Cette semaine, c’est toute l’Algérie qui a découvert les dessous de cette nouvelle lutte politique qui façonne l’échiquier politique du pays. Pendant les trois jours du Forum africain d’investissements et d’affaires, le bras-de-fer opposant les oligarques, les hommes d’affaires les plus influents du pays, à certaines figures politiques du régime.
Jusque-là, cette lutte était clandestine, secrète et discrète. Mais le retrait du chef du gouvernement Abdelmalek Sellal et de ses ministres lors de la prise de parole du patron des patrons Ali Haddad lors de l’inauguration de ce forum attendu depuis longtemps par Alger a révélé au grand jour cette nouvelle guerre de « clans ». Que se passe-t-il réellement ?
Contrairement à ce que la presse algérienne a relaté, il ne s’agit guère d’une simple tension suscitée par un dérapage protocolaire d’Ali Haddad qui aurait mis en colère les autres organisateurs de ce Forum. Le problème est plus profond. Depuis plusieurs mois, le courant ne passe plus entre Sellal d’une part et Haddad et le groupe d’hommes d’affaires qui lui prêté allégeance d’autre part. La raison est simple : depuis l’été 2016, les tractations pour la succession d’Abdelaziz Bouteflika sont reparties de plus belle. Dans les coulisses, chaque clan veut préparer son candidat en attendant que la question du cinquième mandat du président soit définitivement tranchée. Et les lieutenants de Sellal, l’homme qui croit en sa bonne étoile et se positionne d’ores et déjà pour préparer sa conquête du pouvoir, ont essuyé un niet catégorique de la part d’Ali Haddad. Ce dernier a refusé de soutenir le projet du Premier ministre. Ali Haddad ne croit en lui et ne pense pas qu’il sera un successeur digne de ce nom pour Abdelaziz Bouteflika.
Le message est clair : Ali Haddad et son clan ne verseront pas un centime si Sellal se lance dans une campagne électorale. Le patron des patrons et son groupe d’oligarques ont une autre vision de l’avenir de l’Algérie : ils veulent même se présenter à des échéances électorales pour prendre le pouvoir et assurer leurs arrières. Après avoir soutenu Bouteflika pendant plusieurs mandats et après avoir fréquenté les hautes sphères, Haddad considère qu’il est temps de prendre en main les affaires, les vraies, à savoir les affaires de l’Etat. C’est ce que Sellal et ses lieutenants refusent encore de comprendre. Ils ont longtemps sous-estimé le vice d’un Ali Haddad qui voit loin et qui ne veut surtout pas finir persona non gratta comme l’homme d’affaires Issad Rebrab fâché avec le régime et contraint aujourd’hui de s’exiler.
Ali Haddad, Kouninef, Mazouz, Hasnaoui, Baïri, Eulmi et d’autres richissimes personnalités du monde des affaires en Algérie ont pris leurs distances avec Sellal controversé et contesté par la rue. Les oligarques ne veulent pas jouer sa carte. D’autres ont carrément jeté leur dévolu sur son ennemi intime : Abdesslam Bouchouareb, l’actuel ministre de l’Industrie qui ne cesse de comploter dans les coulisses pour renverser le Premier ministre. A l’image de Souakri et de Tahkout, plusieurs hommes d’affaires, certes moins riches et influents qu’Ali Haddad, ne cachent plus leur allégeance à Bouchouareb. Seuls quelques petits oligarques restent fidèles à Sellal comme le sétifien Rachid Khanfri, l’homme qui construit des grandes centres commerciaux un peu partout en Algérie, ou Laid Benamor, le patron du groupe Benamor.
Sellal le sait bien : ce n’est pas suffisant pour se lancer à la conquête du pouvoir. Sans l’appui et les financements des oligarques, il ne fera pas long feu. La position d’Ali Haddad et de ses amis provoquent sa colère et le Premier ministre tente un bras-de-fer pour rééquilibrer le rapport de force. D’où le désaveu encaissé par l’oligarque lors de l’inauguration du Forum africain sur les affaires et les investissements. Mais il faudra beaucoup plus que cela pour impressionner Haddad et les autres oligarques.
Depuis que ces derniers ont réussi à faire capoter le projet d’un impôt sur la fortune dans la loi de finances 2017, plus rien ne semble pouvoir les arrêter en Algérie.