Mehdi Qotbi, le passeur d’images entre Rabat à Paris

Pour la première fois, l’Institut du monde arabe (IMA) consacre une rétrospective à l’artiste contemporain francomarocain Mehdi Qotbi. L’exposition réunit une centaine d’œuvres réalisées depuis les années 1960 – peintures, œuvres graphiques, tapisseries et céramiques .

Cette rétrospective met en lumière l’univers du peintre pour former un espace de dialogue entre les cultures et les imaginaires. Influencé par les traditions marocaines et les courants d’art européens, Qotbi invente une «désécriture», un nouveau langage où fusionnent les lettres et les signes arabes.

Philippe Dagen, critique consacré du quotidien « le Monde », observe que son art « s’offre et se dérobe. S’offre à la délectation chromatique. Se dérobe à l’interprétation critique. Elle se laisse admirer et ne se laisse pas saisir. » Proche de l’artiste Jean-Paul Albinet avec qui il étudie à Toulouse, puis du lettrisme d’Isidore Isou et de Jacques Spacagna, il affiche son admiration pour Claude Monet et pour Paul Klee.

Mémoires en bleu, jaune et rouge 2024, une des dernières oeuvres du peintre

L’ascenseur social !

Né en 1951 à Rabat, Mehdi Qotbi connaît une enfance modeste marquée par des conditions de vie difficiles qui forgent sa résilience et son optimisme. Dès son adolescence, il développe une passion pour la peinture. En 1967, il intègre les Beaux-Arts de Rabat, où sa rencontre avec Jilali Gharbaoui, pionnier de l’abstraction au Maroc, est déterminante.

En 1969, Mehdi Qotbi quitte le Maroc pour la France, où il obtient son diplôme des Beaux-Arts à Toulouse en 1972, avant de poursuivre ses études à Paris. Entre 1973 et 2007, ce boulimique enseigne les arts plastiques dans un modeste collège parisien, tout en poursuivant sa carrière  carrière artistique et en mettant un pied dans le monde politique.  Cn’est un secret pour personne que Mohamed VI apprécie la compagnie de cette boule de vie et d’humour qu’est Mehdi Qotbi

Comme les peintres américains Jackson Pollock et Marc Tobey, avec lesquels il partage l’amour des motifs all-over et les compositions libres, Qotbi privilégie un langage visuel plus intuitif où l’écriture se métamorphose. La vie de Mehdi Qotbi est jalonnée d’amitiés avec de nombreux écrivains, artistes, critiques qui donnent naissance à des « Rencontres écrites » où les textes s’entremêlent aux œuvres de l’artiste. Il tisse des dialogues créatifs avec Aimé Césaire, Andrée Chedid, Jacques Derrida et combien d’autres…

 

Pour Nathalie Bondil, directrice du musée et des expositions de l’IMA, « Qotbi imagine ainsi un processus de mise en relation, des imaginaires et des cultures (…). Métaphore de la beauté de nos voix en suspension, son alphabet de l’âme proclame une esthétique de l’universel et du discursif en intersubjectivités partagées ».

L’ami Qotbi

Son carnet d’adresses est légendaire

C’est peu de dire que ce passeur d’images n’aime rien tant que de provoquer des rencontres improbables. Son carnet d’adresses est légendaire. L’ami Qotbi peut aussi bien organiser un déjeuner avec Hubert Vedrine et Dominique de Villepin que de faire venir Brigitte Macron découvrir une exposition sur Picasso organisée en 2017 dans le musée de Rabat dont il a été nommé directeur. Jack Lang, patron de l’IMA et inconditionnel du peintre, a déroulé le tapis rouge pour cet accrochage qui devrait durer quatre mois. « Si Mehdi Qotbi fait danser son pinceau, chorégraphiant à merveille les graphèmes et réinventant le langage, il est surtout un maître incontesté des couleurs. Universaliste convaincu, ambassadeur culturel de la relation franco marocaine, il érige des ponts d’amitié et sensibles entre les continents (…) dans une conversation féconde avec les deux rives de la Méditerranée ».

 

 

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)