Diffusée depuis le 21 mars 2025 sur Netflix, Go! suit un jeune sprinteur de Johannesburg propulsé dans un lycée d’élite. Une série tendue et politique sur la réussite, les fractures sociales et l’identité, portée par une narration nerveuse et lucide.
Depuis sa mise en ligne le 21 mars 2025 sur Netflix, Go! s’est imposée comme l’une des séries les plus regardées de la plateforme. Produite en Afrique du Sud par Ten30 Films, écrite par Thuli Zuma et réalisée par Tristan Holmes, elle plonge dans le quotidien tendu et contrasté d’un adolescent noir issu des quartiers populaires de Johannesburg. Avec un format court — six épisodes de 24 à 31 minutes — et une mise en scène nerveuse, elle capte l’attention dès les premières secondes.
Le héros, Siya « Bolt » Gumede, est un jeune sprinteur repéré pour ses talents athlétiques exceptionnels. Il décroche une bourse pour intégrer St. Judes, un lycée privé prestigieux de Johannesburg, réservé aux élites blanches et aisées. Mais le rêve de progression sociale se heurte vite à une réalité complexe, faite de racisme latent, de pressions familiales, de loyautés conflictuelles et de dérives urbaines. Le quotidien de Siya, incarné avec intensité par le jeune acteur Thandolwethu Zondi, oscille entre deux mondes : celui du mérite sportif et de l’avenir à construire, et celui, plus trouble, de son quartier, gangrené par la pauvreté et les logiques de survie.
La série déploie un double récit puissant : d’un côté, l’initiation d’un adolescent noir dans un espace codifié par les élites ; de l’autre, la tentation du repli et de la débrouille dans un environnement où l’on vit au jour le jour. Go! ne propose pas de morale facile. Elle interroge sans relâche : comment réussir sans trahir ? comment rêver quand tout autour semble voué à l’échec ? comment exister entre deux mondes qui s’excluent mutuellement ?
Visuellement, la série alterne entre le formalisme glacé du lycée et la chaleur chaotique du township, entre la course sur piste et les courses de rue. Chaque scène est construite pour faire sentir la vitesse, le risque, l’urgence. Le travail sur les cadres et les contrastes est saisissant. Les dialogues, entre anglais, zoulou et français (grâce à une excellente version doublée), sont d’une justesse rare. Aucun personnage n’est caricatural : la mère épuisée mais digne, le frère en marge, l’entraîneur ambigu, les camarades hostiles ou fascinés… tous participent à cette fresque sociale, sensible et tendue.
Go! est un drame initiatique profondément politique qui dit l’Afrique du Sud d’aujourd’hui, avec ses inégalités héritées de l’apartheid, ses élans de modernité, ses contradictions internes. Mais son propos dépasse largement le cadre local. Ce que vit Siya, c’est aussi ce que vivent des milliers de jeunes à travers le monde : la pression de réussir, les conflits de loyauté, la difficulté d’habiter plusieurs mondes à la fois.
La bande-son, entre afrobeats et trap, soutient cette tension permanente entre espoir et désillusion. Le montage est incisif, parfois brutal, et le récit ne ménage ni son personnage principal ni le spectateur. Pas de paternalisme ici, mais une volonté de montrer, sans détour, ce que signifie grandir entre précarité et promesses creuses.
Disponible en version originale sous-titrée (français, anglais, allemand, turc, ukrainien, zoulou) et en version française intégrale, Go! s’inscrit dans la nouvelle vague de fictions africaines promues par Netflix, après Queen Sono, Blood & Water ou Shanty Town. Mais elle s’en distingue par son ancrage radical dans le quotidien, son ton plus sec, et son refus du spectaculaire facile.
Avec Go!, l’Afrique du Sud donne une leçon de narration : rapide, tendue, lucide. Une série qui court vite, mais qui prend le temps de dire l’essentiel. Le portrait sans concession d’une jeunesse debout, en déséquilibre, qui court pour exister, pour fuir, pour choisir. Une série qui marque.