Son nom, à lui-seul, évoque la contestation et la protestation. Le ministre algérien de l’Industrie Abdesslam Bouchouareb est au coeur d’une véritable « guerre médiatique » depuis plusieurs jours.
Selon plusieurs sources bien informées et proches du sérail algérien, Abdelmalek Sellal, le Premier ministre algérien, veut liquider l’encombrant Bouchouareb accusé de trop favoriser les intérêts des richissimes oligarques tels que Ali Haddad et Amar Ben Amor ainsi que les autres poids lourds du Forum des Chefs d’Entreprises (FCE), le puissant patronat algérien.
Une fortune qui dérange
Lui-même homme d’affaires, Bouchouareb s’est attiré les foudres de plusieurs autres hauts responsables de l’Etat algérien. A Alger, les business florissants de son fils, sa fille et ses tantes dérangent plus que jamais. Sa fortune considérable dans l’agroalimentaire, divers secteurs d’importations et l’immobilier algérien et français notamment à Paris, commence à agacer. Des sources sécuritaires algériens nous ont confié qu’une enquête avait été diligentée à propos des activités économiques du fils aîné de Bouchouareb.
Des pressions auraient été exercées sur Sellal pour enclencher une procédure judiciaire. Mais les soutiens d’Abdesslam Bouchouareb ont posé leur veto. Au sein du clan présidentiel, le ministre de l’Industrie divise et son sort suscite des divergences. « Il a beaucoup fauté depuis le nouveau texte réglementant la vente des voitures neuves en Algérie. Il ne maîtrise pas les lois et ne connait pas comme il le faut les dispositifs législatifs qu’il faut respecter avant de prendre des décisions », déplore une source proche de ses détracteurs.
« Mon patron, c’est Bouteflika »
« Il est têtu et ne se remet pas en cause. Il prend des décisions sans vérifier leur conformité avec l’arsenal juridique. Ce qui a créé des situations très inconfortables pour tout le gouvernement. Sellal l’a rappelé à l’ordre à maintes reprises. Mais, lui, il fait le malin et défie son autorité en laissant entendre que mon patron est Bouteflika et pas toi ! », dénonce encore notre source.
Dans l’entourage d’Abdelmalek Sellal, la colère bat des records. Le récent épisode fâcheux de Saïdal, un fleuron de l’industrie pharmaceutique algérienne, a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
Le PDG de Saïdal a été limogé récemment dans des conditions troublantes sans respecter la moindre démarche réglementaire. Le conseil d’administration de l’entreprise ne s’est pas réuni pour vérifier ce que l’on reproche au premier manager de cette entreprise publique stratégique pour l’avenir de la production des médicaments.
D’après plusieurs sources, C’est Bouchouareb qui aurait demandé la tête de ce PDG parce que ce dernier s’oppose à un projet de l’installation d’une usine de production d’insuline avec le français Sanofi-Aventis. Saïdal dispose déjà d’une usine similaire avec le Suisse Novartis. Personne ne comprend pourquoi Bouchouareb tient à cette usine avec Sanofi alors que le marché algérien regorge de ce type de projets.
Bouchouareb, « l’ami » de la France
Dans le camp adverse, c’est le coup de trop. Ce limogeage a soulevé l’indignation générale dans les milieux d’affaires et Sellal a été pris de court. « En plus, Bouchouareb fait tout pour offrir des cadeaux à ses amis français », affirme un observateur averti de la sphère décisionnelle algérienne. Sanofi étant une entreprise française, Bouchouareb aurait voulu faciliter son investisseur pour gagner les faveurs de ses réseaux en France. L’homme de la France ? Louisa Hanoune, sa première pourfendeuse, le crie haut et fort tout en réclamant son limogeage. Elle brandit toutes les menaces pour arriver à ses fins. Et au parlement algérien, comme sur la scène politique, elle a réussi à fédérer tout un mouvement anti-Bouchouareb. On l’accuse ouvertement de vouloir brader les intérêts de l’Algérie aux investisseurs étrangers en bidonnant plusieurs articles dans la loi de finances de 2016. Les faits sont graves.
Et Sellal observe, pour l’heure, tout ce grabuge. Va-t-il saisir cette opportunité pour se débarrasser de Bouchouareb ? Pas si sûr car celui qui a géré la communication du 3e et 4e mandat d’Abdelaziz Bouteflika est très proche des Bouchouareb et leurs financiers. Et même si au cours de la campagne électorale du 4e mandat, Saïd Bouteflika lui a beaucoup crié dessus en raison de ses ratages dans la gestion de la com, le ministre de l’industrie a toujours su comment retomber sur ses pattes. Sauf que cette fois-ci, il est confronté à une véritable tempête.