Le conseiller de Trump Tom Barrack,un arabe qui hait les arabes 

Fidèle parmi les fidèles du président américain, magnat de l’immobilier et de la finance comme lui, le businessman devenu ambassadeur en Turquie s’est rendu incontournable dans tous les dossiers brûlants, de la Syrie au Liban. Par quelle perversion Donald Trump peut-il confier à un Arabe qui se hait lui-même le rôle d’émissaire auprès des Arabes

Le 22 septembre 2025, dans une interview accordée à Hadley Gamble pour The National, Tom Barrack a déclaré que « la paix est une illusion » au Moyen-Orient et a suggéré qu’une paix réelle n’a jamais existé et n’existera probablement jamais. Il est allé plus loin : la paix, a-t-il dit, a toujours été une question de soumission — un camp imposant sa volonté, l’autre acceptant la défaite. Et d’ajouter : « Les Arabes ne comprennent pas cela. »

C’était une démonstration stupéfiante d’arrogance, de sectarisme et d’ignorance. Une autre interview hallucinante, et un autre rappel du vieil adage : quand on se trouve dans un trou, il faut arrêter de creuser. Dans le cas de Barrack, le conseil devrait être plus simple : arrêter de parler. Chaque fois qu’il ouvre la bouche sur le Moyen-Orient, il approfondit sa propre irrélevance et révèle la pauvreté intellectuelle d’un homme qui prend une carrière dans l’immobilier pour une licence à donner des leçons de civilisation à l’histoire. Et tandis qu’il aime répéter qu’il « pense hors du cadre », il confond peut-être les cycles de l’histoire avec la construction d’un hôtel à Fresno, Californie. C’est beaucoup trop tôt — et bien au-delà de sa profondeur — pour que des amateurs comme lui se permettent d’émettre des verdicts d’une telle ampleur historique.

Le masque vite tombé

Ce n’est pas la première fois que Barrack insulte les siens. Le 26 août 2025, lors d’une conférence de presse au palais de Baabda à Beyrouth après sa rencontre avec le président Joseph Aoun, il a intimé aux journalistes libanais de « se comporter de manière civilisée » et a qualifié leur attitude « d’animalistique ». La réaction a été immédiate. Les syndicats de la presse, les journalistes et la société civile libanaise ont condamné ses propos comme racistes et humiliants. Barrack a dû présenter des excuses, reconnaissant que le terme « animalistique » était inapproprié. Mais le masque était tombé. Sous la pression, son instinct n’était pas la diplomatie mais le mépris, le réflexe d’un propriétaire colonial sermonnant des indigènes qui osaient poser des questions.

Avec sa dernière interview, Barrack confirme désormais le schéma. Il se présente comme un réaliste, mais il est un amateur en matière d’histoire et de diplomatie. Il parle comme si les Arabes avaient « perdu » l’histoire et devaient accepter une défaite permanente, comme si des siècles de résilience, de révoltes et de survie ne comptaient pour rien.

Selon quel critère a-t-il décidé que les Arabes avaient perdu ? Et selon quel critère affirme-t-il que les États-Unis ont gagné ? L’Amérique a-t-elle gagné en Afghanistan, après vingt années d’occupation se terminant dans une fuite chaotique ? A-t-elle gagné en Irak, où des milliers de milliards ont été gaspillés et où l’Iran domine désormais la scène politique ? A-t-elle vaincu l’Iran lui-même, qui continue à projeter sa puissance à travers la région malgré les sanctions et l’isolement ? Le bilan parle de lui-même : des milliers de milliards dépensés, d’innombrables vies brisées, des alliances effilochées — et aucune victoire en vue. Pourtant, Barrack se permet de faire la leçon aux Arabes sur la défaite.

L’ironie est éclatante. L’islam signifie littéralement soumission — non pas à la dictée d’un autre État ou à la baïonnette d’un empire étranger, mais à Dieu. Pour les musulmans, la soumission n’est pas une humiliation mais une dignité, un alignement spirituel qui libère les croyants de la subjugation terrestre. Barrack, aveuglé par son arrogance de négociateur, confond soumission spirituelle et capitulation politique. Il prend la dignité pour de la défiance, la résistance pour de l’ignorance. Un homme d’origine arabe devrait savoir mieux que cela. 

« Barrack répète les clichés des administrateurs coloniaux du Caire et d’Alger : les Arabes, dit-il, ne comprennent pas la paix ; ils ne comprennent que la force ».

Il y a un mot pour cette posture : l’auto-haine. Barrack joue le rôle du sujet colonial assimilé qui grimpe dans les cercles étrangers en méprisant les siens. L’histoire regorge de telles figures — les compradores du Raj britannique, les évolués de l’empire français, les « minorités modèles » du discours américain — des hommes encensés dans la métropole pour leur supposé pragmatisme mais qui ne sont en réalité que les porte-voix de l’arrogance impériale. Barrack s’inscrit parfaitement dans ce schéma. Il est un Libano-Américain dont les grands-parents venaient de Zahlé, et pourtant il renie cet héritage en répétant les préjugés de ceux qui l’ont autrefois humilié.

Et son bilan diplomatique démontre le vide de son arrogance. Ses tentatives de médiation entre le Liban et Israël n’ont produit que des gros titres. Aucun progrès, aucune percée, pas même l’ébauche d’une proposition sérieuse. Son échec est la meilleure preuve de son amateurisme. Pour tout son discours sur l’histoire et la paix, il n’a rien accompli. Cette dernière interview ressemble moins à de la sagesse qu’à de la frustration : la frustration de son irrélevance, de son incapacité à transformer des astuces immobilières en diplomatie, de son exposition croissante comme un homme dépassé.

Donald Trump, qui se targue de loyauté et de sens du deal, devrait se demander si Barrack est un atout ou un fardeau. La réponse est évidente. Un homme qui insulte les journalistes arabes de « comportement animalistique », qui déclare que les Arabes ne comprennent pas la paix, qui confond humiliation et stratégie — un tel homme ne peut pas être un émissaire crédible. Si Trump veut préserver sa crédibilité, il devrait lui dire de rester dans son couloir. Et ce couloir n’est pas la diplomatie.

Les cycles de l’histoire sont clairs : les peuples humiliés finissent par se relever. La dignité niée devient une dignité revendiquée. Chaque fois que la soumission est imposée, la résistance renaît. La leçon de Barrack sur la soumission n’est pas une feuille de route vers la paix mais l’aveu de sa propre défaite intellectuelle. Il est incapable d’imaginer une politique de coexistence, il retombe donc sur la vieille fantaisie coloniale de la pacification.

La tragédie est qu’il agit ainsi alors même qu’il porte un héritage qui aurait dû lui enseigner le contraire. Être de Zahlé, venir d’un peuple qui a survécu contre vents et marées, et transformer cet héritage en un ricanement sur les Arabes qui « ne comprennent pas la paix » — son mépris envers les siens est accablant. C’est une trahison.

La paix n’est pas la soumission. C’est l’équilibre, la reconnaissance et la dignité. Tom Barrack refuse de comprendre tout cela. Et dans ce refus, il ne s’expose pas comme un réaliste, mais comme une relique — un Arabe qui se hait lui-même, répétant les préjugés des empires qui ont jadis humilié ses ancêtres.