Les principaux clans se préparent plus que jamais pour la succession de l’actuel président, Abdelaziz Bouteflika, totalement diminué et malade.
Dans la transition qui se joue à Alger pour succéder au président Bouteflika, trois forces s’opposent: le clan présidentiel, animé notamment par le frère du chef de l’Etat, Saïd Bouteflika; les anciens réseaux du défunt DRS, les services algériens qui furent dirigés pendant un quart de siècle par le général Mediène, dit « Toufik », et l’Etat major militaire, avec à sa tète le vice-ministre de la Défense depuis 2013, Ahmed Gaïd Salah.
Une première certitude, la Présidence et l’Etat Major se sont alliés, voici trois ans ,pour écarter le puissant chef du DRS, « Toufik », véritable maitre de l’Algérie depuis un quart de siècle.Ces deux clans se livrent désormais une guerre sans merci. Second axiome, le pouvoir algérien n’a pas son pareil pour sortir au dernier moment du chapeau le candidat non déclaré, sinon improbable, qui sera hissé au sommet du pouvoir.
Quatre inconnues
Ce fut le cas de l’ancien président Chadli (1979-2012) lorsque le FLN, dominé alors par les hauts gradés, l’avait choisi pour succéder à Boumedienne; ce fut également ce qui advint avec feu Mohamed Boudiaf, sorti de nulle part en 1992 pour être désigné, contre toute attente, par le Haut Comité d’Etat (HCE) pour diriger l’Algérie. Sans parler du come back en 1999, contre toute attente, d’un Bouteflika que tout lemonde avait enterré.
L’équation politique algérienne pour la succession de l’actuel chef de l’Etat est à quatre inconnues. Une candidature à la présidence en Algérie repose en effet sur les choix effectués par l’armée algérienne, les services de sécurité, les hommes d’affaires dont l’influence est devenue considérable et enfin les partenaires internationaux, notamment occidentaux. Seul manque à l’appel le peuple algérien qui, sauf mobilisation jugée fatalement intempestive par l’ensemble des élites au pouvoir, est oublié par un pouvoir érigé enforteresse.
Une transition à la cubaine
Ce n’est désormais un secret pour personne. « Le Régent » de Zéralda, Saïd Bouteflika, futlongtemps sur les rangs pour succéder à son frère. On l’a vi, cette dernière année, voit suivre des séances de media training et constituer autour de lui une quasi équipe de campagne. » Il est de plus en plus tenté de prétendre à la succession de son frère, à la façon dont Raoul Castro a succédé à don frère Fidel à Cuba, disait-on, l’hiver dernierencore, dans son entourage, mais il n’est pas sur que ce soit une bonne idée ».
Disons que Saïd Bouteflika s’interroge sur le rapport de force qui existe au sein des élites algériennes. Et il n’est plus en sa faveur.
Au sein du clan présidentiel, il affronte un sérieux concurrent Puissant ministre du pétrole des débuts du r$egne de Bouteflika et intime du Préisdent, Chakib Khelil i fut longtemps le dauphin présumé d’Abdelaziz Bouteflika et son ami intime dispose de très bonnes introductions aux Etats-Unis où il s’est longtemps exilé pour fuir la justice italienne. Ce qui lui assure une bienveillance des Américains, qui, commetoujours ont plusieurs fers au feu
Signe des lemps, les nombreux soutiens que le vice Roi, comme on a pu l’appeler, avait acquis auprès des milieux d’affaires dans une dérégulation inédite des commissions n’ontplus le vent en poupe. le patrond es patrons Haddad,qui fut longtemps son plus fidèle allié, est aujourd’hui éclaboussé par plusieurs affaires judiciaires. A qui le tour ensuite? Seuls le milliardaire Karim Kouninef, le fidèle d’entre les fidèles de Said Bouteflika, devrait rester intouchable,
Luttes de sérail
Nettement plus complexe à décrypter est la situation qui prévaut dans l’appareil sécuritaire. Ainsi pour remplacer l’inamovible général Toufik, la Présidence a nommé comme « coordinnateur » des services de l’ancien DRS (services algériens) très largement démantelé, Athmane Tartag,aux positions incertaines qui semble ces temps ci se rapprocher de Gaïd Salah,le puissant chef d’état major.
De même, l’actuel Premier ministre, Ahmed Ouyahia, vieux routier de la politique algérienne soutenu par une partie de la communauté kabyle et par les anciens de l’ex DRS (services spéciaux algériens), est aussi discrètement sur les rangs.
Autant de questions qui reflètent la complexité du sérail algérien à la veille de cette succession à hauts risques. Mais la clé de cette transition appartient à l’Armée, la seule colonne vertébrale du système.
Ni Poutine, ni Sissi
Le vice-ministre de la Défense et actuel chef d’Etat Major, Ahmed Gaïd Salah, est perçu par beaucoup beaucoup comme un possible pape de transition, fourbit ses armes. Depuis sa nomination en 2013, ce général n’a cessé d’étendre son champ d’intervention notamment via l’activisme de la Direction centrale de la sécurité des armées (DCSA), un véritable DRS bis. On le découvre, ces temps ci, faisant souvent la tournée des popotes à l’intérieur du pays. C’est que les six chefs des régions militaires, les vrais baronnies de l’armée algérienne, tiennent en grande partie les clés de la transition politique à venir.
Et c’est peu de dire que le renseignement militaire qui dépend de lui surveille de près les initiatives de l’ex DRS où il ne compte pas que des amis.
Ce que l’armée ne veut pas, c’est une succession, façon égyptienne où un haut gradé, le maréchal Sissi, impose un pouvoir sans partage et liberticide à un peuple cadenassé. Reste l’hypothèse qui séduit certains, celle d’un Poutine algérien, issu des rangs de l’armée et qui remettrait le pays sur les rails. Reste l’hypothèse où en cas de blocage, Gaïd Salah jouerait lui même le rôle d’un pape de transition.
Les hauts gradés de l’armée et eux seuls peuvent garantir que l’ordre public soit maintenu après l’éventuelle disparition du président Bouteflika. Et eux encore qui peuvent dans une transition difficile préserver le pays du terrorisme, en veillant notamment à la sécurité aux frontières avec la Tunisie et la Libye. Or ces généraux qui ne sont pas des perdreaux de l’année, sont profondément légitimistes
L’approbation des chefs de région militaire constitue aujourd’hui le sésame incontournable de tout futur président en Algérie. Seuls les militaires peuvent neutraliser les menaces que font courir à l’Algérie, le long des centaines de kilomètres de frontières avec le Niger, le Mali et la Mauritanie, des groupes djihadistes plus menaçants que jamais.