« Soudan souviens-toi », le documentaire de la cinéaste franco-tunisienne Hind Meddeb, est un témoignage très précieux sur l’Afrique d’aujourd’hui.
Une chronique de Christian Labrande
Documentaire français, tunisien, quatari de Hind Meddeb . 77 minutes. 24
À rebours d’une actualité journalistique qui se concentre habituellement sur le négatif, celle du terrorisme ou des massacres, le film témoigne d’une sorte de parenthèse enchantée de l’histoire africaine, celle d’une révolte spontanée et radicale à plus d’un titre. Celle qui a eu lieu dans les rues de Khartoum , capitale d’un Soudan qui, en avril 2019, venait de se débarrasser de la dictature d’Omar Al-Bachir.
Dès qu’elle est mise au courant de ce mouvement, la réalisatrice qui vit en France , décide d’en rendre compte. D’en témoigner avec pour arme sa seule caméra Ce sont de longues séquences de manifestations de rue qui frappent notamment par le rôle prépondérant qu’y jouent de jeune femmes réclamant l’instauration d’un « gouvernement citoyen » c’est-à-dire qui rompe avec la dictature islamiste et militaire qui a régné durant trente ans sur ce pays multiconfessionnel .
Un autre aspect frappant de ce mouvement est la forme qu’y prenait son expression orale : des slogans s’apparentant à une sorte de slam à la frontière de la poésie et de la revendication politique. Lors d’ un échange qui eut lieu à l’avant première du documentaire Hind Meddeb rapportait des rencontres avec des manifestants s’exprimant en longues séquences poétiques héritées d’une riche culture orale encore très vivace dans la société soudanaise.
Le retour du bâton

Après ces longues séquences, souvent jubilatoires, suivent des plans qui rendent compte du violent retour de bâton avec la reprise en main par les forces armées et les milices paramilitaires. Des scènes montrant des rues désertées sur lesquelles règne un silence glacé.
Mais reste ce beau témoignage documentaire, la transmission d’un espoir, comme l’a montrée la projection du film devant 200 migrants soudanais de la « jungle de Calais » revivant un moment unique dans l’histoire de leur pays. D’ailleurs comme on l’apprend par un texte apparaissant à l’écran après le générique , la plupart de celles et ceux qui témoignent dans ce documentaire ont suivi le chemin de l’exil. Loin d’un pays désormais livré à la violence militaire et à la cupidité suscitée par ses ressources naturelles.
Rappelons les chiffres de ce bilan qui fait frémir : en deux ans 150 000 morts et 13 millions de déplacés livrés à la famine et aux exactions.