Si l’on affirme souvent que 90 % du patrimoine africain se trouve dans l’hémisphère nord, on oublie généralement de préciser que seulement 5 % de ce patrimoine, au mieux, est exposé dans les musées.[1] Aussi, la question teintée d’inquiétude qui revient le plus souvent : « que restera-t-il dans les musées si nous restituons les œuvres demandées ? » est sans objet : les réserves sont pleines. Comme l’exprime Claire Brizon, chargée de recherche au Musée cantonal d’archéologie et d’histoire de Lausanne, l’Occident a accumulé assez d’objets pour les dix générations futures.
Voici le cinquième volet de la série d’été de Mondafrique sur la nécessaire restitution des biens culturels à l’Afrique
Un article d’Alexandre Vanautgaerden, historien et historien d’art.
La question de la qualité, et de la quantité, des musées existants en Afrique est également un faux problème. Le British Museum refuse bien de restituer à la Grèce les marbres du Parthénon, alors qu’un musée moderne fut conçu exprès pour les accueillir, et ce au pied de l’Acropole. Le problème est donc ailleurs. Le monde que nous habitons depuis plusieurs siècles est bâti sur l’idée-même de propriété. C’est ce système de valeurs qui entrave l’ensemble du processus de discussion avec les pays africains. Pendant une soixantaine d’années, des excuses diverses ont été avancées pour éluder le vrai problème : comment accepter de se défaire de ce que l’on possède ? Le monde occidental a échafaudé un arsenal juridique pour asseoir ce concept de propriété, et le principe d’inaliénabilité, que l’on oppose souvent aux Africains, et aux Grecs pour les marbres, est l’un de ceux-ci.
Décolonisation des collections
Le mot en vogue dans les musées aujourd’hui est celui de « décolonisation des collections ». Partant de ce vocable, les adversaires des restitutions ont pu facilement engluer le débat dans une prétendue « repentance coloniale ». Aussi est-il utile d’observer la situation d’un pays qui n’a pas constitué d’empire : la Suisse. Si la Confédération helvétique n’a pas eu de colonies, elle a néanmoins participé à l’entreprise coloniale via ses ressortissants. Dans un ouvrage qui a fait date, Patrick Minder a forgé le concept de « colonialité de la Suisse », en étudiant les traces laissées par de nombreux Suisses dans les pays colonisés.[2] Comme le rappelle Floriane Morin, conservatrice responsable du département Afrique au Musée d’Ethnographie de Genève (MEG), la Suisse a profité du contexte colonial pour s’enrichir, et les objets sont arrivés par les mêmes canaux que pour les musées belges, français, britanniques ou allemands. Lorsqu’en Europe, le marché colonial était florissant, et que des objets étaient régulièrement proposés à la vente, les musées suisses se sont portés acquéreurs. Le musée d’ethnographie de Genève a, comme tant d’autres institutions, acheté des pièces issues de pillages.
Si les musées suisses demeurent pour l’instant à l’écart des demandes de restitution, ils se sont lancés spontanément dans un travail de recherche de provenance pour « décoloniser » leur collection. Ils avaient déjà entrepris un travail de même nature suite au fameux rapport Bergier, pour déterminer les provenances des œuvres d’art au regard des spoliations nazies.[3] À la suite de ce rapport en 2002, une recherche considérable a été effectuée dans les inventaires des musées pour déterminer les provenances des œuvres d’art. Celles-ci ont abouti à plusieurs restitutions.
