30000 gardiens de la Révolution quadrillent Téhéran

Marjane Satrapi, 2022.

Le dimanche 28 décembre, le bazar de Téhéran et les zones commerciales de la capitale ont été le théâtre d’un soulèvement de protestation, marqué par la fermeture des magasins et une grève des commerçants alors qu’un appel à manifester a été lancé pour ce mardi 30 décembre.

Des vidéos des manifestations montrent des protestataires scandant des slogans tels que « Mort au dictateur » et « Cette année est l’année du sang, celle de la chute de Seyyed Ali (Khamenei) ».

Le lundi, les manifestations se sont poursuivies. Craignant une extension du soulèvement populaire à l’ensemble de Téhéran, le Corps des Gardiens de la Révolution islamique (Pasdaran) a décrété l’état d’alerte maximale (100 %). Il est rapporté que plus de trente mille pasdarans ont été déployés dans la capitale.

La révolte gronde

Les manifestations et les affrontements se sont étendus à plusieurs villes, notamment Téhéran, Machhad, Kermanchah, Hamedan, Karaj, Malard et Qeshm. Les commerçants du bazar ont également lancé un appel à manifester pour le mardi 30 décembre, alors que tous les indicateurs économiques sont dans le rouge.

À la suite de l’effondrement de la valeur de la monnaie nationale et du non-retour des 117 milliards de dollars de devises dans le pays, Farzin, gouverneur de la Banque centrale, a été démis de ses fonctions. Sa révocation constitue-t-elle un sacrifice destiné à apaiser les protestations populaires ? Cela intervient alors même que l’inflation a atteint des sommets et que la pauvreté et la cherté de la vie font rage.

L’effondrement économique

  • Selon le média « Asr-e Emrouz», ces derniers jours, alors que le marché des changes connaissait de fortes fluctuations et une hausse marquée des prix, un groupe de députés de la douzième législature a adressé une lettre détaillée au président Massoud Pezeshkian, au président actuel du Parlement Mohammad Bagher Ghalibaf, ainsi qu’au chef du pouvoir judiciaire Mohseni Ejeï, pour critiquer les politiques monétaires du pays.
    Les auteurs de cette lettre estiment que les orientations actuelles conduisent, dans les faits, à la reproduction d’un cycle destructeur « hausse du taux de change – inflation ». Selon les données disponibles, depuis le début de l’année 1397 jusqu’au 25 Azar 1404, plus de 117 milliards de dollars issus des exportations non pétrolières ne sont pas revenus dans le circuit officiel de l’économie nationale.
  • Le Fonds monétaire international révèle une réalité amère : en 2025, l’Iran figure parmi les trois pays dont la monnaie nationale s’est effondrée le plus rapidement. En termes simples, cette chute équivaut à la destruction d’environ un tiers des avoirs des citoyens, par le biais de l’inflation et de l’impression massive de monnaie. Aux yeux de la population, ce phénomène n’a d’autre signification qu’un « vol systémique ».
    Si l’on veut décrire la catastrophe économique de 2025 non pas à l’aide de chiffres et de graphiques, mais de manière concrète, on peut dire que depuis le début de l’année, sur chaque tranche de 100 dollars d’épargne des citoyens, l’équivalent de 31 dollars a été prélevé de manière invisible. Autrement dit, un tiers de leurs biens s’est volatilisé à cause de la création monétaire sans contrepartie.

Vers « un ministère de la gestion des crises »

Abolfazl Aboutorabi, membre de la Commission des affaires intérieures et des conseils du Parlement, a déclaré à un journaliste parlementaire de l’agence Tasnim qu’au cours de la séance de l’après-midi, l’examen du projet de création d’un ministère de la Gestion des crises figurait à l’ordre du jour. Après l’audition des arguments des partisans et des opposants, les grandes lignes du projet ont été adoptées à la majorité des voix. Le texte a ensuite été renvoyé à un groupe de travail chargé d’examiner les détails et de présenter son rapport à la commission.

Selon un rapport du Fonds monétaire international, l’inflation des produits alimentaires a atteint 66 % cette année, et pour certains produits de première nécessité, tels que le pain et les céréales, elle a même dépassé les 100 %. Cette évolution menace gravement la sécurité alimentaire de millions d’Iraniens. Les rapports indiquent qu’environ 7 millions de personnes vivent dans une situation de pauvreté absolue et de faim cachée, tandis que plus de 40 millions d’autres sont confrontées à la pauvreté relative.

Au cours du mois iranien d’Azar (du 22 novembre au 22 décembre), 357 personnes ont été exécutées. Certains analystes estiment que la courbe ascendante des exécutions vise à empêcher les générations Z et Y de rejoindre les unités de résistance, tout en cherchant à intimider la société afin de prévenir un éventuel soulèvement.