L’Institut du monde arabe a organisé durant le mois de mars son traditionnel Festival Arabofolie. Cette année, du 8 au 20 mars, c’est la femme qui a été mise à l’honneur, notamment à travers une riche programmation qui nous a fait voyager en Algérie, au Maroc, ou encore en Tunisie.Mondafrique a pu rencontrer le somptueux musicien algérien Hakim Hamadouche, qui a évoqué les grandes étapes de son parcours d’artiste.
Une chronique de Fabienne Touma
Plusieurs hommages ont été rendus à des figures emblématiques maghrébines, telles que Cheikha Remitti, pionnière du raï trab et véritable monument de la culture algérienne, Edmond Amran El Maleh, écrivain engagé, ou encore les cheikhates marocains à travers « Kabareh Cheikhats » qui ont permis de parcourir des siècles de musique, en partant des musiques juives marocaines au chaâbi, et de la aïta à l’hamdaoui.
La plupart des artistes participant au festival ont présenté directement leur musique, à l’instar de Rodolphe Burger qui, dicté par la poésie et les vers ancestraux qu’il met en musique, a raconté l’histoire d’un amour absolu entre un homme et une femme
Toujours dans le thème de la poésie, Françoise Atlan, franco-marocaine, a embarqué le public dans un voyage sous forme de conférence-chantée, un avant-goût de son prochain concert accompagné de l’orchestre arabo-andalou de Fès, dirigé par Mohamed Briouel.
Majd Boukhtir, percussionniste et interprète tunisien, a présenté sa nouvelle création en préparation sur laquelle il travaille encore à la cité internationale des arts de Paris, où il est résident. Quant à Amina Karadja, elle a emmené le public dans un registre andalou de Tlemcen, avec un octuor composé d’un târ, d’un violon, d’un kanoun, d’un clavier, d’une derbouka et d’une contrebasse.
Djimawi Africa, un collectif de huit Algériens partageant les mêmes influences et styles, a présenté de son côté un panorama de la musique, tous styles confondus : classique, métal, reggae, châabi andalou, gnawi, etc.
Dans un tout autre registre, Khtek, nouveau visage féminin du rap marocain, et Stormy ont reflété à travers leur concert une nouvelle génération qui affirme son identité, leur prestation faisant écho aux quartiers populaires de Rabat.
Notre rencontre avec Hakim Hamadouche, un musicien bien connu en Algérie, aux frontières du châabi, la musique traditionnelle algéroise,, du jazz et de punk rock, accompagné de son instrument, le mando-luthe.
L’IMA le présente comme un « fidèle lieutenant de Rachid Taha, chanteur algérien, mais qui ne peut se résumer à ce titre honorifique ». « Chanteur expressif, génie du mandoluth, auteur compositeur vif et profond, il porte l’héritage du chaâbi algérien, la liberté du jazz et l’intensité du punk rock », souligne l’IMA.
il est imprégné dès son plus jeune âge par la musique, alors qu’il rêvait d’être peintre. L’artiste raconte une anecdote lors de son enfance, un concours de circonstance qui, sur le moment, l’a déçu mais qui sera l’élément déclencheur de sa carrière. Son frère, Boualem, lui offrit un jour à son anniversaire une guitare au lieu d’une mallette de peinture que l’artiste attendait. Pourtant ce n’était pas n’importe quelle guitare mais celle du célèbre chanteur russe Vladimir Vyssotski !
Ayant énormément appris sur la musique grâce à son frère Malek Hamadouche, qui dirigeait la chorale polyphonique d’Alger dont il faisait partie, il commence à s’entrainer, seul, à la guitare, en autodidacte. Il débute donc son parcours en tant que guitariste. En revanche, précise l’artiste, « je n’ai jamais entendu mon père chanter, on ne montrait pas qu’on était chanteur ou musicien, c’était interdit à l’époque, c’était mal vu ».
Tour de Babel musicale
Hakim Hamadouche a fait partie de plusieurs groupes, comme Leila Percussion ou trio oriental, dans lesquels il a exploré le chant africain et la poésie, dans le cadre du premier groupe, ou encore la diversité musicale et nationale dans le cas du second, lequel regroupe une saxophoniste arménienne, un batteur d’origine égyptienne et lui-même, de nationalité algérienne.
Interrogé sur les grandes lignes de son parcours, il évoque surtout les rencontres importantes de sa carrière, telles que celle avec Rachid Taha avec qui il a longtemps travaillé. « Nous avons tourné dans une centaine de pays. Une tournée qui a duré plusieurs années », précise Hakim Hamadouche. Il évoque aussi sa coopération avec Raymond Beni, une rencontre essentielle au niveau de la musique improvisée qui dicte ses créations et sa musique. « L’improvisation, c’est l’oxygène de l’artiste, souligne-t-il. Il est préférable pour la santé mentale et sentimentale que la musique ne soit pas un produit de consommation ordinaire. L’improvisation permet d’attirer l’attention du public, de le dévier de ce qui nous est imposé par la société et de l’émouvoir surtout, puisque la musique est un vecteur d’émotions. Il faut le surprendre et pourquoi pas le choquer et le déranger ».
Son album « Live »
C’est à l’Institut du Monde Arabe qu’il a présenté son récent album « Live » dans lequel il présente une équipe composée de 4 femmes et 4 hommes, une parité volontaire de la part de l’artiste. « Live, tout simplement parce que nous n’avons pas enregistré dans un studio, nous avons simplement joué et enregistré », indique le musicien à Mondafrique. C’est un aspect spontané qui laisse aussi la place à l’improvisation que cherche à refléter l’artiste dans cet album.
Sur scène, il est apparu accompagné d’un instrument, le Mandoluthe, une appellation donnée par l’artiste lui-même. Similaire au mandole algérien, muni d’un manche long à 4 cordes doubles (essentiellement pour le chaâbi arabo andalou) ou 5 à 6 cordes doubles, le mandoluthe à 5 cordes double de Hakim Hamadouche permet de recréer en musique l’atmosphère de son pays, l’Algérie.