L’association des musées suisses vient dans cet esprit de publier une brochure sur la recherche de provenance dans les collections coloniales. Le programme annoncé est intéressant, et élève significativement le débat : « Au-delà de la recherche de provenance fondamentale, il [y] est question de réfléchir ensemble, avec les communautés sources, à de possibles formes de collaborations et de partages de ces collections, à des formes de réparation ou d’éventuels retours. »[4]
Les communautés plutôt qu’avec les États
Le Musée d’ethnographie de la Ville de Genève a été l’un des premiers musées d’ethnologie en Suisse à mettre en ligne à partir de 2003 l’ensemble de leurs collections et de leurs inventaires afin, notamment, de permettre aux communautés qui le souhaitent d’identifier les objets conservés à Genève. Ce travail de transparence était accompagné d’une démarche peu commune pour un musée. Menée par le directeur du MEG d’alors, Boris Wastiau, elle consistait à se « défaire » en 2011 de ses archives pour les confier aux Archives municipales de la Ville, afin qu’elles soient numérisées rapidement et rendues consultables dans les meilleures conditions. En 2020, dans le programme stratégique du MEG (2020-2024), le plan de décolonisation des collections apparaît en bonne place. Conduit par Carine Ayelé Durand, l’actuelle directrice, il porte le sous-titre éloquent : « un dialogue renoué avec les cultures d’origine pour des échanges équitables ». Ce terme « culture d’origine » met l’accent en Suisse sur le dialogue avec les communautés, ou les individus, et non seulement les États. C’est là une des grandes différences avec la France et la position décrite dans le rapport Savoy-Sarr en 2018. Elle s’explique en partie par l’organisation fédérale de la Suisse, et l’autonomie de décision que possèdent les différentes autorités de tutelle (ville, canton).[5] La brochure des musées suisse était coordonnée par Claire Brizon. Comme la directrice du MEG à Genève, Carine Ayelé Durand, celle-ci a travaillé de nombreuses années au Musée des Confluences à Lyon. Ce n’est pas surprenant. L’initiateur de ce musée, Michel Côté, y avait importé du Canada une réflexion sur le partenariat avec les communautés d’origine. Elles ont toutes deux, à leur tour, importé en Suisse cette volonté de collaborer étroitement avec les communautés.
Renommer les objets
À Lyon, Claire Brizon avait commencé à travailler sur les collections provenant de Nouvelle Calédonie avec le poète Kanak Denis Pourawa.[6] Ils ont poursuivi ce travail à Lausanne à partir d’une hache de Nouvelle-Calédonie souvent dite « ostensoir ». Une des actions effectuées a consisté à renommer l’objet en conformité avec son utilisation en Nouvelle- Calédonie. Cet acte langagier peut sembler anecdotique. Pourtant, un des premiers signes d’arrachement d’un objet à sa culture consiste à le détourner de son lieu d’origine en lui retirant son nom. L’objet est « enchâssé » dans différents systèmes, différentes valeurs qui varient selon les contextes et les époques, comme l’écrit Nicholas Thomas.[7] Lui redonner son nom est la première étape sur le chemin du retour, et, partant, sur la quête de son identité.
Roland Kaehr, qui fut Conservateur adjoint au Musée d’ethnographie de Neuchâtel, nous raconte dans le même esprit que le rituel qui marque l’entrée d’un objet dans une collection muséographique est l’apposition d’une cote. Lors de notre entretien, il se souvient de la visite à Neuchâtel en 2007 du conservateur du musée national du Bouthan qui, logé à côté d’un dzong (monastère), devait prêter régulièrement des masques aux moines pour des rituels. Ces objets, pour « sortir » du musée et se réinsérer dans le monde, étaient réinvestis dans leur fonction initiale par une cérémonie qui puisse les sacraliser à nouveau. La scène fait écho aux paroles du roi d’Allada, Toyi Dgigla Kpodégbé, relatées dans l’épisode précédent à propos des pièces du Trésor de Béhanzin au Bénin.[8] Mais le plus gênant pour le conservateur du Bouthan, c’était que la première marque distinctive qui marque l’entrée de l’objet au musée, la cote, était systématiquement grattée par les moines.[9] Un exemple de la prise de possession symbolique par l’apposition d’une cote lors de l’entrée de l’objet au sein du musée, apparaît bien sur ce masque de la collection Rietberg à Zurich, dont la nouvelle identité – Inv. 2011.9 – est peinte à même l’objet.
