En concert le 7 octobre au FGO Barbara à Paris, ce groupe de sept jeunes béninoises a offert une belle performance en promotion de leur nouvel album. “Jusqu’au bout du monde”, sorti le 12 septembre 2025.
Mateo Gomez
La salle n’était pas pleine, mais le public, plutôt jeune, était enthousiaste. Dans la salle de concerts du 18e arrondissement de Paris, le chant, la danse, les cris et les applaudissements étaient de mise. C’est certainement dû à la musique du jeune groupe, un mélange endiablé de highlife ghanéen et de rumba congolaise, arrosé de garage rock et de psychédélique. Mais pas que : les chanteuses, Sandrine et Urrice, savent interagir avec la foule, en posant des questions, en racontant des histoires, en organisant des compétitions de quelle moitié du public chante le plus fort.
Plus que d’autres groupes, la Star Feminine Band se nourrit du public tout autant que le public se nourrit du groupe. A la sortie, les spectateurs sont ravis. “Ça m’a grave mise de bonne humeur, un mardi soir en plus”, déclare Philippine, 26 ans. “C’est aussi parce qu’elles ont l’air d’être d’hyper bonne humeur aussi !” Ravis, mais aussi impressionnés : “En vrai venir du fin fond du Bénin et jouer à Paris, même dans une petite salle, c’est très impressionnant, c’est pas donné à tout le monde”, remarque Angèle, également 26 ans.
De provenance du Natitingou, ville de 100 000 habitants au nord-ouest du Bénin, le groupe à été formé par le professeur de musique et animateur de radio locale André Balaguemon, qui a expliqué en 2021 à RTS dans un entretien qu’enfant il avait tellement été choqué par un mari qui battait sa femme, qu’il a par la suite décidé de créer ce groupe exclusivement féminin, pour leur offrir une opportunité.
La défiance du Patriarcat
De nombreux obstacles se dressent, le plus grand d’entre eux étant la défiance de la communauté, très patriarcale, qui voit d’un œil méfiant cet ensemble. Ce n’est qu’après un concert organisé à la hâte, qui fut finalement fort apprécié, qu’il put convaincre les familles et la mairie de la viabilité du projet. La Star Feminine Band devint donc un phénomène régional, enchaînant les concerts au nord du Bénin, tout en jonglant avec la scolarité des filles.
Ensuite, c’est par pur hasard qu’elles réussissent à devenir un phénomène transfrontalier. Il faut attendre la rencontre, en 2018, avec l’ingénieur de son français Jérémie Verdier, en mission dans la région, puis que celui-ci fasse circuler des enregistrements du groupe jusqu’aux mains de Jean-Baptiste Guillot, fondateur de Born Bad Records, un label français spécialisé dans la musique underground et difficile à trouver en France. C’est grâce au label et à ses connexions, ainsi qu’au parrainage des pouvoirs publics régionaux, que la Star Feminine Band réussit à tourner en Europe. Depuis, c’est la reconnaissance internationale : elles enchaînent des tournées en Europe après chaque album, et jouent dans des festivals célèbres comme les Eurockéennes en France ou Roskilde au Danemark.
C’est donc grâce à un concours de circonstances extraordinaire que le groupe a su se faire une renommée. Mais tous ses soutiens ne sont pas juste impliqués pour le plaisir de la musique : le message importe aussi. Sans surprise, la cause des femmes est l’ADN de l’ensemble, notamment ses particularités ouest-africaines : mariage et grossesses forcées, accès à l’éducation et au travail, etc. Un message présent dans les paroles de leurs chansons, mais aussi sur scène, où elles n’hésitent pas à le faire passer entre les morceaux.
Il ne faut tout de même pas perdre de vue l’essentiel : les jeunes femmes doivent avant tout leur succès à leur talent musical, qui n’est pas des moindres. Polyrythmie à la batterie qui s’entrelace avec deux tam tams, lignes de basse syncopées, riches claviers, harmonies vocales, cette virtuosité musicale fait également partie de leur identité (rendue encore plus impressionnante sur scène grâce aux danses simultanées) et donne une certaine profondeur à leurs albums.
“Ces femmes ont tout”, reprend Angèle à la fin du spectacle. “Le message, la mise en scène, le rythme, vraiment tout. Elles sont géniales”.