L’Or et l’Orient sous toutes leurs coutures

Une exposition scintillante au Musée Branly à Pari qui immerge le visiteur dans l’atmosphère des Mille et une Nuits et révèle toutes les richesses vestimentaires de l’Orient

Sandra Joxe

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D’après l’astrophysicien dont l’interview est proposée dès le début de l’exposition, l’or serait tombé du ciel !, Il proviendrait d’hasardeuses et violentes, collisions ou explosion d’étoiles, qui auraient éparpillé des poussières d’or dans l’univers jusqu’à la terre… pour le plus grand plaisir des hommes.

D’où, sans doute, la fascination universelle des êtres humains qui, depuis la nuit des temps, cherchent à se l’approprier et considèrent les pépites avec convoitise, certes, mais aussi avec un infini respect – comme autant de larmes de soleil, ou d’échantillons du divin.

De cette vénération pour l’or et de ce désir ancestral de faire corps avec lui, provient peut-être celui de s’en vêtir, de l’utiliser dans les bijoux, les parures mais aussi dans les vêtements, histoire de s’en faire une seconde peau.

Apprivoiser l’or

Le mot or, dérive du latin aurum, signifie briller

Tout comme le soleil, l’or fascine, iil vient d’ailleurs, indestructible.

L’or est un métal très malléable et facilement étirable : c’est pour cela qu’il est rapidement utilisé par les tisserands et les orfèvres qui conjuguent leurs techniques pour l’insérer dans les fibres textiles.

Dès la préhistoires les hommes ramassent les pépites dans le lit des rivières mais c’est au IVe siècle avant Jésus-Christ, dans tout le bassin méditerranéen, que les expéditions lancée par Alexandre Legrand, favorisent la circulation de l’or ainsi que les techniques de filage puis de tissage. A Rome et à  Byzance, les femmes de la haute société adoptent bientôt le luxe oriental et puis c’est tout le monde musulman qui s’entiche des robes brodées d’or destinées au calife et aux grandes dignitaires.

Une invitation au voyage

Images d’archives en noir et blanc en écho aux caftans scintillants

L’exposition emporte le visiteur dans un monde parrallèle, un tourbillon de luxe, de calme et de volupté – tissé de brocarts, de moirures, de soies chatoyantes et de drapés généreux.

Du Maghreb au Japon, en passant par les pays du Moyen-Orient, jusqu’à la Chine, le Musée du Quai Branly nous offre un festival de costumes de fêtes, de mariage, d’apparat, pour l’essentiels féminins mais pas que (on découvre une armure de guerrier nippon tissée d’or : puisque l’or est indestructible, le porter rendrait il immortel ?).

Mais le voyage dans l’espace – toujours plus loin vers les pays du soleil levant – se double d’un voyage dans le temps : les commissaires de l’expositions nous invitent aussi à parcourir les siècles, puisque sont exposées des chasubles médiévales tissées.

Dans la première section de l’exposition, consacrée au Maghreb et au Moyen-Orient , sont exposés des manteaux, des tuniques, des pantalons, des gilets : tous sont tissés, brodés, capitonnés ou enjolivés d’or ou de mousselines de soie selon différentes techniques qui témoignent de la richesse culturelle et artisanale de cette région.

Dès le Xe siècle, la Tunisie, par exemple, est réputée pour ses somptueuses étoffes tissées d’or et de soie. Puis ce sont surtout les costumes d’apparat qui éblouissent, dans la partie de l’exposition consacrée à l’Égypte et au Liban à la Turquie, l’Irak, au Yémen et l’Iran : au 18ème siècle le goût du luxe et des vêtements se répand. Il devient le signe ostensible et indispensable de la  richesse, mais aussi, mais surtout, du pouvoir. Apparaissent alors les costumes… masculins !

L’exposition entraîne les visiteurs encore plus loin : en Inde, en Asie, du sud-est, jusqu’à jusqu’au fin-fond de l’extrême orient. Elle est ponctuée par les créations contemporaines de la styliste chinoise Guo Pei, absolument superbes !