Transmission de pouvoir au sein du musée
L’objet ne perd pas systématiquement sa charge magique ou rituelle quand il entre au musée. Le 27 juin dernier au Musée du Quai Branly, eut lieu une transmission bien singulière entre deux masques. Le masque rituel Tukah déporté en 1957 de la chefferie Bamendou, un des royaumes du pays Bamiléké (Cameroun), a été rapproché de sa réplique finalisée en 2019, lors d’une cérémonie rituelle de transfert de pouvoirs. Le masque Tukah est utilisé tous les cinq ans pour des rituels liés au pouvoir royal et aux rites agraires. Le masque original a été offert dans les années 1950 par la chefferie Bamendou au Dr Pierre Harter, qui exerçait dans la région où sévissaient la malaria et la lèpre, et qui le légua à sa mort en 1991 à l’État français. Il est exposé aujourd’hui au Louvre, au Pavillon des Sessions. La cérémonie a eu lieu en présence du roi des Bamendou, Gabriel Tsidie, et du président du musée du Quai Branly, Emmanuel Kasarhérou. La réplique, venue du Cameroun, a été rapprochée physiquement de l’original (sans qu’ils se touchent) pour que cette dernière lui transmette ses pouvoirs. Après une première rencontre avec le public, un officiant a entamé la cérémonie, avant qu’elle ne se poursuive à l’abri des regards, dans un enclos bordé de tissus, afin que le masque original transmette sa puissance à son jumeau.[10]
« Objets ambassadeurs ».
Pour revenir à la hache dite ostensoir du musée de Lausanne, il est intéressant de noter qu’elle est inscrite à l’inventaire du patrimoine kanak dispersé qui vise à localiser l’ensemble des biens kanak hors du pays.[11] Pour le peuple kanak, il n’a jamais été question de demander la restitution de leurs objets qu’ils considèrent comme des « objets ambassadeurs » de leur culture dans le monde. Issu de réflexions politiques élaborées dans les années 1970, le peuple kanak considère les musées occidentaux comme les gardiens de ces objets. Leur position se modifiera peut-être au regard des débats actuels dans lesquels les pays africains tiennent le leadership.
Dans le travail mené par Claire Brizon avec le poète Denis Pourawa émerge l’idée qu’il y a une coresponsabilité sur les collections avec les communautés d’origine. Dans un premier temps, certains musées ont pensé qu’il suffisait d’offrir des bourses de recherche à des chercheurs africains, de numériser les collections et d’offrir cette offre numérique pour être quitte des demandes de restitutions. C’est évidemment une façon abusive d’envisager le problème. Cela ne suffit pas et ne peut suffire. Indépendamment de la question du retour ou non des objets, les Africains désirent reprendre possession de ces objets d’abord sur le plan symbolique. Puis, éventuellement, s’il convient, comme nous le rappelait Abdoulaye Camara dans le troisième épisode de cette série, ils demanderont le retour des biens culturels nécessaires pour l’écriture de l’histoire des peuples d’Afrique.[12] La notion d’ambassadeur a ceci d’intéressant qu’elle désigne des personnes qui ont pour vocation de ne rester que temporairement dans un lieu. Ce n’est pas ainsi que l’envisageait le peuple kanak, mais au regard des réflexions africaines contemporaines, le statut pourrait mener à d’utiles « nominations » pour certains objets, avec de nouvelles « affectations de poste », voire à des retours au pays dans leur « corps d’origine », comme le dit si poétiquement le langage administratif français.
