À Téhéran, l’humeur est maussade : « Les enfants n’ont pas d’avenir ici… » Le Washington Post prend le pouls de la classe moyenne urbanisée, mères de familles et Iraniens qui, pour la plupart, ne se reconnaissent pas dans le régime des mollahs mais n’ont pas non plus adhéré au mouvement « Femme, vie , liberté » qui a secoué le pays lors des manifestations de 2022. Le « micro trottoir » ne montre cependant pas du tout un régime au bord de l’effondrement…
Alors que vient de se terminer à Rome le dernier « round » des négociations entre Etats-Unis et l’Iran sous l’égide du Sultanat d’Oman, la petite bourgeoisie de Téhéran, qui essaie de vivre du mieux que possible en dépit d’une flambée des prix continue, ne se fait guère d’illusions sur l’issue de ces pourparlers. Tout en espérant que quelque chose puisse tout de même en sortir. Interviewée par le Washington Post, qui a dépêché un reporter sur place pour la première fois en dix ans, une jeune femme, Nirvana, confie ne plus avoir de projets de mariage, tant la vie quotidienne est aléatoire : « Je vois maintenant des amis mariés et je réalise à quel point c’est dur pour eux : je préfère encore vivre chez mes parents ».
Les loyers sont devenus inabordables, les salaires ne suivent pas l’inflation, bouchant l’horizon de la jeunesse. Un couple qui tient une boutique dans une galerie marchande de luxe explique qu’ils ont décidé de ne pas avoir d’enfants. « Les enfants n’ont aucun futur en Iran », constatent Sahriar, 46 ans, et son épouse Bahar, 43 ans. La raison est simple : la situation économique. Sahriar ajoute que, si les choses continuent comme ça, il ne sera bientôt plus en mesure d’assurer le coût du loyer de sa boutique. Le symbole même du grand bazar de Téhéran, le tapis, ne se vend plus. L’envoyée spéciale du « WP », Suzannah Georges, cheffe du bureau à Dubaï du grand quotidien de la capitale étatsunienne, écrit que « la baisse du pouvoir d’achat se voit jusque dans ces tapis empilés et invendus, montrant à quel point il est dur de trouver des clients. «
La cinquième session de discussions irano-américaines, qui s’est terminé vendredi sans résultats tangibles, en dépit de ce qu’avait avancé Donald Trump quelques jours plus tôt, a fait dire prudemment au médiateur omanais, le ministre des affaires étrangères Badr al-Busaidi, que les négociations ont débouché « sur quelque progrès, pour l’instant restés non concluants ».
Dans les rues de Téhéran, les Iraniens restent sceptiques sur une chance de réussite de ces premiers échanges entre les deux ennemis depuis des années : « Nous n’avons pas confiance dans les Américains », affirme une autre femme, qui soutient le régime. Et que pense-t-elle des négociations? « On verra bien », répond-elle, apparemment sans grande illusion sur les résultats.
En dépit des sanctions occidentales, qui pèsent lourd sur l’économie, des experts relèvent cependant que la situation économique des ménages, bien que précaire, comme on vient de le voir, aurait cependant tendance à légèrement s’améliorer, contrairement à nombre de prévisions. Selon Esfandiar Batmanghelidj, responsable d’un think tank basé à Londres, cité par le Washington Post, les Iraniens « se sont d’une certaine façon adapté à la nouvelle réalité » modelée par les sanctions imposées en 2018 sous « Trump saison 1 », effets amplifiés par l’épidémie de Covid. Ainsi, ajoute l’expert, même si l’Iran doit relever des défis très « fondamentaux », les chiffres ne montrent pas du tout « un pays au bord de l’effondrement économique ».