Le commerce de l’ivoire est interdit depuis 1989, par une convention de l’ONU… Mais qui se préoccupe de l’appliquer ? Certainement pas les Chinois ni les groupes djihadistes
En masse et de plus en plus nombreux les éléphants des forêts équatoriales d’Afrique continuent de mourir, avec pour seul requiem quelques reportages à la télévision sur le « massacre ». Au rythme actuel de 22 à 25 000 pachydermes assassinés par an. Ce cataclysme est mesuré par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) : les 500 000 mammifères géants qui restent encore en vie en Afrique seront morts en moins de 10 ans. Pour voir des éléphants, il faudra alors visiter les zoos ou les cirques.
Et les bonnes âmes qui dirigent la planète ayant sans doute d’autres éléphants à fouetter que ceux d’Afrique, ne font rien. Ou si peu. Ainsi, le 5 décembre dernier, en marge du Sommet Africain de Paris, s’est tenue une réunion ayant pour thème « la lutte contre le braconnage et le trafic des espèces menacées ». La palabre s’est achevée sur rien. Ou plutôt sur des bruits de bouche appelant à « agir sans délai » contre le commerce illégal de l’ivoire. La France s’engageant à durcir ses sanctions contre les trafiquants. On le constate, comme celui des dirigeants du continent noir, le sommet des éléphants a fait « pschitt ».
Deux ans pour réagir
Le sort des animaux martyrisés est comme la météo, il fait l’objet d’avis de tempête, l’émotion dure quelques heures, puis la routine d’abattage revient. Ainsi, en février 2010, au nord Cameroun, dans le parc national de Bouda N’Djida, 650 éléphants ont été abattus en quelques semaines, chiffre communiqué par l’IFAW, une ONG nord américaine. C’est « l’émotion consécutive à ce scandale » qui, près de deux années plus tard, à motivé la réunion qui vient de se tenir à Paris. Ces deux ans de réflexion indiquent la vitesse à laquelle la contre offensive s’organise !
D’autant que, comme dans toutes les organisations internationales, il y a pléthore de concurrence entre les sauveteurs soucieux de ne jamais agir ensemble. Ainsi, quelques jours avant le sommet de paris, s’est tenue au Botswana un conclave de l’UICN consacré aux éléphants. Là, 14 mesures « urgentes » sont sorties du chapeau des bonnes volontés. Mais des vœux qui n’ont rien de très original et qui, eux-mêmes, ont déjà été retenus par la CIES, la convention de l’ONU sur les espèces et la faune… Les secouristes font du surplace et les éléphants meurent. Alerte au Bostwana, puis en France mais avant cela en mars, à New York où siègent les 178 pays affiliés aux Nations Unies. Là, « le gang des huit pays » avait été mis en demeure d’agir. Ceux-là sont réputés comme les plus impliqués dans le massacre et le trafic : Kenya, Ouganda et Tanzanie pour les états réputés « exportateurs » d’ivoire ; Vietnam, Philippines et Malaisie pour les pays de « transit ». Enfin, la Thaïlande et la Chine comme les nations d’ultime consommation. Résultat ? Rien. Ou plutôt si : l’Allemagne le Gabon ont souhaité la création près de l’ONU d’un poste « de représentant du Secrétaire général » chargé de la lutte contre ce fléau.
Sur le terrain, les quelques bonnes âmes, sans moyens, qui tentent de sauver l’espèce, savent parfaitement quelle est la mécanique de la destruction de l’espèce. D’un côté des groupes mafieux qui mobilisent des braconniers indigents, de l’autre la Thaïlande et surtout la Chine qui refusent de renoncer à l’ivoire où la défense d’éléphant se transforme en grotesques figurines prisées d’oligarques incultes. Une observation aussi, les groupes de djihadistes sont de plus en plus présents dans ce trafic dont les dollars sont transformés en armes, en essence, en jeeps. Autrement dit la mort des pachydermes alimente les désordres africains.
De la contre guérilla au contre braconnage
Cette observation n’est pas négligeable puisque la CIA vient de dresser l’oreille. Désormais des militaires américains, installés au Gabon, forment des unités de « contre braconnage » qui, par rebond, sont donc aussi des agents de « contre guérilla ». Les experts estiment que le trafic de cet « or blanc » génère plusieurs milliards de dollars de revenus par an ! Ainsi les 41 tonnes de défense confisquées les 9 premiers mois de l’année 2013 dépassaient déjà les stocks saisis en 2012. L’argent des braconniers mafieux sert aussi à corrompre les autorités de certains pays qui tournent la tête ailleurs au moment du massacre. A ce propos, le délégué européen à Brazzaville vient de sommer les séides du dictateur Sassou Nguesso de mettre un terme à l’impunité des éradicateurs alors que le pays s’est doté, sur le papier, d’un texte de loi parmi les plus rigoureux en la matière. Bizarrement, quand ils sont arrêtés, les braconniers sont relâchés à la sauvette, sans sanction. Selon le réseau EAGLE, qui, lui aussi, se préoccupe des éléphants, ces relaxes sauvages font suite à des paiements corrupteurs.
Bref, l’Afrique seule ne peut rien contre la disparition des éléphants dont le sort ne dépend que de la bonne volonté de la Chine. Qui, justement, n’en manifeste aucune.