Le projet « Initiative Bénin Suisse »
En France, le rapport de Felwine Sarr et Bénédicte Savoy commandé par le président Emmanuel Macron a été vivement critiqué, nous l’avons vu dans l’épisode précédent.[13] En Europe, par contre, on peut parler d’un avant et d’un après la publication de ce rapport. Dans nombre de pays, il a contribué à changer les mentalités. Floriane Morin du MEG nous confirme son impact en Suisse. Il a eu pour effet de créer une vraie collaboration entre musées alémaniques et romands qui se sont engagés dans un programme de recherche en provenance.[14] Il y a d’abord eu un travail commun entre ces musées pour établir la disponibilité de leurs inventaires et archives concernant les collections non européennes ; il fallait ensuite vérifier si ces inventaires contenaient les informations de provenance ; puis, veiller à ce qu’elles deviennent facilement accessibles.
Le projet actuel le plus significatif est mené par le Musée Rietberg avec sept autres musées suisses.[15] Il concerne le royaume de Bénin, qui se trouve aujourd’hui dans l’actuel Nigeria. En 1897, une expédition britannique conduite par le consul Philips se dirigeait vers Benin City au moment où le roi, l’Oba Ovonramwen célébrait l’un des plus importants rites annuels pendant lequel il ne lui était pas permis d’entrer en contact avec quoi que ce soit d’étranger, y compris les personnes. Le consul Philips, prévenu, passa outre et l’inévitable se produisit. Le rituel étant l’acte le plus important dans la vie des Binis, il fallait à tout prix empêcher Philips d’aller plus loin. Une personne de la suite de l’Oba, le chef Olugbushe, sans en référer au roi, tua sept des neuf membres de l’expédition. La réaction britannique fut immédiate. La ville fut envahie et le palais où se trouvaient des dizaines de milliers d’objets d’art en bois, en ivoire ou en bronze, fut d’abord pillé… puis incendié et le roi fut exilé. Les objets d’art furent d’abord envoyés à Londres et, de là, dispersés dans le monde entier. On estime entre 3000 et 5000 les pièces dérobées alors.[16] Il n’est guère de musée ethnographique qui ne possède au moins une pièce de Benin city. Aujourd’hui, les musées suisses comptent une centaine d’objets dont on suppose qu’ils proviennent de ce Royaume.
Ce projet, financé par l’Office fédéral de la culture suisse (OFC), est axé sur la recherche de provenance postcoloniale. Il accorde une grande importance à la coopération et aux échanges avec le Nigeria. Les musées travaillent avec une historienne nigériane de l’Université du Bénin, la Dr Enibokun Uzebu-Imarhiagbe. Les méthodes utilisées comprennent des recherches dans les archives européennes et africaines, des entretiens sur les pratiques de collecte et de commerce occidentales, ainsi que la collecte d’histoires orales transmises par les guildes d’artisans et les sociétés de palais de Benin City. L’objectif est de reconstituer les biographies des objets et de leurs circuits de vente d’un point de vue suisse et nigérian.
Jusqu’à présent, aucune demande de restitution n’a été présentée aux musées suisses, mais, comme le collectif suisse l’écrit : « il est néanmoins important pour [nous] d’agir de manière responsable en lançant des recherches et en discutant des questions sensibles concernant le patrimoine culturel du royaume du Bénin ».
