Déjà conseiller pour le Moyen-Orient, Maassad Boulos, le père du gendre de Donald Trump, vient d’hériter du titre de conseiller principal pour l’Afrique. Cette nomination interroge tant par la charge des dossiers à traiter dans ces deux espaces que par le profil de cet homme d’affaires libanais, novice en matière diplomatique.
Leslie Varenne
Peu importe que le Secrétaire d’Etat adjoint aux affaires africaines n’a pas encore été désigné. Maassad Boulos ne dépend pas du Département d’Etat, sa nomination n’a pas nécessité l’aval du Congrès, c’est un conseiller personnel du Président, à l’instar d’un Jean-Marie Bockel en France.
Des affaires de famille
En cumulant ces deux titres de conseiller pour le Moyen-Orient et pour l’Afrique, l’homme se retrouve au centre de tous les points chauds de la planète, de la Palestine au Liban, en passant par la Syrie, le Sahel, le Soudan et la République Démocratique du Congo. Autant dire que la charge de travail est surhumaine. A moins qu’il n’ait pas été choisi pour résoudre les conflits…
L’homme de 54 ans qui détient pas moins de quatre passeports : français, libanais, américain et nigérian n’a d’ailleurs aucune expérience dans le domaine. Selon le magazine Africa Report, il a débuté dans les affaires en Afrique grâce à son épouse, fille de Zouhair el-Achkar Fadoul, propriétaire du groupe Fadoul fondé en 1966 au Burkina Faso. Aujourd’hui ce consortium détient plus de 100 entreprises dans une dizaine de pays d’Afrique, d’Europe et du Moyen-Orient. Depuis 2010, Maassad Boulos dirige une filiale de cette entreprise spécialisée dans le secteur automobile basée à Lagos au Nigéria. Les données financières disponibles montrent qu’elle n’est pas florissante et engrange une perte de chiffres d’affaires assez importante. Mais tout a changé pour lui en 2022 lorsque son fils se marie avec Tiffany Trump. La cérémonie réunissant plus de 500 invités à Mar-a- Lago fût fastueuse, un mélange savant du kitsch américain et du luxe oriental.
Un parcours politique sinueux
La nomination de Maassad Boulos comme conseiller principal de Donald Trump pour l’Afrique est d’autant plus singulière que ses premiers pas dans la diplomatie au Moyen-Orient n’ont pas été couronnés de succès, toutes les parties se méfiant de lui. En effet, ce chrétien maronite s’est lancé, sans grand succès dans l’arène politique libanaise.
En 2005, le futur père du gendre de Trump soutient le Courant patriotique libre de Michel Aoun, puis se tourne vers le parti Marada allié de la Syrie et du Parti communiste. En 2009, revirement total, il rejoint les forces libanaises de Samir Geagea ennemi juré de la Syrie et proche d’Israël. De retour en 2018, il apporte son appui à Sleiman Frangié, qui sera le candidat du Hezbollah en 2023. Ces grands écarts le rendent suspect pour les Israéliens et pour le gouvernement libanais. Alors il tente de donner des gages, en mars, il affirme que ses opinions sur Israël avaient été mal comprises et qu’il soutient profondément la sécurité de l’État juif ainsi que le plan de reprise de Gaza avancé par Trump.
En mars, toujours, notre ami fait plus fort encore en rencontrant Yossé Dagan, le gouverneur de la Cisjordanie occupée qui lui offre une bouteille de vin produite dans ces territoires, apportant ainsi un soutien symbolique aux colonies israéliennes en Palestine. Côté Libanais, les dirigeants ne disent rien publiquement mais n’en pensent pas moins. D’autant qu’à aucun moment Maassad Boulos n’a condamné les multiples violations du cessez-le-feu par Israël avec les bombardements au Liban sud et à Beyrouth. Il ne s’est pas opposé non plus à la reprise des frappes sur Gaza. Mais en réalité, selon la presse arabe, le Libanais n’a qu’une implication très limitée, le dossier est désormais confié à l’envoyé du Département d’Etat pour le Moyen-Orient, Morgan Ortagus.
Business first
Sa nomination comme conseiller principal en Afrique serait-elle une manière élégante de le débrancher d’une région où il n’a eu aucune réussite ? C’est une possibilité, l’autre hypothèse serait que Maassad Boulos reste cantonné aux affaires commerciales du continent africain. Si sa première mission dans les Grands Lacs débutée le 3 avril est officiellement décrite comme une promotion de la paix dans l’Est de la RDC, le volet « renforcement des investissements américains » est prioritaire. L’accord sur les minerais stratégiques entre Kinshasa et Washington se retrouve en effet, en haut de la feuille de route. Cet accord a néanmoins peu de chance de se réaliser tant les défis sont nombreux. (voir Donald Trump et le supplice du tantale). Il ne faut par ailleurs pas sur le conseiller Afrique de Donald Trump pour régler les dossiers brûlants des guerres au Sahel, au Soudan et même au Congo. Pour avoir une idée de la position américaine dans ces régions, il faudra attendre la nomination du Secrétaire d’Etat aux affaires africaines. En réalité, en Afrique comme au Moyen-Orient, Maassad Boulos, représente surtout l’incarnation d’un népotisme si souvent reproché aux gouvernements africains par les Occidentaux.