La nouvelle « lune de miel » syro-américaine

La visite du nouveau maître de Damas à Washington, lundi 10 novembre, est un tournant géopolitique après des décennies d’inimitiés entre les USA et la Syrie
 
 
La rencontre entre Donald Trump et Ahmed al-Sharaa ouvre un nouveau chapitre de la relation entre la Syrie « post-Assad » et les Etats-Unis. Et la Turquie, nouveau mentor des Syriens, a été associée à cette entrevue, le ministre des affaires étrangères ayant été reçu par le chef de l’exécutif américain en même temps que le président syrien. Mais Ankara est restée très discrète à ce sujet…

La porte de derrière

 
Certes Ahmed al-Sharaa, ancien djihasdiste proche d’al qaïda, est entré dans la Maison Blanche par la porte de derrière et Donald Trump ne l’attendait pas sur le seuil comme il convient aux invités de marque… Mais tout de même, feint de s’interroger le Wall Street Journal, « Peut-on croire que le président Trump se soit assis avec LUI dans le bureau ovale? « … Même si le « WSJ » entend rester prudemment optimiste sur les conséquences de cette rencontre avec le leader d’un pays longtemps allié de l’URSS, puis de l’Iran et la Russie, l’éditorial du grand quotidien de la finance New Yorkaise se demande : Et si cette entrevue finissait par « inverser la dynamique [mortifère] » souvent à l’oeuvre au Proche et Moyen-Orient?
 
« La Syrie », remarque en effet le quotidien, « n’est plus la plaque tournante de l’approvisionnement de l’axe iranien même si le trafic d’armes iranien, qui déstabilise le Liban, la Jordanie et la Cisjordanie, se poursuit à travers ses frontières poreuses : les Etats-Unis ont [donc] tout intérêt à combler les brèches. Il s’agit également de trouver un compromis acceptable pour Damas et Jérusalem dans le sud de la Syrie. Cela permettrait de positionner le pays comme une zone tampon entre les puissances israéliennes et turques , plutôt que comme le théâtre d’un affrontement violent entre elles » .

Avec Trump, tout est possible

 
Alors que le département du Trésor américain a suspendu pour six mois les sanctions américaines pesant jusque là sur la Syrie,  le fait que Trump puisse s’asseoir avec un ancien partisan de Ben Laden, l’architecte des attaques du 11 septembre 2001, symbolise un tournant majeur pour la géopolitique moyen orientale. Même si, avec Trump il faut s’attendre à tout et son contraire et que, comme le souligne ironiquement le Wall Street Journal, le l’ancien magnat new yorkais des affaires « est capable de rencontrer n’importe qui », du Russe Poutine au Nord-Coréen Kim Jong Un, selon les humeurs du moment…
 
Le New York Times, de son côté, souligne que la visite à Washington de cet ancien islamiste syrien qualifié encore récemment de « terroriste » par les Etats-Unis d’Amérique qui avaient mis sa tête à prix pour 10 millions de dollars, montre à quel point Ahmed al-Shaara a été capable de transformer son image sur la scène internationale.
 
Trump disant a présenté ainsi son invité :  » Il vient d’un endroit très dur. C’est un dur. J’aime ce type… » 
La télévision qatarie Al Jazeera
 
Trump a été, comme à son habitude, direct dans son approche : « On dit qu’il [ al-Sharaa] a un passé très dur? Mais nous avons tous eu des passés durs! Et, lui,  franchement, s’il n’avait pas eu un tel passé, il n’aurait eu aucune chance [ de survivre] », a déclaré le chef de l’exécutif américain. Qui s’est empressé d’ ajoule 10 novembre, ter :  » Nous voulons que la Syrie devienne un pays qui réussit et je pense que ce dirigeant est capable de le faire ». 
 

La Turquie dans les coulisses

La nouvelle « lune de miel » syro-américaine fait par ailleurs des heureux chez l’un des voisins de Damas, la Turquie, qui a joué un rôle essentiel, après l’affaiblissement de l’Iran, naguère mentor du clan Assad, dans la nouvelle donne syrienne. Après le début de l’entretien entre al-Shaara et Trump, le ministre turc des affaires étrangères Hakan Fidan a en effet rejoint le duo dans le bureau ovale, une visite qui n’avait pas été annoncée.
 
Le site en ligne « Al Monitor », spécialisé sur le Moyen-Orient, remarque ainsi, sous la plume de sa correspondante à Ankara Ezgi Akin,  que « si les Turcs sont restés très discrets sur la visite de Fidan à Washington, c’est pour ne pas donner l’impression qu’al Shaara est  une marionnette de la Turquie : une stratégie destinée à rassurer les pays de la région et d’encourager une implication régionale plus large avec la Syrie ». Même si, en coulisse, la Turquie va rester à n’en pas douter un acteur essentiel du « nouveau cours » syrien.