Vers une co-responsabilité des collections
Je n’ai pas encore parlé dans cette chronique des articles que rédige le Dr Kwame Opoku sur le site Modern Ghana. Ils sont fondamentaux pour notre sujet, et il faut lire en priorité celui publié le 7 décembre 2021 : « Are We Receiving The Restitution We Seek ? ».[17] C’est un article écrit d’une façon vibrante à l’occasion du retour le 10 novembre 2021 sur le sol béninois du Trésor du Béhanzin, par ce juriste qui milite depuis des années pour la restitution des objets. Il y propose même que les Nations Unies/Unesco déclarent le 10 novembre « Journée mondiale de la restitution ».[18]
Le Dr Kwame Opaku souligne, lui aussi, les effets bénéfiques de la déclaration d’Emmanuel Macron de Ouagadougou en 2017 et du rapport de Felwine Sarr et de Bénédicte Savoy qui ont eu un effet dévastateur dans le monde occidental (the effect of a tremendous devastating detonation). Il applaudit aux retours des objets en Afrique, mais il insiste surtout pour que les Africains demeurent vigilants et évitent toute complaisance. Le Bénin a demandé en 2016 la restitution de 5000 objets d’art pillés par les Français en 1892 et il n’a reçu le 10 novembre que 26 précieux trésors. À ce rythme, combien faudra-t-il d’années pour que ces pièces lui soient rendues ? Malheureusement, Emmanuel Macron n’a pas annoncé la restitution du fameux Dieu Gou lors de son voyage au Bénin il y a dix jours. À la question d’un journaliste qui l’interrogeait sur l’agenda des restitutions, il se contenta de renvoyer à son projet de Loi cadre et au délai nécessaire aux instances politiques françaises pour mettre en œuvre celle-ci.[19]
Le Dr Kwame Opaku est également très critique par rapport aux recherches de provenance qu’il considère comme des « stratégies dilatoires » (delaying tactics). Il s’interroge sur ce que les institutions occidentales au cours des cent trente dernières années, ont réellement accompli. Ont-elles besoin des objets physiques pour leurs recherches ? Elles pourraient, selon lui, utiliser des répliques, des photos et des versions numériques des objets pour leurs recherches, principalement basées sur l’examen de la documentation disponible dans les institutions européennes.
Mais il y a plus problématique. Comme nous le rapporte Roland Kaehr à Neuchâtel, un des meilleurs connaisseurs de l’histoire des collections ethnographiques en Suisse, les archives et inventaires ne livreront qu’au compte-gouttes les informations de provenance que nous désirons obtenir.[20] La brochure sur la recherche de provenance rédigée par l’Association des musées suisses est très intéressante, mais, selon lui, elle ne pourra pas être suivie d’effets probants. Tout simplement parce que les personnes qui ont rédigé jadis ces inventaires n’ont pas noté les informations que nous désirons trouver aujourd’hui. Pour ce qui concerne le musée d’ethnologie de Neuchâtel, collection qu’il connaît particulièrement bien pour y avoir travaillé quarante années, il a pu découvrir seulement trois pièces pour lesquelles il peut établir avec certitude qu’elles ont été dérobées, au sein d’un ensemble qui contient des dizaines de milliers de pièces. C’est peu.
On comprend l’intérêt des musées pour la recherche de provenance, qu’on appelait jadis « histoire des collections ». Mais il faut admettre que le Dr Kwame Opaku a sans doute raison de penser que la recherche en provenance est une nouvelle façon de gagner du temps pour ne pas traiter des vraies questions, une simple occupation savante pour beaucoup de musées, dont les Africains n’ont cure.
C’est pourquoi l’action des musées suisses en faveur d’un partenariat avec les communautés d’origine paraît plus pertinent. Il reste peut-être à envisager différemment l’intervention des personnes issues de ces communautés, que l’on sollicite désormais de plus en plus régulièrement. Ils ne peuvent être de simples faire valoir, des « personnes ressources ».
Il faut leur attribuer un vrai statut au sein des collections qui les accueillent, les rémunérer, et considérer comment l’on pourrait élaborer ensemble cette notion de coresponsabilité sur les collections. Ainsi, l’on pourra envisager plus sereinement le retour de certains objets quand les deux partis le trouveront opportun.
NOTES
[1] Ce chiffre de 90 ou 95% à propos du patrimoine africain conservé hors d’Afrique est souvent avancé, sans qu’on ne possède aucune donnée fiable qui permette de le confirmer. Le chiffre de 5% des œuvres exposées dans les musées se base lui aussi sur des chiffres communément admis dans les études sur les musées. Voir l’enquête réalisée par la revue en ligne américaine Quartz auprès de 20 musées importants répartis dans 7 pays, Christopher Groskopf, « Museums are keeping a ton of the world’s most famous art locked away in storage », Quartz, 20 janvier 2016 (dernière mise à jour le 21 juillet 2022) : https://qz.com/583354/why-is-so-much-of-the-worlds-great-art-in-storage. L’enquête porte sur la présence dans les salles d’expositions de grands noms d’artistes (Monet, Cézanne, etc.), il est fort probable que pour les collections ethnographiques, ce pourcentage de pièces exposées soit inférieur à 5%.