L’exposition ne se contentent pas d’exposer des merveilleux vêtements et ces matières improbables :  elle s’enrichit aussi de toute une série de mises en perspective historiques étayées par des  photos, des archives sonore et vidéo, des tableaux représentant des dames parées ou des  artisans au travail, de fileuses, de brodeuses des  interviews filmés d’historiens ou de spécialistes en tous genres.

Un rêve cousu main

Au fil de l’or

Au fil de l’or, au fil de la visite, le visiteur retrouve une âme d’enfant et plonge dans un véritable conte de fée visuel : il est ébloui – au sens propre du terme – et déambule, parmi une ribambelle de costumes plus chatoyants et plus lourds les uns que les autres, présentés avec un sens de la mise en scène – toujours exemplaire au musée Branly.

Les jeux d’ombre, l’éclairage, la disposition : toute la scénographie mise en place contribue à plonger le visiteur dans une atmosphère féerique.

Cet émerveillement redouble lorsqu’après avoir contemplé des robes de princesses de mille et une nuits couleurs de soleil ou des robes, couleur de feu ou des robes couleurs de lune toutes plus chatoyantes les unes que les autres – le visiteur apprend et découvre avec stupéfaction toute les inventions humaines qui, au fil des siècles, ont tenté de rivaliser avec l’or tombé du ciel.

La bave d’araignée…

Mais l’exposition ne se contente pas de nous faire rêver aux princesses orientales, elle instruit aussi  et propose de sacrées découvertes sur les inventions humaines en vue de produire… des matières qui rivalisent avec le métal précieux. Si l’or est un métal rare… le désir de briller ne l’est pas. Voilà pourquoi toutes les civilisations se sont toujours ingéniées à fabriquer des ersatz du roi des métaux.

Bien entendu il y a l’invention du Lurex aux États-Unis en 1946. Le Lurex, enveloppé de polyester, révolutionne le concept des fils métalliques et démocratise le « fil d’or » synthétique en le mettant à la portée de tout un chacun. L’expo donne à voir certaines tenues en Lurex… qui n’ont pas la classe des brocarts ottomans tissés de fil d’or .

Mais le génie humain ne s’en tient pas là : il a tout essayé Les vers à soie, bien entendu, mais aussi les araignées : eh oui ! Une robe en base d’araignée : Peau d’Ane en a-t-elle rêvé ? La bave des araignées a été ainsi récupéré, notamment à Madagascar au XIXe siècle, afin d’être tissée. Un jésuites entreprend au XIXe siècle, un élevage d’araignée « néphiles » et crée même une machine à tisser, en vue d’envoyer un lit à baldaquin dont tous les brocarts sont constitués de cette bave scintillante. Le projet n’a visiblement pas abouti, mais si la production n’était pas rentable, le défi était relevé !

… en plongeant dans la « soie Marine »

Le visiteur découvre aussi l’existence de la « Soie Marine » : les filaments dorés de la Pina Nobilis (ou « laine de mer »), produit par un coquillage ! La grande nacre, que l’on trouve dans tout le bassin méditerranéen est un mollusque bivalve, qui peut atteindre jusqu’à  un mètre de long et qui vit ancré dans les fonds sableux, grâce à ses longs filaments dorés, très fins. Jusqu’au 19 ème siècle les plongeurs napolitains recueillaient ces filaments tandis que leurs femmes les filaient puis les tissaient pour produire une curieuse et fragile étoffe dont les reflets chatoyants ont effectivement… la couleur de l’or. En témoigne une des rares chasubles conservée en mauvais état, témoignage précieux de cette technique abandonnées depuis longtemps.

Autant d’expressions de ce corps à corps, que l’homme a toujours entretenu avec « tout ce qui  brille»  rêve de soleil et d’immortalité.

Un rêve  éveillé qui brille de mille feux aux pays  des mille et une nuits, dans lequel  le visiteur accepte volontiers de se  aisser griser.