La Paix au Proche Orient reste toujours une gageure, forcément

L’acceptation de principe, formulée par le Hamas le 4 octobre 2025, d’une partie substantielle du plan de paix proposé par Donald Trump, est une très bonne nouvelle dans une région qui en manquait furieusement depuis deux ans. Rappelons qu’il a été validé non seulement par le Premier ministre israélien, mais aussi par les dirigeants des principaux Etats du monde arabo-musulman, réunis à New-York à l’occasion de l’Assemblée générale des Nations-Unies. Il reste que deux grands dangers guettent ce plan de paix en provenance aussi bien des Israéliens qui doivent renoncer au Grand Israël que des extrémistes  palestiniens.

Une Chronique internationale du Figaro du mardi 7 octobre 2025, signée Renaud GIRARD, qui nous a autorisés aimablement à reprendre son texte

Les négociations techniques d’application de ce plan – dont la première phase doit être la libération des derniers otages israéliens qui furent enlevés le 7 octobre 2023 par le Hamas sur le territoire internationalement reconnu d’Israël – ont commencé, le lundi 6 octobre, au Caire. Les diplomates israéliens et les chefs du mouvement islamiste palestinien ne se parlent hélas pas directement, mais par le biais de médiateurs qataris ou égyptiens.

Ces discussions soulèvent un immense espoir dans la région. Beaucoup d’Israéliens sont las de la guerre. Leurs conflits avec les arabes se répètent, sous une forme ou une autre, depuis près d’un siècle – les massacres de Juifs à Hébron datent de 1929. Ils aimeraient jouir de longues plages de paix, telles que celles qu’ont connues les Européens après la fin de la seconde guerre mondiale. Ils aimeraient être enfin acceptés dans le monde arabo-musulman qui les entoure, eux qui ont construit, sur une terre grande comme quatre départements français, au départ semi-désertique et infestée de paludisme, une société libre et ouverte, une agriculture exemplaire, une armée solide, un Etat démocratique, une industrie innovante. Après la signature des accords d’Abraham (2020), suscités par Trump lors de son premier mandat, plus de 100000 Israéliens se rendirent en vacances aux Emirats arabes unis.

Ils aimeraient ne plus se sentir menacés en permanence par des tirs de roquette ou des attentats terroristes. Ils ont été profondément choqués par le pogrom de type génocidaire qu’ont subi les kibboutzim du sud d’Israël, le 7 octobre 2023 – le pire massacre de Juifs depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

« Une punition collective »

Les familles arabes palestiniennes rêvent elles aussi de pouvoir vivre en paix et élever convenablement leurs enfants. Celles qui vivent à Gaza ont subi depuis deux ans un calvaire. La réponse militaire israélienne à l’attaque du Hamas ne fut pas chirurgicale (comme elle le fut plus tard contre le Hezbollah libanais) ; elle a hélas viré à la punition collective d’une population de plus de deux millions de personnes. L’enfermement couplé aux déplacements forcés et à la destruction de l’ensemble des infrastructures ont rendu la vie infernale dans la bande de Gaza. En Cisjordanie, l’Etat israélien, pourtant censé être un Etat de droit, a lâché la bride aux colons les plus fanatiques, qui harcèlent lâchement des familles arabes implantées en Palestine depuis des siècles.

Une chicha face à la mer interdite

Lors d’un séjour que j’avais effectué à Gaza lors de la guerre de l’été 2014, j’avais été frappé par le malheur de deux sœurs palestiniennes, rencontrées par hasard à une terrasse de café de Gaza city. Leur maison, située près de la frontière israélienne, venait d’être dynamitée par Tsahal, par « mesure de sécurité ». Elles s’étaient accordé un moment de répit, pour venir fumer une chicha face à la mer. C’est là que de « braves » militants du Hamas étaient venus leur interdire de fumer, activité prétendument interdite par l’islam. Leur vie était littéralement écrasée entre les bombes israéliennes et la dictature politico-morale des Frères musulmans du Hamas.

Sensible aux images télévisées de détresse en provenance du Proche-Orient, Donald Trump a senti qu’il lui fallait mettre fin une fois pour toutes à ce cycle de violences sans fin, nourri de haines recuites et de vendettas à répétition. Il a dressé un plan de paix à la fois réaliste et conforme au droit international, qui prohibe les déplacements forcés de populations ainsi que les annexions de territoires sans consentement de leurs habitants.

Les risques de dérapages

Du côté israélien, il faut que Benjamin Netanyahou refuse de se faire intimider par les deux ministres d’extrême-droite de son gouvernement qui ne rêvent que de chasser les Palestiniens de Gaza vers l’Egypte, et d’annexer la Cisjordanie. La logique du plan Trump est d’obtenir, à l’issue d’un long processus semé d’obstacles, un Etat palestinien démilitarisé vivant en paix aux côtés d’Israël – quelque chose que Netanyahou n’a accepté qu’une fois et que du bout des lèvres, du temps de l’administration Clinton.

Pour entraîner l’Etat hébreu dans cette dynamique de paix, il faudra que le premier ministre israélien actuel suive l’exemple de son illustre prédécesseur du Likoud, Menahem Begin, et qu’il renonce une fois pour toutes au projet ancien de son maître Vladimir Jabotinsky d’un grand Israël. Netanyahou est tout à fait capable de comprendre que la seule vraie sécurité pour Israël est la paix avec tous ses voisins.

Du côté palestinien, il faudra que le Hamas renonce au pouvoir sans partage qu’il exerçait sur Gaza depuis 2007. Au lieu de transformer la bande de Gaza en une sorte de Singapour grâce à l’argent des pétromonarchies, le mouvement islamiste a fait le choix funeste de la guerre. Il croyait pouvoir intimider Israël, mais cela n’a pas marché. Aujourd’hui, il doit tirer les leçons de son échec stratégique et quitter le territoire, en profitant de l’amnistie offerte par le plan Trump. Les dirigeants du Hamas sauront-ils faire passer le bonheur de leur peuple à long terme avant leurs propres intérêts politiques à court et moyen terme ? En 2008, j’ai interviewé Khaled Mechaal pour le Figaro. Je suis sûr que cet homme serait capable de faire un tel sacrifice pour son peuple. En ce qui concerne les autres dirigeants, je n’en sais rien. La bonne nouvelle est que le Qatar et la Turquie font pression dans le bon sens et qu’ils se coordonnent avec les Américains.

La paix au Proche-Orient est une gageure. Mais jamais un tel alignement de planètes n’aura existé en sa faveur.

Une Chronique internationale du Figaro du mardi 7 octobre 2025, signée Renaud GIRARD