[2] Patrick Minder, La Suisse coloniale: les représentations de l’Afrique et des Africains en Suisse au temps des colonies (1880-1939), Berne, Peter Lang, 2011. Voir également : Postkoloniale Schweiz. Formen und Folgen eines Kolonialismus ohne Kolonien, ed. Patricia Purtschert, Barbara Lüthi, & Francesca Falk, Bielefeld, Transcript (Postcolonial studies, vol. 10), 201) ; et, Les colonialismes suisses. Entretiens, vol. I et II, ed. Sandro Cattacin & Marisa Fois, Sociograph, Sociological Research Studies, vol. 49 (2020) et vol. 50 (2020), ces deux volumes consultables à l’adresse suivante : https://archive-ouverte.unige.ch/unige:145542 et https://archive-ouverte.unige.ch/unige:146896. Sur le processus de décolonisation dans les institutions suisses, voir le volume 24 de la revue Tsanta, revue de la Société Suisse d’Ethnologie en 2019 : Decolonial Processes in Swiss Academia and Cultural Institutions: Empirical and Theoretical Approaches, consultable ici : https://tsantsa.ch/issue/view/1057.
[3] La Suisse ayant été la plaque tournante pour l’or pillé dans les pays occupés par l’Allemagne nazie, un immense travail de mémoire a été effectué qui trouve son accomplissement dans la présentation le 22 mars 2002, du rapport Bergier. La Commission indépendante d’experts (CIE, communément appelée Commission Bergier) est une commission extraparlementaire suisse, instituée par le Conseil fédéral le 19 décembre 1996, pour un mandat de cinq ans. Il s’agissait de « faire toute la lumière sur l’étendue et le sort de ce qu’on a appelé l’Affaire des fonds en déshérence ». Son rôle a été étendu à l’étude de la politique d’asile de la Suisse pendant la Seconde Guerre mondiale et à l’examen des relations économiques et financières entre la Suisse et le Troisième Reich.
[4] La publication Recherches de provenance dans les musées II. Collections liées aux contextes coloniaux. Notions de base et introduction à la pratique (Association des Musées suisses, 2022) a été écrite par un collectif d’auteur-e-s membres de l’Association suisse de recherche en provenance, sous la coordination de Claire Brizon : Sarah Csernay, Jonas Lendenmann, Floriane Morin, Olivier Schinz, Patricia Simon, Esther Tisa Francini, Béatrice Voirol. Elle est consultable ici : https://www.museums.ch/fr/publications/standards/recherche-de-provenance-collection-coloniale.html. La première brochure sur la recherche de provenance en 2021 était consacrée aux biens spoliés par les nazis : https://www.museums.ch/fr/publications/standards/recherche-de-provenance.html. Situation identique pour la chasuble conservée au Musée d’ethnographie de Neuchâtel (MEN) restituée au Paraguay en 1926 : https://plone.unige.ch/art-adr/cases-affaires/chasuble-2013-paraguay-et-musee-d2019ethnographie-de-neuchatel-et-francois-machon; ou pour la statuette en pierre de style Pucura restituée par le Musée d’Histoire de Berne au Museo Nacional de Arquelogía de Bolivia de La Paz en 2014 après le dépôt d’une demande de restitution par le gouvernement Bolivien en février 2013: https://www.tdg.ch/berne-restitue-une-statuette-precolombienne-a-la-bolivie-280202700493.
