Les Américains interceptent du matériel militaire envoyé par la Chine à l’Iran

FILE - In this photo released by the official website of the office of the Iranian supreme leader, Supreme Leader Ayatollah Ali Khamenei speaks during a meeting with a group of Basij paramilitary force in Tehran, Iran, on Nov. 26, 2022. Iran summoned the French ambassador on Wednesday, Jan. 4, 2023, to condemn the publication of offensive caricatures of Supreme Leader Khamenei in the French satirical magazine Charlie Hebdo. (Office of the Iranian Supreme Leader via AP, File)
Le Wall Street journal révèle le raid d’un commando américain contre un navire venant de Chine qui transportait du matériel militaire à destination de l’Ira, un arraisonnement spectaculaire resté secret 
 
Le Proche orient dans la presse internationale, 
par Bruno Philip
 
Le navire qui faisait route vers l’Iran a été intercepté au large des côtes du Sri Lanka le mois dernier, les forces spéciales US confisquant le matériel militaire transporté par ce cargo. L’opération était restée secrète à la différence de la publicité donnée par Donald Trump de la récente saisie d’un pétrolier au large des côtes vénézueliennes – sans parler des assauts contre des bateaux censés transporter de la drogue depuis l’Amérique latine vers les Etats-Unis…
 
Mais l’affaire en question est tout aussi sérieuse, voire plus : le mois dernier, révèle le Wall Street Journal, un commando des forces spéciales américaines dans la région indo-pacifique a intercepté un cargo croisant au large des côtes sri lankaises. Ce bateau venait de Chine et transportait une cargaison de matériel militaire à destination de l’Iran.  « Le navire se trouvait à plusieurs centaines de kilomètres des côtes du Sri Lanka lorsque les agents l’ont arraisonné et ont confisqué la cargaison avant de le laisser poursuivre sa route » , écrit le journal, citant des sources américaines non identifiées et une personne « au fait de cette opération ».  
   
Ce raid contre un cargo dont le « Journal » n’a pu préciser ni le nom ni celui de son propriétaire,  » s’inscrivait dans le cadre d’une initiative du Pentagone visant à perturber les acquisitions militaires clandestines de la République islamique, après les importants dégâts infligés par Israël et les États-Unis à ses installations nucléaires et balistiques lors d’un conflit de douze jours en juin. »
 
Cette affaire, qui a donc été révélée des semaines après les faits – Le « WSJ » n’a pas non plus donné la date de l’intervention- , n’est pas anodine puisque le navire en question transportait des composants « à double usage », civil et militaire, entrant dans la fabrication du programme de missiles iraniens. Le destinataire de la cargaison, qui a été confisquée par le commando américain, était vraisemblablement une entreprise iranienne en lien avec ce même programme d’armements conventionnels.
 
Si le Wall Street Journal a réussi à obtenir ces informations exclusives émanant de sources sérieuses mais anonymes, tous les protagonistes de cette histoire se sont pourtant refusé de confirmer ou d’informer ce mystérieux arraisonnement : le commandement indo-pacifique américain n’a rien répondu aux demandes des journalistes, même chose, ce qui n’a rien de surprenant,  du côté des porte paroles des ministères des affaires étrangères iraniens et chinois. Pékin, allié de l’Iran, à qui elle achète du pétrole, n’a émis pour sa part aucune protestation contre l’interception d’un bateau provenant de son territoire et transportant ces composants à double usage fabriqués en Chine. « Les ventes chinoises de produits soupçonnés d’alimenter le programme balistique iranien font l’objet d’une surveillance accrue aux États-Unis. Le mois dernier, deux congressistes démocrates ont exhorté le secrétaire d’État américain Marco Rubio et le directeur de la CIA John Ratcliffe à enquêter sur une importante cargaison de produits chimiques en provenance de Chine et à destination de l’Iran, potentiellement utilisables dans la fabrication de propergols [ produit permettant la propulsion ] pour missiles », rappelle le Wall Street Journal.
 
Le quotidien avait auparavant écrit que deux navires iraniens avaient quitté en début d’année la Chine avec à leur bord plusieurs tonnes de perchlorate de sodium, un ingrédient utilisé pour produire du carburant solide destiné à la propulsion de missiles balistiques. En avril, le Trésor américain avait de son côté sanctionné plusieurs « entités » iraniennes et chinoises pour avoir « facilité les transferts » de tels précurseurs au Corps des gardiens de la révolution, la force politico-militaire la plus puissante du régime des mollahs. 
 
Seule inconnue : même si la Chine reste un soutien économique et diplomatique crucial de l’Iran, important son pétrole et dénonçant les sanctions américaines infligées par Washington à Téhéran, on ignore, précise le WSJ, « si le gouvernement chinois est au courant des livraisons destinées au programme balistique iranien, souvent effectuées par des navires et des entreprises sous contrôle iranien. »
 
Reste que, non seulement, le « partnership » chinois avec l’Iran est solide, mais il est aussi possible qu’il soit sorti renforcé de « la guerre des douze jours » infligées par Israël à l’Iran en juin dernier. C’est ce qu’affirme une analyse récente de l’ Australian institute of international affairs » (AIIA)  qui émet l’hypothèse « pas purement spéculative » que « la Chine aurait profité de la période post-conflit pour accélérer son implication avec l’Iran ». Selon ce think tank australien, « dans les mois qui ont suivi la fin des hostilités, de multiples signaux indiquent une intensification discrète mais délibérée des relations sino-iraniennes : réaffirmation des engagements pris dans le cadre d’accords stratégiques à long terme, renforcement de la coopération technologique et infrastructurelle, et convergence croissante des discours diplomatiques. » 
 
Elargissant la focale, l’ AIIA estime qu’une telle évolution s’inscrit dans le  » contexte d’un équilibre des pouvoirs en Eurasie en mutation, d’un ordre libéral fragilisé et de l’ambition plus large de Pékin de façonner l’architecture d’influence post-américaine dans les pays du Sud. » Raison de plus pour les opérateurs clandestins de l’armée des Etats-Unis pour aller se risquer à une pareille opération dans l’océan indien contre un navire qui y croisait en toute légalité. Même si elle transportait du matériel sous sanction américaine.