La baisse de la fréquentation des cérémonies religieuses prouve que la religion doit s’ouvrir à de nouvelles cultures, et l’un des moyens d’y parvenir est la mode. La récurrence de la représentation religieuse dans la haute couture redonne au christianisme sa superbe, mêlant le sacré, rencontrant le profane dans une consécration artistique.
Un article d’Eliane Bedu, du site libanais « Ici Beyrouth »
Dès le XIIIe siècle, l’Église catholique a commencé à réglementer les vêtements religieux, imposant aux clercs une garde-robe bien définie. Oubliant leur vœu de pauvreté, les voici vêtus d’une soutane et d’une mozetta, d’une barrette noire, d’une chape, sans parler de leurs bijoux et ornements ostentatoires. La mode ecclésiastique est éblouissante, utilisant des matières luxueuses comme le velours, l’hermine blanche ou la soie. Déjà, la magnificence du sacré est représentée à travers la mode, la richesse des tissus et des broderies représentant une procession de foi.
Dès les premiers âges, la religion fut toujours représentée dans l’art. Les thèmes religieux ont ainsi inspiré les plus grandes œuvres occidentales, comme le David de Michel-Ange, ou le plafond de la chapelle Sixtine. La haute couture, en particulier, est conçue pour être admirée. Les couturiers sont vénérés comme des dieux, leurs créations défiant les lois de la physique en combinant volumes, drapés et coupes avec mouvement et légèreté. Et la mode n’échappe pas aux mêmes inspirations que d’autres arts sacrés, car elle puise parfois sa créativité dans l’inspiration suprême qu’est la religion.
La haute couture, un journal intime
Le couturier se révèle dans chaque modèle ; l’histoire de sa vie, son caractère et son héritage culturel se reflètent dans son œuvre. C’est ainsi que certains créateurs se sont inspirés de leur foi pour réaliser de nouvelles créations. Coco Chanel, Dolce & Gabbana sont – entre autres – les designers qui ont utilisé la religion comme l’une de leurs inspirations majeures.
Gabrielle Chanel, qui aurait grandi dans une abbaye française, a créé les » C » entrelacés qui constituent le logo emblématique de sa Maison après avoir contemplé les vitraux de la chapelle de l’abbaye dans laquelle elle aurait vécu pendant une dizaine d’années. De la même manière, la finesse de ses silhouettes et la récurrence du noir et du blanc dans ses collections ont été inspirées par les vêtements des religieuses. Plus de cent ans après la création de la Maison Chanel, ces éléments continuent d’être utilisés par les divers directeurs artistiques, faisant désormais partie de l’identité de la marque.
La « devotion fashion »
Domenico Dolce et Stefano Gabbana, fondateurs de la maison éponyme, tous deux catholiques, ont puisé dans leurs origines siciliennes et leur culture religieuse, les associant au thème italien populaire de la » Dolce Vita « . S’inspirant de la cathédrale de Monreale en Sicile, leurs robes en mosaïque byzantine reconstituent l’esthétique de l’adaptation cinématographique du » Guépard » par Visconti. Des madones, des anges et des croix sont exposés dans la » devotion fashion « , comme il est inscrit sur leurs vêtements.
Mais les croix ne sont pas seulement l’apanage de Dolce & Gabbana. Gianni Versace, qui grandît à Reggio Calabria, située à la pointe de l’Italie, a également utilisé la culture religieuse italienne dans ses créations. Bien que Gianni se soit principalement inspiré de la Grèce antique, utilisant notamment la tête de Méduse comme symbole de la marque, Versace met en scène la croix chrétienne lors du dernier défilé du couturier en 1997, quelques mois seulement avant son assassinat. Cette dernière a ensuite été reprise par sa sœur Donatella dans les années suivantes, et on la retrouve dans l’inoubliable tenue de Kim Kardashian pour le Met Gala de 2018.
Quel meilleur hommage pourrait-on rendre à la religion que de la porter ?