[5] Lorsque la Ville de Genève décida en 1930 de restituer au Japon la cloche du temple Honsen-ji de Shinagawa (dans la banlieue de Tokyo), la décision municipale fit force de loi ; nul besoin de recourir à l’assentiment du pouvoir cantonal ou fédéral. Notons que soixante ans plus tard, en signe de reconnaissance, le temple japonais offrit à Genève une réplique de la fameuse cloche que l’on peut voir aujourd’hui dans un pavillon au sein du parc de l’Ariana, voir : https://www.geneve.ch/fr/cloche-shinagawa-parc-ariana. Situation similaire
[6] Voir notamment la très belle expérience collaborative relatée dans l’article : « Entre inaliénabilité et restitution/réhabilitation/réappropriation : l’écriture à quatre mains. La collection du père Goubin au musée des Confluences. », avec Denis Pourawa, in Mwà Véé, Art kanak : le sens des formes, dir. E. Tjibaou, Nouméa, ADCK-Centre culturel Tjibaou, n°86, 2015, p. 35-53. Voir également l’exposition auquel a participé Denis Pourawa, « Retracer la Provenance », Musée cantonal d’archéologie et d’histoire, Palais de Rumine, place de la Riponne 6, Lausanne, 12 octobre 2021-8 mai 2022.
[7] Nicholas Thomas, Entangled Objects: Exchange, Material Culture, and Colonialism in the Pacific, Cambridge MA, Harvard University Press, 1991, cité par Noémie Étienne dans le catalogue Une Suisse exotique ? Regarder l’ailleurs en Suisse au siècle des Lumières, sous la direction de Noémie Étienne, Claire Brizon, Chonja Lee, Étienne Wismer, Zurich-Paris-Berlin, Diaphanes, p. 24.
[8] Pour l’accueil du Trésor de Béhanzin dans le palais présidentiel et la réaction des rois du Bénin en novembre 2021, voir : https://mondafrique.com/serie-patrimoine-africain-la-restitution-du-dieu-gou-au-coeur-du-voyage-demmanuel-macron.
[9] Voir l’article de Roland Kaehr qui s’interroge sur le statut des objets au sein d’une collection muséale : « Magie des musées », museums.ch, 10 (2015), p. 64-67.
[10] Je remercie Ramòn Puig della Bellacasa de m’avoir signalé l’événement du Quai Branly, enregistré et diffusé sur YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=DrGOhhrkqDw. Voir également la rencontre/table ronde du 29 juin 2022 au Musée du Quai Branly qui discutait des enjeux de la rencontre des deux masques Tukah, celui exposé au Louvre et sa copie conservée dans la chefferie Bamendou : https://quaibranly.fr/fr/recherche-scientifique/activites/colloques-et-enseignements/conferences-et-colloques/details-de-levenement/e/les-objets-sacres-le-cas-du-masque-tukah-de-bamendou-39490 ; et l’article de Sophie Cachon, « L’Invisible démasqué », Télérama, 3786-3787 (3/8/2022), p. 28-29.
[11] La hache kanak du Musée cantonal d’archéologie et d’histoire à Lausanne a été donnée au musée en 1824 par Benjamin Delessert et proviendrait des collectes de l’expédition dirigée par Antoine Bruni d’Entrecasteaux. L’inventaire du patrimoine kanak dispersé (IPKD) est un projet de la Nouvelle-Calédonie qui remonte aux années 1980. Ce projet a été mis en œuvre de façon poussée de juillet 2011 à juillet 2015. Voir : https://museenouvellecaledonie.gouv.nc/collections/linventaire-du-patrimoine-kanak-disperse-ipkd. Sur ce projet, voir le blog de l’équipe IKPD qui opérait depuis Paris : http://ipknkd.blogspot.com, et le blog très intéressant de la dessinatrice Mati, « Mon musée pour m’amuser » : http://under-the-stars-light.over-blog.com.
[12] Pour l’entretien avec Abdoulaye Camara, voir : https://mondafrique.com/notre-serie-sur-la-necessaire-restitution-du-patrimoine-africain-volet-3.
[13] Pour la réception du rapport Savoy-Sarr, voir : https://mondafrique.com/serie-patrimoine-africain-la-restitution-du-dieu-gou-au-coeur-du-voyage-demmanuel-macron.
