonner, puis de juger le général Toufik. Beaucoup en effet doivent leur carrière à l’ancien chef du DRS qui fut de 1990 à 2015 la colonne vertébrale du pouvoir algérien. On estime qu’un tiers des quelque vingt gradés qui composent le tout puissant collège des généraux, la plus haute instance de l’armée, reste hostile à la méthode utilisée contre le général Toufik.
Plus que jamais, l’homme « fort » du moment, Gaïd Salah est moins fort qu’il n’y parait. Le chef d’état major doit en permanence convaincre ses pairs du bien fondé de ses choix stratégiques. S’il échoue, le procès contre Toufik pourrait se retourner contre lui et saper son autorité.
Deux poids, deux mesures
Autre difficulté de cette à grand spectacle, le traitement très différencié par les enquèteurs des principaux témoins du « complot » contre l’Etat pourrait laisser une impression d’improvisation, voire d’arbitraire.
D’un coté, le général Nezzar, qui fut un allié constant du DRS notamment dans la répression sanglante des islamistes, a échappé de justesse au gel de sa fortune et à la fermeture de son site d’information « Algérie patriotique » en collaborant ouvertement avec la justice militaire. On l’a vu, très à l’aise dans le rôle du traitre, accuser publiquement Said Bouteflika d’avoir tenté, lors de réunions discrètes, de renverser le chef d’état major, Gaïd Salah et d’instaurer l’état d’urgence. Plus cocasse, l’ancien ministre de la Défense prétend avoir tout fait pour dissuader son interlocuteur de s’en prendre à l’unité de l’armée. Qui peut le croire?
En revanche, une Louisa Hannoun, figure marquante et longtemps respectée de la vie publique algérienne mais qui avait largement pactisé avec le clan Bouteflika, aura été moins chanceuse. Cette militante trotskiste paie cher son opportunisme alimentaire en se retrouvant aujourd’hui emprisonnée pour une complicité réelle, mais anecdotique, avec les plus hauts dignitaires de l’ére Bouteflika.