Le Liban s’enfonce un peu plus dans une situation sécuritaire précaire, à la suite d’une série de frappes israéliennes déclenchées le 22 mars 2025, en réponse au tir de roquettes interceptées plus tôt dans la journée. La frappe israélienne a tué six personnes, dont un enfant. Il s’agit du plus violent échange de tirs depuis son cessez-le-feu avec le groupe Hezbollah, il y a près de quatre mois. Sur fond de désaccords profonds sur la question du désarmement du Hezbollah et de son arsenal.
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Le 22 mars 2025, l’armée israélienne a mené des frappes aériennes sur plusieurs positions du Hezbollah dans le sud du Liban, en riposte à des tirs de trois roquettes lancées en direction du nord d’Israël. Selon l’armée israélienne, les frappes ont ciblé « des dizaines de lanceurs de roquettes du Hezbollah », ainsi qu’un centre de commandement. Parmi les sites visés figure notamment la ville de Tyr, une première depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu conclu en novembre dernier.
Sur le réseau social X, le porte-parole de l’armée israélienne, Avichay Adraee, a précisé : « L’armée de défense a attaqué des quartiers généraux de commandement, des infrastructures terroristes, des éléments terroristes, des plateformes de lancement de roquettes et un dépôt d’armes du Hezbollah terroriste au Liban. » Et d’ajouter : « L’armée de défense poursuivra ses frappes aussi longtemps que nécessaire pour protéger les citoyens de l’État d’Israël. »
La radio de l’armée israélienne a rapporté que « l’aviation a frappé 50 cibles aujourd’hui au Liban en réponse au tir de 6 roquettes vers Metula. »
Des avertissements explicites
Le ministre israélien de la Défense, Yisrael Katz, a tenu des propos particulièrement menaçants : « Metula en échange de Beyrouth », affirmant ainsi que la capitale libanaise pourrait être ciblée directement en cas d’escalade. Il a ajouté que le gouvernement libanais était responsable des tirs de roquettes depuis son territoire.
De son côté, le chef d’état-major israélien, le général Eyal Zamir, a déclaré : « L’État libanais est responsable du respect de l’accord de cessez-le-feu. »
À travers ces déclarations, les autorités israéliennes ont signifié qu’elles ne considèrent plus les infrastructures civiles comme des zones protégées. « Cette fois, il n’y aura pas de restrictions concernant les infrastructures civiles », a-t-on appris d’une source diplomatique. Ce qui signifie, en d’autres termes, que les États-Unis ne s’opposeraient plus à des frappes ciblant l’aéroport, le port de Beyrouth, ou encore les routes principales du pays.
Le ministre israélien de l’Énergie a quant à lui affirmé : « Nous devons frapper avec force en profondeur du Liban, y compris à Beyrouth même. »
Le Hezbollah nie toute implication
Face à ces accusations, le Hezbollah a transmis un message clair aux autorités libanaises. Selon les informations rapportées par LBCI, le mouvement chiite a informé les présidents de la République et du gouvernement qu’il « n’est pas concerné par ce qui s’est passé dans le Sud », qu’il « tient au cessez-le-feu », qu’il « se tient derrière l’État libanais » et qu’il « refuse un retour à l’escalade ».
Cette posture a été confirmée par plusieurs responsables politiques et religieux du pays, mais elle est contredite par les frappes israéliennes ciblant les infrastructures du Hezbollah, ce qui alimente les spéculations sur l’origine réelle des tirs.
Aoun condamne une « agression persistante »
Dans une déclaration rendue publique dans la matinée du 22 mars, le président de la République libanaise, Joseph Aoun, a dénoncé une nouvelle fois les atteintes à la souveraineté nationale : « Ce qui s’est passé aujourd’hui dans le Sud, et ce qui s’y poursuit depuis le 18 février dernier, constitue une agression persistante contre le Liban et un coup porté au projet de sauvetage sur lequel les Libanais se sont accordés. »
Le président Aoun a également lancé un appel à la vigilance : « J’appelle toutes les forces concernées dans le Sud, en particulier le comité de surveillance issu de l’accord de novembre 2024 ainsi que l’armée, à suivre de très près la situation afin d’éviter toute répercussion et de maîtriser toute violation ou négligence susceptible de menacer la patrie en cette période critique. »
Enfin, il a demandé au commandant de l’armée libanaise « de prendre les mesures de terrain nécessaires pour assurer la sécurité des citoyens et d’enquêter afin de faire toute la lumière sur les circonstances des événements. »
Nawaf Salam face à la question du désarmement
Le Premier ministre libanais, Nawaf Salam, a récemment ravivé le débat sur le rôle du Hezbollah au Liban. Dans une interview accordée à Al-Arabiya, il a affirmé que « la page des armes du Hezbollah a été tournée ». Il a souligné que, conformément à la déclaration ministérielle, « l’État détient désormais l’exclusivité des décisions de guerre et de paix », et que « toutes les armes doivent être sous le contrôle des forces légales ».
Cette position a suscité de vives réactions. Le mufti jaafari, Ahmad Kabalan, a mis en garde contre un désarmement du Hezbollah, qu’il a qualifié de « garantie existentielle pour le Liban ».
De son côté, le député des Forces libanaises, Ghassan Hasbani, a tenu des propos d’une extrême gravité : « Si l’armée libanaise ne prend pas possession des armes du Hezbollah — de gré ou de force, et dans les plus brefs délais —, cette mission sera confiée aux Israéliens au sud, et peut-être aux Syriens à l’est. »
Le clivage politique s’approfondit
Lors d’une séance du Conseil des ministres tenue le 13 mars, la ministre de l’Environnement, Tamara el-Zein, affiliée au mouvement Amal, s’est opposée à un désarmement immédiat du Hezbollah. Elle a justifié cette position en soulignant que « tant qu’Israël occupe cinq points au Liban-Sud, le désarmement du parti chiite ne devrait pas être envisagé ».
Deux autres ministres, également affiliés au mouvement Amal, ont défendu la même ligne. Le ministre des Finances, Yassine Jaber, et le ministre de la Santé, Mohammed Jawad Khalifé, ont affirmé que « les armes du Hezbollah sont essentielles pour la défense du Liban face aux menaces israéliennes persistantes ».
Ces divergences illustrent les tensions politiques internes croissantes autour de la question du désarmement, alors même que le pays traverse une crise économique, sociale et institutionnelle majeure.
Une situation hautement inflammable
Les frappes israéliennes du 22 mars marquent une nouvelle étape dans la détérioration sécuritaire du Liban. L’attaque de la ville de Tyr constitue une ligne rouge franchie pour la première fois depuis le cessez-le-feu de novembre. Cela indique que l’armée israélienne est désormais prête à élargir le champ de ses opérations.
Malgré les déclarations apaisantes de certains responsables libanais et les assurances du Hezbollah de ne pas chercher l’escalade, la réalité sur le terrain reste alarmante. Les menaces israéliennes de frapper directement Beyrouth, le climat politique polarisé et l’absence de consensus national sur le rôle du Hezbollah laissent craindre un engrenage difficilement contrôlable.
Alors que l’État tente de reprendre le contrôle de la politique de défense et d’imposer la primauté des institutions légales, il se heurte à une résistance structurée et profondément enracinée. La fragilité des équilibres internes, combinée à la volatilité régionale, fait du Liban un terrain propice à l’embrasement.