[14] L’Association Suisse de Recherche en Provenance regroupe des chercheurs, de toutes les régions linguistiques de la Suisse, issus des domaines des musées, des archives et des bibliothèques ainsi que des universités et du marché de l’art, qui se sont statutairement regroupés pour former une association dans le but d’échanger des informations sur la recherche de provenance en Suisse et de partager leurs connaissances en matière de recherche entre les institutions au niveau national et international. Elle possède un site internet: https://provenienzforschung.ch/fr/schweizerischer-arbeitskreis-provenienzforschung-francais qui offre une sélection d’articles et de liens sur le sujet. Il existe également en Suisse un cabinet privé qui fait de la recherche de provenance : https://www.lange-schmutz.com.
[15] Les huit musées qui participent au projet « Benin initiative Schweiz » sont : Bernisches Historisches Museum, Historisches und Völkerkundemuseum St. Gallen, Musée d’ethnographie de la Ville de Genève, Musée d’ethnographie de la Ville de Neuchâtel, Museum der Kulturen Basel, Museum Rietberg der Stadt Zürich, Museum Schloss Burgdorf, et le Völkerkundemuseum der Universität Zürich. Voir le site du Musée Rietberg pour une présentation du projet : https://rietberg.ch/en/research/the-swiss-benin-initiative.
[16] Voir Ekpo Eyo, « Nigeria: Return and Restitution of Cultural Property », Museum, vol. 31, No. 1 (1979), p. 18-21.
[17] Les chroniques du Dr Kwame Opoku sont accessibles à l’adresse suivante : https://www.modernghana.com/author/KwameOpoku. Pour l’article « Are We Receiving The Restitution We Seek? » paru le 7 décembre 2021, il est consultable, ici: https://www.modernghana.com/news/1123962/are-we-receiving-the-restitution-we-seek.html.
[18] Le Dr Kwame Opaku rappelle que les demandes de restitution ont toujours existé : l’Oba du royaume du Bénin au Nigeria, Akenzua II, a fait une demande en 1936 et obtenu la restitution d’un artefact, mais cela n’a pas signalé un changement d’attitude radical. Bernie Grant, un député travailliste d’origine caribéenne (Guyane, député de 1987 à 2000), a plaidé en faveur de l’Oba du Bénin auprès du Parlement britannique, mais en vain.
[19] Voir les extraits de la conférence de presse des présidents Patrice Talon et Emmanuel Macron du 27 juillet 2022, diffusés par France 24 : https://www.youtube.com/watch?v=McAQ3-GJEhQ.
[20] Dans les années 1970, Roland Kaehr a été l’auteur avec Christian Kaufmann d’un colossal travail d’analyse des cinq collections ethnographiques les plus importantes en Suisse : Christian Kaufmann et Roland Kaehr, Übersichtsinventare der Museen in Basel, Bern, Genève, Neuchâtel, Zürich = Inventaires généraux des musées à Bâle, Berne, Genève, Neuchâtel, Zurich. Berne, Schweizerische Ethnologische Gesellschaft, 1979. Cette publication a été suivie en 1984 de Übersichtsinventare von 19 Sammlungen = Inventaires généraux de 19 collections, rédigé par Roland Kaehr et Ruth Kobel-Streiff, Berne, Schweizerische Ethnologische Gesellschaft. Puis de L’objectif subjectif : collections de photographies ethno-historiques en Suisse = Das subjektive Objectiv : Sammlungen historisch-ethnographischer Photographien in der Schweiz, édité par Thomas Psota et alii, Berne, Société suisse d’ethnologie, 1997. Voir également sa thèse de doctorat Le Mûrier et l’Epée. Le cabinet de Charles Daniel de Meuron et l’origine du musée d’ethnographie de Neuchâtel, Neuchâtel, Musée d’Ethnographie, 2000.
Le patrimoine africain (volet 4), le « Dieu Gou » au coeur !