En France, la jeune franco-congolaise aura été la révélation musicale de l’année, à seulement 22 ans. Son album Mega BBL, paru le 29 mai 2025, a mis moins de deux semaines à être certifié disque d’or. Une artiste en pleine ascension, qui marque une nouvelle ère de la pop francophone.
Mateo Gomez
Cet été, Théodora, Lili Théodora Mbangayo Mujinga de son vrai nom, aura fait le tour des festivals français : We Love Green, Vieilles Charrues, Yardland, le Cabaret Vert, et plus récemment, la Fête de l’Humanité. A chaque fois, les spectateurs ont plébiscité ses rythmes entraînants, ses mélodies entêtantes, son mélange éclectique de styles, et son second degré désinvolte. Celle qui se fait appeler Boss Lady s’est notamment fait connaître grâce à son hit, “Kongolese sous BBL”, sorti en septembre 2024, qui ne cesse d’accumuler les dizaines de millions de vues et d’écoutes sur les plateformes de streaming.
Un parcours mouvementé
Pourtant rien ne prédestinait Théodora au succès musical. Née en Suisse de parents Congolais qui fuyaient la persécution politique, elle a déménagé plusieurs fois dans plusieurs pays avant d’atterrir en France. Résidant à Vannes, en Bretagne, elle construit les débuts d’une carrière liée à la politique, en suivant une école préparatoire pour intégrer l’ENS, et en devenant membre du conseil régional des jeunes, présidente de la commission culturelle de celui-ci. Elle déclare, à l’époque, vouloir devenir femme politique pour changer le monde. Une femme appliquée et impliquée donc, qui pivote de plus en plus vers la musique avec son frère Jeez Suave, qui se charge de la composition des rythmes. C’est en 2021 qu’elle publie son premier EP, Neptune.
À l’époque, elle ne fait pas encore de vagues, il lui faut attendre “Kongolese sous BBL” pour atteindre la renommée. Mais cela ne se fait pas de manière typique, à travers la radio ou le bouche à oreille : Theodora représente un nouveau phénomène musical, celui des artistes qui deviennent célèbres grâce à TikTok, utilisant, exprès ou pas, la viralité des réseaux sociaux pour se faire connaître. Mais ce n’est pas le seul facteur qui fait de cette jeune chanteuse une artiste à part. Elle se distingue aussi par son éloignement de certains codes traditionnels de la pop française.
La chanteuse n’hésite pas à mettre en avant ses origines congolaises, comme le montre le titre de son hit ; ou certaines de ses chansons, musicalement inspirées de l’ampiano sudafricain ou de l’afrobeats ouest-africain ; mais aussi ses tenues sur scène, qui de temps en temps ont un “Free Congo” plastronné dessus. Dans ce sens, elle se différencie d’autres artistes francophones célèbres comme GIMS, lui aussi congolais, mais qui n’a jamais exploré ses origines dans sa musique.
La musique de la diaspora
Mais l’Afrique n’est pas son seul horizon musical : elle s’inspire également des styles antillais, notamment le bouyon, originaire de la Dominique, dans une grande synthèse de divers styles propres aux identités francophones noires, qu’elles soient européennes, africaines ou antillaises. Theodora se réclame ouvertement, dans ses chansons comme dans ses autres prises de parole, de cette identité, et s’en veut même une représentante, comme le montre son discours lors de la cérémonie des Flammes 2025, où elle a remporté le palmarès de la révélation de l’année : “Ce projet, c’est vraiment pour les enfants de la diaspora, […] pour la musique noire. […] Je le fais pour toutes les filles noires un peu bizarres!”
Car c’est aussi une féminité décomplexée qu’elle met en avant, avec des paroles teintées d’ironie comme “Parfois, je ne joins pas les deux bouts // C’est à cause de mon fiak, il éloigne trop mes genoux // Et mes gros seins me font souvent mal au cou”. Elle véhicule une image de femme à succès, riche et libre, qui fait ce que bon lui semble, comme le montre son surnom Boss Lady, ou des chansons comme « Fashion Designa ».
Theodora n’est certainement pas la première à faire cette synthèse musicale. Mais elle est une de ses représentantes les plus connues, et fait partie de cette nouvelle vague de pop française qui transforme les codes, met en avant ses origines, et mélange les styles.
Et le public adore.
